Attention, je vais faire ma nazie
Mais Mme Bovary et Belle du Seigneur sont deux de mes romans préférés.
Flaubert, certes, ne te captive pas par des rebondissements haletants comme dans de l'heroic fantasy, mais chaque phrase est équilibrée, fluide, musicale. Il transcrit les émotions humaines et le désespoir avec un regard plein de justesse, à la fois acerbe et tendre (c'est cela, l'ironie, grande caractéristique des romans français et en particulier de ceux du XIXè). C'est une de mes plus belles expériences de lecture ; il faudrait que je le relise
Et Belle du Seigneur... Quand je l'ai lu, j'étais en vacances ; je n'ai pas dormi pendant une semaine, parce que la journée ma famille voulait me faire faire des trucs, mais la nuit seulement je pouvais être tranquille et m'abandonner toute entière à la lecture, me plonger dedans, me jeter dedans comme dans un précipice, m'enrouler dedans comme dans une couverture.
Belle du Seigneur. Jamais un roman n'a aussi bien retranscrit cette chose étrange qu'est l'amour ; de sa naissance au moment où il se met à pourrir lentement. Jamais l'amour n'a été décrit d'une manière aussi pure et aussi cynique, aussi juste et aussi captivante.
Les monologues sans ponctuation représentent d'une manière souple et sublime le cours sinueux de la pensée humaine.
Ce roman est, certes, la quintessence, le sommet de la représentation de l'amour par l'art. À en rire, à en pleurer, à tomber soi-même amoureux des personnages. Parce que leur histoire, c'est l'idéal-type, épuré, stylisé de ce que l'on a tous vécu. On n'a qu'à se laisser transporter par la plume, précieuse et tendre, acerbe et ironique, d'Albert Cohen.
Mais outre l'histoire d'amour, le regard porté sur la société et sur l'histoire est d'une justesse et d'une profondeur saisissante (et c'est en ayant fait de l'histoire en prépa, et en titulaire d'une licence de socio, que je parle). En particulier, le passage sur la montée de l'antisémitisme dans les années 1930 est inoubliable ; tous les gens à qui j'ai fait lire le livre m'ont dit qu'il les a marqués.
Belle du Seigneur, c'est certes 1100 pages qu'il faut se bouffer. Mais croyez-moi, c'est une expérience qui vous marquera toute votre vie. Jouez le jeu, laissez-vous porter, ne soyez pas pressés, et vous ne verrez pas le livre passer. Je l'ai fait lire à plusieurs personnes de mon entourage, d'abord réticentes, mais toutes m'ont remerciée de les avoir harcelés pour qu'ils le lisent.
Je l'ai lu en une semaine, captivée, magnétisée, et je ne m'en suis jamais remise.