Je pensais ne plus avoir peur du harcèlement de rue, j’avais tort

[zazouyeah]

Contente de voir qu'on arrive à discuter des circonstances qui nous semblent favoriser le harcèlement sans faire du victime blaming. Je pense que c'est intéressant pour pouvoir comprendre la phénomène.
J'ai personnellement la même impression que les commentatrices ci-dessus, qu'une plus grande assurance tient une partie des lourdauds à l'écart. Je me rappelle aussi avoir été très mal à l'aise en rentrant tard avec certaines copines : leur attitude recroquevillée à regarder sans cesse derrière elles et à me dire "oh mon dieu regarde le type là bas, et si jamais il était violent" me faisait vraiment me sentir plus exposée que si j'avais été seule. En soi ça semble logique qu'un harceleur agira préférentiellement dans des situations qui présentent peu de risques pour lui (en groupe face à une victime seule, dans des endroits peu fréquentés/où il sait que personne ne risque de réagir, en choisissant une victime jeune ou mal assurée sur laquelle il est sûr d'avoir l'ascendant, ...). Je n'avais jamais pensé à l'influence du statut perçu dont parlent @Chat-au-Chocolat et @Nastasja mais (à part le fait que ça me dégoûte, encore une fois les plus nantis sont protégés) il me semble que ça peut rentrer dans la même grille de lecture : plus de risque de réaction et de poursuites car plus de moyens.

 

[Nastasja]

@zazouyeah alors, effectivement, certains doivent avoir peur des poursuites, en tout cas les harceleurs qui réfléchissent (enfin préméditent) un minimum et qui sont le moins stupides.

maintenant, je ne sais pas s'ils pensent vraiment si souvent à la justice, dans une société où tu prendras plus cher pour avoir braqué un fourgon et piqué un max de biffetons (sans faire de blessé) que pour avoir assassiné ta femme (compagne, concubine, ex etc). ce qui fait qu'ils se sentent autorisés à agir, c'est aussi le sentiment d'impunité homme vs femme. et qu'ensuite seulement, ils choisissent une victime la moins effrayante possible. le statut social supérieur, réel ou supposé, doit les effrayer parce que c'est déjà différent de ce qu'ils voient la majorité du temps (puisque les représentants des classes moyennes ou populaires sont plus nombreux que ceux des classes supérieures).
et aussi parce que dans l'imaginaire collectif, la femme vraiment belle / élégante / riche est trop "au-dessus" (out of the league) pour prêter attention aux "mecs normaux".
je suis pas sûre qu'ils se disent "oups et si j'évitais avec elle, elle a sûrement un bon avocat / connait le proc'", même si ça doit arriver. je pense que c'est plus "cette femme-là ne voit même pas les mecs comme moi, elle m'entendra même pas la siffler, zéro chance qu'elle me donne son numéro, je vais plutôt en trouver une qui évolue sur un plan similaire au mien " (bon je suis pas sûre qu'ils se disent ça aussi explicitement, ça doit être assez inconscient)

le cas de Marie Laguère (je ne sais plus comment cela s'écrit) ou de ma copine dont je parlais plus haut, qui réussissent à secouer les autorités, sont au final assez rares même si j'ai bon espoir que les choses changent.

 

[Nastasja]

@LaurenAuder non tu n'es pas la seule, mais tu es une rare élue

 

[zazouyeah]

@Nastasja : en effet, la peur de poursuites n'entre peut être pas en ligne de compte puisqu'elles font figure d'exception à l'heure actuelle . J'ai tout de même du mal à croire que les harceleurs font réellement ça pour pécho : comment pourraient-ils penser même une minute que des tactiques si agressives puissent déboucher sur une relation ? Je vois donc plutôt le harcèlement de rue comme un outil de domination pour remettre les femmes à leur place (= hors de l'espace public). Dans ce contexte, peut être qu'un statut social plus élevé les rend moins facilement dominables ?

 

[Chat-au-Chocolat]

@Nastasja : en effet, la peur de poursuites n'entre peut être pas en ligne de compte puisqu'elles font figure d'exception à l'heure actuelle . J'ai tout de même du mal à croire que les harceleurs font réellement ça pour pécho : comment pourraient-ils penser même une minute que des tactiques si agressives puissent déboucher sur une relation ? Je vois donc plutôt le harcèlement de rue comme un outil de domination pour remettre les femmes à leur place (= hors de l'espace public). Dans ce contexte, peut être qu'un statut social plus élevé les rend moins facilement dominables ?

Non effectivement, les harceleurs ne font pas ça pour pécho (sinon, ils auraient arrêté depuis longtemps, au vu de l'ineffectivité de la démarche ) mais pour dominer. Pour "marquer leur territoire", en quelque sorte.
Concernant le statut social (réel ou supposé) qui les décourage souvent de harceler, je ne pense pas qu'ils se disent "ouh là là, celle-là doit connaître un bon avocat !", parce qu'ils ont parfaitement conscience que le harcèlement de rue est impuni (dans les faits… et même en théorie, car le seul risque c'est juste une pauvre contravention). Par contre, effectivement, je pense qu'ils se disent statut social élevé = un minimum de pouvoir = moins facile d'exercer sa domination. C'est le pouvoir qui les décourage, en fait. Quand t'as l'air d'avoir confiance en toi, ou d'avoir du fric, ou n'importe quel autre attribut du pouvoir, tu es beaucoup moins manipulable, et surtout tu es en capacité de les envoyer chier ou a minima de leur jeter un regard empreint de mépris auquel ils ne sont pas habitués. Ca calme. Je pense que c'est aussi pour ça que les femmes plus âgées (genre trentaine - quarantaine) se font moins emmerder en proportion.

 

[Nastasja]

@Elliana ces gens là sentent la peur, comme les chiens, enfin franchement j'en suis arrivée à cette conclusion (après tout l'Humain est un animal comme un autre -ah non, pardon, c'est le pire ). du coup malgré ta présentation, ils ressentent sûrement ta crainte du HDR , qui "annule" ton "statut de pouvoir" et ils se sentent en puissance, ces saletés… je dis pas que c'est de ta faute du tout hein, ce sera toujours de la faute de l'agresseur (et de l'agresseuse dans ton cas), c'est juste une explication qui me paraît pas tirée par les tifs.

après je pense que comme l'on dit les Madz plus haut, cela dépend aussi des quartiers où l'on est. Par exemple, pour moi la tranquillité est proche du 100% dans ma très bourgeoise ville de banlieue - tu notes que c'est pas non plus 100%, il y a toujours un taux résiduel de malotrus. mais si je vais rendre visite à mes parents dans leur ville (région Auvergne) c'est pas la même. DU TOUT. genre WTF. d'ailleurs, j'ai légèrement peur de sortir seule quand je suis chez eux, je me sens pas du tout en sécurité (pourtant j'ai un sale caractère et du répondant).

 

[Chat-au-Chocolat]

@Elliana Bah je sais pas, perso c’est juste mon expérience, mais je conçois tout à fait que ce ne soit pas celle de tout le monde
Il y a sûrement d’autres paramètres qui jouent : le lieu géographique, la peur (c’est terrible mais j’ai effectivement l’impression que plus on craint de se faire harceler... plus on se fait harceler), le manque d’assurance... Ou tout simplement le hasard ! Moi c’est quelque chose que j’ai remarqué à plusieurs reprises et j’en ai tiré une certaine théorie, mais ça ne marche sans doute pas avec tout le monde.

 

[Le Lustre Connu]

Pareil, je n'ai jamais été harcelée non plus. Ca m'est arrivé de me faire aborder, de me prendre quelques remarques et d'autres choses, mais ça reste tellement anecdotique que je ne considère pas cela comme du harcèlement. Et ça dans n'importe quel endroit en France, dans une grande ville, petite ville, à la compagne, dans les transports en commun, la nuit etc.
Je vis depuis plusieurs mois dans une capitale européenne (qui n'est ni Londres, ni Stockholm, ou insérer toute autre ville où le harcèlement est réputé minime voire inexistant) et le constat est le même, je ne me fais pas plus aborder qu'en France. J'ai peut-être plus de regards, mais je n'y prête pas attention. Je continue à m'habiller en robe, jupe, short, sortir et rentrer à l'heure que je veux, je prends le métro tard le soir (ou tôt le matin), jamais eu de soucis, je suis totalement safe.

 

[adita]

J'ai confiance en moi et je manque pas d'assurance et je me fais aborder tout les jours par tout les temps et n'importe où par n'importe qui En mini jupe comme en jogging

Mon explication c'est que je suis souriante et que j'ai l'air accessible, et ça explique aussi pourquoi je ne me fais jamais insulter. Après c'est juste les hypothèses. J'ai quand même remarqué que je me fais un peu plus embeter quand j'ai l'air plus vulnérable, par exemple quand je boîte, mais en même temps je répère plus facilement les mecs qui me suivent quand c'est le cas

Je sais pas si j'ai déjà eu peur du harcèlement de rue, j'ai failli me faire frapper par une inconnue une fois et j'ai vraiment eu peur mais dans un contexte de harcèlement je ne crois pas (je suis la meuf qui fait faire des tours gratuits de tram au mecs qui me suivent ). Ça m'empêche pas de me faire accrocher/toucher/suivre/etc mais au moins je mefais pas d'ulcère à cause de ça.

J'avais fait un stage d'auto défense à une époque et ça m'avait marque à quel point les femmes s'empechent de sortir de chez elles. Plus que les prises d'auto défense et les ripostes verbales je pense que le stage a vraiment permis à beaucoup de reprendre confiance dans la rue (je conseille ce genre de stage, vraiment).

J'avais lu à un moment une féministe qui disait que les agressions font parties de la vie d'une femme et qu'il faut vivre avec, ça et Virginie Despentes, ça m'a fait beaucoup de bien. Je vais pas m'arrêter de vivre et de sortir pour eux. Je me promène en mini-robe archimoulante partout et rien à battre.

 

[Tamiat]

Cette discussion est super intéressante ! J'ai la chance de ne quasi jamais me faire emmerder dans la rue (sauf par les crackheads ) et j'ai l'impression de remplir les critères mentionnés plus haut par @Nastasja : même si je m'habille rarement de manière à faire transparaître mon statut social, je pense que je donne l'image de quelqu'un qui a beaucoup d'assurance et bien situé dans l'échelle sociale (d'ailleurs de manière assez drôle maintenant que j'ai un très bon salaire les recruteurs de donateurs n'osent jamais l' dans la rue alors qu'avant quand j'étais étudiante et que je passais ma vie à manger du riz ils se jettaient sur moi comme la misère sur le pauvre monde ) et quand je marche dans la rue j'ai l'air très fermé et très déterminée à arriver à ma destination (même si je suis perdue, tout est dans le jeu d'acteur )

@Elliana : ton message me fait penser qu'il y a aussi un critère qui n'a pas été mentionné : la stature physique. Je suis assez petite mais les gens pensent souvent que je suis plus grande que ma taille de 5/6 cm et j'ai les épaules assez carrées et pas mal de muscles. Malheureusement j'ai l'impression que plus on est petites et moins on a l'air d'avoir de force physique plus on se fait emmerder

Après tout ça reste très aléatoire mais je pense que ça peut expliquer les différences de ressenti entre plusieurs personnes qui habitent pourtant dans la même zone.
En tout cas, je ne sais pas qui l'a mentionné plus haut mais ça rend le harcèlement de rue encore plus grave : c'est à dire que non content de s'en prendre à des gens qui n'ont rien demandé on a quand même l'impression qu'ils choisissent en priorité les personnes qu'ils vont le plus emmerder.

 

[Kaeloolagrenouille]

En parlant du HDR, à mes 18 ans, j'ai commencé mes études dans une ville X, je me faisais régulièrement harcelée, pendant les trois ans où j'ai vécu dans cette ville, puis j'ai changé de pays, pour vivre dans une grande métropole, où il est connu que le harcèlement de rue est bien moins courant. J'ai connu le plaisir de rentrer souvent très tard dans la nuits en transport public sans avoir peur, je n'ai connu que quelques expériences où je me suis fait aborder, mais jamais de manière agressive (ça reste du harcèlement, mais c'est quand même différent quand on ne se fait pas insulter, ou que dès que la personne voit que ça nous dérange lâche l'affaire). Puis j'ai voyagé en Europe pendant quelques mois en solo et j'ai pu constater que je me suis fait harceler en Italie et en France (avec beaucoup d'invectives) mais quasiment pas dans les pays du Nord que j'ai visité.

Aujourd'hui j’habite dans une région où en ayant habité dans deux villes successives je n'ai pas du tout connu de harcèlement. C'est le même pays où j'ai fait mes études dans la ville X, mais pas la même région linguistique.

Je pense qu'à tout ça, il y a un côté statistique aléatoire, le fait que je devais avoir l'air moins confiante quand j'étais beaucoup plus jeune. Maintenant je pense que j'ai l'air plus assurée et peut-être aussi plus fermée. Mais je vois aussi que le harcèlement n'est pas pareil partout - pas aussi intense en tout cas dans certains pays. Je parle de mon expérience personnelle, sans avoir de chiffres, d'études sous les yeux etc, mais je dois dire que ça m'intrigue quand même pas mal depuis plusieurs années ces différences que j'ai pu constater.

Maintenant je dois dire que je me sens assez confiante comme ma dernière expérience de harcèlement remonte à il y a trois ans en arrière mais je suis bien consciente que cette confiance est fragile et tient surtout au fait que je n'ai pas vécu d'expérience négative depuis un bon bout de temps.

 

[Nastasja]

@Elliana organiser une étude… bonne idée! ça nous ferait un pool de cobayes tout trouvé pour les expérimentations sur la greffe de cerveau