J'aurais été moins frustrée s'il n'en avait jamais été question, mais ladite conversation entre les 2 personnages noirs (Simon Hastings et Lady Danbury) m'a donné envie d'en savoir plus.
J'ai commencé à regarder et j'ai effectivement vu l'épisode dont tu parles Je comprends ce que tu veux dire du coup. Il y a aussi le 2e épisode je crois où le père de Simon dit quelque chose qui laisse entendre que le titre de Duc lui a été donné très récemment et qu'il a peut-être encore le souvenir de discriminations passées. Et c'est vrai que ces deux dialogues tombent un peu comme un cheveu sur la soupe dans l'univers.
J'aime beaucoup le côté colorblind de la série en fait. Je trouve que ça habitue les spectateurs à percevoir les personnages issus des minorités autrement que comme des minorités justement. Les personnages noirs ont du prestige, du pouvoir et ça semble totalement naturel dans cette version de l'histoire, c'est une démarche politique intéressante je trouve de représenter les choses comme ça.
Mais ces quelques dialogues sur le racisme peuvent potentiellement faire glisser le regard du spectateur et je trouve ça dommage car du coup, les personnages principaux noirs ne sont plus perçus comme des personnages en costume comme les autres mais comme des personnages au parcours "inhabituel" qu'on peut rattacher à nos représentations habituelles des personnages noirs (la paria, l'excentrique, la femme de l'homme puissant, le boxeur des classes populaires, etc.) sans trop bousculer nos préjugés.
J'aurais préféré que ça soit présenté comme parfaitement normal que des personnages noirs aient cette place dans la société, surtout que la réplique de Lady Danbury et celle du père de Simon laissent entendre que leur position sociale est très récente (à peine une génération) et dans ce cas, c'est effectivement très étonnant que le racisme ait magiquement disparu de la société alors qu'il existait 30 ans plus tôt!
Du coup, effectivement, je trouve le traitement du racisme un peu léger. Quitte à en faire un sujet sous-jacent, je pense qu'il y aurait eu des angles plus intéressants.
Les perceptions raciales telles qu'on les connait aujourd'hui ont pris leur ancrage vers la fin du 19e siècle. Au début du 19e siècle, le racisme n'avait pas la forme moderne actuelle, du moins à l'échelle de la société. Les historiens anglais ont démontré qu'il y avait de nombreux noirs libres dans l'Angleterre de cette époque, et que dans les quartiers populaires, il y avait relativement peu de différence entre noirs et blancs sur la base de la race. Le racisme était un concept intellectualisé, donc il ne touchait pas du tout de la même manière les couches moins éduquées.
Il faut savoir que l'Angleterre avait promis aux esclaves qui combattraient contre leurs maitres pour l'Angleterre pendant la guerre d'indépendance américaine qu'ils gagneraient leur liberté et elle a largement tenu parole en les transportant en Angleterre après sa défaite, d'où la présence de nombreux noirs à Londres à la fin du 18e et au début du 19e siècle. J'avais même lu un livre sur les premiers pionniers en Australie et il y avait plusieurs noirs parmi eux car les pionniers étaient majoritairement des habitants d'Angleterre condamnés au bagne pour des crimes sur le sol anglais... et il y avait plusieurs anciens esclaves d'Amérique parmi eux qui avaient fini par s'établir en Australie après avoir purgé leur peine. Or, les premiers pionniers européens en Australie ont pu se faire une place importante dans cette société coloniale en construction, et plusieurs bagnards noirs ont été dans ce cas.
Bref, imaginer un autre rapport à la hiérarchie raciale était possible de manière tout à fait cohérente historiquement, donc je trouve dommage comme toi ces dialogues un peu superficiels et clichés sur le sujet ("l'amour a pu surmonter le racisme")... Peut-être qu'ils en feront quelque chose de plus par la suite, mais j'espère que non car je doute que ce sera vraiment très creusé et subtil si c'est le cas
Historiquement, il y a eu des figures noires favorisées par des souverains dans des sociétés blanches (ex: l'arrière-grand-père de l'écrivain russe Pouchkine, un esclave éthiopien devenu favori du tsar Pierre le Grand, qui a épousé des femmes nobles et dont plusieurs descendants font partie de la noblesse britannique actuelle) et ça n'a pas suffi à renverser le racisme donc le fait que le roi George tombe amoureux de la reine Charlotte me parait une raison un peu légère pour bouleverser toute la hiérarchie raciale - même dans une romance et peut-être même justement dans une romance où l'on montre bien que l'amour ne suffit pas à assurer le succès des protagonistes!