J’ai vécu une histoire similaire il y a plusieurs années, sauf que je vivais seule dans une ville où je n’avais pas d’attaches familiales, j’étais étudiante, j’avais 18 ans et je vivais au dernier étage d’un petit immeuble à côté de l’appartement d’un couple de voisins. La voisine elle aussi avait 18 ans, loin de sa famille et de sa région d’origine, lui semblait un peu plus âgé. Un solide gaillard. Je ne les connaissais pas, d’apparence ils étaient le couple parfait, toujours souriants mais extrêmement distants et froids, ce qui est rare pour des étudiants. Pourtant... j’ai plusieurs fois entendu des disputes et des cris, des insultes à l’égard de la fille, rien d’extrêmement inquiétant qui me laissait penser que sa vie était en danger, mais pas des disputes de couple classiques non plus, et j’ai toujours été persuadée qu’il la frappait. Peut-être ce sourire trop lisse quand je la rencontrais dans l’escalier. Cette insistance à passer pour le couple parfait. Pourtant je n’ai jamais appelé la police, la peur sûrement, de lui, car moi aussi j’avais peur de lui. On vivait isolés au dernier étage de ce petit immeuble qui ne semblait habité que par nous. Mais l’incertitude aussi, on n’est jamais vraiment sûrs de soi, de ce qu’on a entendu, du danger réel ou supposé. Ça peut être une simple dispute, on a des doutes, mais peut-être qu’on exagère, qu’on panique pour rien. Pourtant après des années, je n’oublie pas cette voisine, son sourire triste, son regard. Mes autres voisines, j’ai oublié leur visage depuis bien longtemps. Pas elle. Ça n’est sûrement pas pour rien. Je sais qu’aujourd’hui peu importe la peur, peu importe les doutes et l’hésitation à dénoncer sans preuves et à peut-être me tromper, j’appellerais la police, je n’hésiterais pas un instant.