Ca m'est arrivé d'appeler la police deux fois pour ce genre de choses et pour les même voisins. Résidence bien isolée, pourtant, alors j'étais incapable de dire d'où venait le bruit. Je ne connaissais que mes voisins de pallier et ce n'était clairement pas eux. Etage du dessus ou du dessous ? Aucune idée, mais les deux fois il était très tôt le matin, vers 5h la première fois et vers 6h30 la deuxième.
La première fois c'est mon instinct de préservation qui m'a réveillée je crois. Quelque chose dans l'ambiance, dans le ton des voix que je discernais à peine. Je vivais seule, vraiment très seule, pas de petit ami, mes amis et ma famille à plusieurs centaines de kilomètres, personne dans le coin pour me conseiller éventuellement, donc je ne savais pas quoi faire. J'avais peur d'appeler la police "pour rien" et d'être fichée comme le garçon qui crie "Au loup !" Et puis j'ai entendu ses sanglots à elle et ses "laisse-moi partir", ses tentatives de déverrouiller la porte d'entrée et les claquements de porte en réponse, quand il tournait à nouveau les clés dans la serrure. Alors j'ai appelé, parce que ça paraissait tellement logique, en fait.
J'habitais dans une sorte de grosse résidence-labyrinthe avec des bâtiments et des petits chemins partout alors les flics m'ont rappelée pour passer le portail et puis encore une fois en bas du bâtiment où je suis descendue (en pyjama) pour leur ouvrir. Les bruits s'étaient tus, ils m'ont demandé où c'était, je ne savais pas précisément. Ils ont dit qu'ils allaient attendre dans l'escalier pour voir. Je suis rentrée chez moi, je n'ai plus entendu un bruit, même pas les policiers partir.
La deuxième fois, je dormais dans mon salon parce que j'avais laissé ma chambre à un couple d'amis, j'étais plus près de la porte d'entrée, j'ai entendu avec plus de force. Mon réveil devait sonner trente minutes plus tard, je suppose que mon sommeil était plus léger aussi. Mais une fois encore ça se disputait plutôt violemment. L'isolation étant ce qu'elle était, je ne distinguais ni les mots ni les coups si coups il y avait. Je suis allée réveiller mes amis pour partager les impressions avec eux, être sûre que j'étais pas "parano". Au bout de cinq minutes, ça ne se calmait pas, loin de là. Encore une fois j'ai entendu les bruits de cette foutue porte qui s'ouvre et qui se ferme et je me sentie claustrophobe, alors j'ai décidé d'appeler les flics, encore une fois.
Il y a encore eu quelques bruits sourds, quelques bruits de porte, puis j'ai vu le mec descendre à travers le judas. Arrivé au milieu de l'escalier entre mon étage et celui du dessous, il a secoué la tête et fait demi-tour, remontant les marches quatre à quatre. Je me suis demandé ce qui lui passait par la tête. Il avait oublié de donner une dernière baffe à sa copine pour la route ? Une dernière insulte ? C'était quoi le but ?
Finalement du coup, il était là quand la police est arrivée. Cette fois, je ne leur ai ouvert que le portail de la résidence. Je crois que plusieurs voisins avaient appelé, parce qu'ils ont pu entrer dans le bâtiment et mon voisin de pallier était dehors pour leur indiquer l'étage quand ils sont montés.
Ils ont frappé à la porte, on dit "bonjour, c'est la police, on nous a dit qu'il y avait une dispute", le mec a ouvert quelques secondes plus tard en répondant "oui, entrez, je vous en prie" en toute décontraction avec dans la voix la politesse du type qui n'a rien à se reprocher. Je ne sais pas ce qui s'est passé après, je n'ai jamais réentendu de disputes, mais je me suis toujours demandé si cette fille avait réussi à partir.
Quelques mois plus tard à peine, ma cousine passait la nuit aux urgences, son mari en garde à vue pendant que ses trois enfants étaient gardés par mon oncle. Après l'hôpital, elle a dû rentrer chez elle, seule, en taxi et pieds nus, parce que quand la police et l'ambulance arrivent chez toi et t'emmènent, ils te disent pas que tu vas devoir rentrer en plein milieu de la nuit par tes propres moyens et que quand ton mec te balance une chaise à la gueule, tu penses pas forcément au retour.
Après cette nuit mouvementée, elle a du emmener les enfants à l'école, et aller au boulot. Et puis il est revenu de sa garde à vue parce que lol. Elle a appelé l'école des enfants pour aller les chercher plus tôt pendant que lui bossait. Son père l'a accompagnée à la maison pour qu'elle puisse prendre les vêtements des enfants et deux-trois affaires pendant que sa mère allait chercher les gosses (7, 5 et 2) à l'école et chez la nounou et ils se sont retrouvés dans un centre de secours.
La suite est une autre histoire (pas franchement rigolote mais moins dramatique qu'elle aurait pu l'être), mais bref. Depuis cette histoire, je me dis que même si j'ai le plus infime doute, j'appellerai les flics. Tant pis si je passe pour une folle qui crie "Au loup!"