@Lunafey En vérité, le but de l'activisme autiste est justement de tenter de faire entendre la voix de tous et de toutes, quelles que soient les accommodations qui leur sont nécessaires. Nous n'avons pas dans l'idée de dire que "L'autisme, c'est super cool et on est tous comme Sheldon", mais bel et bien d'offrir un point de vue interne et de nous mobiliser pour généraliser l'accessibilité et l'arrêt de la discrimination envers les autistes.
Nous luttons pour que les tablettes AAC, entre autres moyens de communication, soient plus facilement accessibles aux personnes en ayant besoin. Nous luttons pour que le comportement d'un autiste, quel qu'il soit, soit reconnu comme un mode de communication et, en tant que tel, étudié et développé afin de permettre à la personne de s'exprimer. Nous luttons pour empêcher la propagation de thérapies abusives qui ne font que renfermer les autistes dans leur "coquille" (ABA, notamment. Les dérives liées à cette thérapie sont catastrophiques et beaucoup plus répandues que l'on ne le croit).
Nous avons des parents autistes d'enfants autistes qui apportent leur aide et leurs conseils aux parents neurotypiques. Nous avons des jeunes adultes et adolescents autistes, ayant été enfants, qui sont plus qu'heureux de donner un aperçu de leur vision du monde et d'accommoder leurs jeunes pairs. L'acceptation de l'autisme ne peut définitivement pas se faire sans nous.
Je ne sais pas si tu as lu mon témoignage (ça sonne affreusement prétentieux et j'en suis désolée), mais je suis loin de n'évoquer que le "positif" de l'autisme ou de laisser de côté les personnes qui ont plus de difficultés que moi. Au contraire, grâce aux réseaux sociaux, nous nous réunissons, nous échangeons des astuces pour nous rendre la vie plus facile, nous nous soutenons, nous nous comprenons. Mon impact est encore modéré, mais j'ai déjà offert des conseils à des parents et à des adolescents en quête de réponse. D'autres activistes autistes le font beaucoup mieux que moi et sur une plus large échelle (je te conseille de regarder les vidéos "Ask an Autistic" sur Youtube et de consulter le tumblr Neurowonderful).
L'idée n'est pas de mettre les parents à l'écart, mais de les aider à ne pas diaboliser l'autisme et à accepter leur enfant sans pleurer une image idéalisée de ce dernier. Si je vois un enfant autiste non-verbal pleurer et crier dans un supermarché, je suis capable de comprendre pourquoi et je connais des techniques pour l'aider à s'apaiser. Je sais qu'il faut l'éloigner des sources de lumière et de bruit, lui prodiguer des objets ou des paroles qui dérivent de ses intérêts particuliers afin de soutenir son attention et surtout qu'il ne faut pas le brusquer. Je le sais parce que c'est ce que je souhaiterais pour moi. Ce n'est pas toujours 100 % applicable, mais ça aide, c'est proche.
Fais un test : demande à quelqu'un ce que lui évoque l'autisme, tu as énormément de chances pour qu'il te cite Rain Man. Les gens ont une image négative de l'autisme. Ils le perçoivent comme une tragédie, une maladie semblable au cancer, un fardeau pour les parents... L'enfant autiste n'est plus considéré comme une personne, mais comme le porteur de tant de maux, de tristesse, de déception.
Souvent, je peux entendre mille horreurs sur l'autisme. Je peux entendre ma collègue qui plaint immensément une de nos usagères qui a deux garçons autistes, qui salue Son courage à Elle avant de déclarer qu'elle préférerait mille fois avorter que de subir ce sort. Je peux entendre ma mère me dire que je ne suis pas comme "Eux", à la télé, ces enfants autistes qui pleurent, crient et gesticulent. Je peux l'entendre être soulagée et ignorer tout de mes luttes internes, du combat que je mène et du combat que mènent ces gamins contre une société qui ne les accommode pas. Je peux entendre des gens ériger des parents en martyrs, ces parents qui ont assassiné leur enfant autiste parce que c'était "trop dur". J'entends mille horreurs sur l'autisme de la part des Neurotypiques, mais si peu de bonnes choses. Quoi d'étonnant alors que nous nous mobilisions pour rappeler que nous sommes des personnes, que nous avons appris à aimer ce que l'on est et que notre vie n'est pas une tragédie?