J'ai été pro-ana pendant un an et demi et je suis depuis anorexique/boulimique.
Le thigh gap, c'était mon rêve quand j'ai commencé à me rresteindre (à 14ans). J'étais un peu rondelette ( même si je me voyais ENORME, hippopotamesque, etc, je faisais un 42) et en trois mois, j'ai perdu 10kilos pour faire 53 kg pour 1m68. Bien évidemment, j'ai tout repris aussi sec.
Ces dernières années, j'ai fait le yoyo entre 51 et 55kg, et je suis aujourd'hui à un poids énorme-hippopotamesque-etc pour moi, avec MA vision déformée de moi-même à cause de la malade de 57kg pour 1m72/73. Quand je lis mon poids ou quand je prends mes mensurations, je sais très bien que mon corps est normal voire plutôt mince (je fais du 36 voire du 34, même si je rentrais mieux dedans avec 5 kilos en moins, forcément).
Cet hiver, quand j'effleurais les 50kilos, mon psychiatre m'a menacée d'hospitalisation car il me trouvait maigre. Or, je ne me trouvais pas "maigre" ni même mince jusque-là. Mais dans le métro, à partir de Novembre, je me terrifiais moi-même. Je n'avais pas eu de thigh gap et les forums PA/TCA m'avaient souvent abreuvé d'images du même acabit que celles du hashtag. Et j'ai vu, une fois que je portais un slim tout simple, mon reflet dans le miroir et je me suis rendue compte que j'avais le même que ces filles photoshoppées et idéalisées. J'ai croisé le regard de plusieurs gens, assis face à moi et je me suis dit : " Peut-être se demandent-ils comment je peux encore tenir debout avec des jambes comme des spaghetti".
J'étais contente d'être aussi mince, mais je me trouvais toujours trop, trop je ne sais pas quoi, mais trop. Paradoxalement, je réalisais ce à quoi je ressemblais : à un espèce de pantin désarticulé, aux jambes trop fines presque incapables de la tenir dans l'escalier.
Aujourd'hui donc, sous l'effet de la peur d'être hospitalisée, j'ai repris 5kilos (en 5 mois). J'ai encore mon thigh gap, mais il me semble si petit par rapport à ce que j'avais : je n'ai pourtant pris que 2cm de tour de cuisses depuis cet hiver. D'un côté, je me dis " Bof, ça veut rien dire, t'es bien comme t'es" mais le thigh gap reste une obsession : pour moi, le voir rétrécir voir disparaître veut dire que tous mes "efforts" ( de restriction, donc c'est pas très glorieux de dire "efforts"), mes punitions corporelles, toute ce dans quoi la maladie me fait mariner n'a servi à rien puisque je n'en porte pas de séquelles, de preuve corporelle.
C'est pour ça que mes pensées aujourd'hui se tournent vers le fait de reperdre du poids, encore et encore, pour revoir mes jambes comme elles étaient en Décembre. Même si je sais que je ne m'en sentirai pas mieux et que je vais (encore) me ruiner la santé.
Les PA ont toujours cette idéologie de l'effort , de la volonté, de se surpasser , au grand mépris des lois de la biologie et de la santé. Leur logique est simple : "Si tu grossis, c'est ta faute. Tu peux être qui tu veux , aussi mince que tu veux, avec la morphologie que tu veux, si tu t'en donnes les moyens, quitte à employer des moyens drastiques." On spamme les hashtags, blogs, forums d'images photoshoppées ou de thinspos dits "réelles" mais qui ne représentent qu'une minuscule partir des morphologies que l'on trouve, mais qu'on célèbre, et pas seulement dans le milieu PA.
Je voulais exprimer mon point de vue et expliquer mon expérience mais je vous dis: ne devenez jamais comme moi, ne vous bousillez pas la santé pour devenir ce mirage. C'est un cercle vicieux dont on peine à sortir, et dont je ne vois même pas la fin.