A la première lecture de l'article, j'avais l'impression que les tweets dénoncés essayaient de faire croire que Marlène Schiappa avait fait un tuto coiffure sorti de nulle part et se moquaient du fait que c'est un "truc de fille" donc indigne. Après être allée voir de plus près les tweets mentionnés et les comptes dont ils émanent, ça n'est clairement pas toujours le cas.
Le premier tweet a avoir été posté, celui d’Élodie Jauneau, accusée de manipulation et de faire preuve de mauvaise fois, comporte un extrait de la vidéo assez long qu'on puisse entendre au début et à la fin les critiques de Marlène Schiappa quant au fait d'être obligée de faire son fameux chignon pour être écoutée. Le logo MadmoiZelle et la date d'enregistrement restent visibles, laissant la possibilité à n'importe qui d'aller chercher la vidéo originale. Au vu de l'ensemble des tweets du compte, on comprend qu’Élodie Jauneau est très critique du gouvernement actuel et notamment de Marlène Schiappa, sur le fond comme sur la forme. Il paraît assez évident qu'elle a compris le but de la vidéo, qu'elle n'a aucune intention diffamatoire ou manipulatoire (elle essaie en vain d'inciter l'un des nombreux trolls à avoir réagi à son tweet de supprimer une réponse particulièrement agressive et misogyne) mais qu'elle est malgré tout consternée par la stratégie de communication de la ministre, ce qui aux dernières nouvelles est une opinion tout à fait acceptable, qu'on soit d'accord avec elle ou non, et n'a rien d'une fake news.
Le compte FemmesEnMarche, d'une sympathisante de La République en Marche reprend ce tweet, en y ajoutant un argumentaire à base de dégradation de l'image des femmes et de soumission dont elle ne démord pas malgré le dialogue entamé par MadmoiZelle. J'ai beau trouver l'argumentaire particulièrement crétin et comprendre la nécessité d'y répondre de manière critique, il s'agit là aussi d'une divergence d'opinion et non d'une fake news.
Six mois plus tard apparaît une autre version de l'extrait dont le début a été coupé et dont le cadrage ne laisse plus voir le logo MadmoiZelle ni la chroniqueuse beauté présente à côté de Malrène Schiappa. Il est repris par Julien Ibos, un attaché parlementaire lié aux Républicains et par quelques anonymes d'obédiences politiques très diverses. Le recadrage et la coupe qui rendent plus difficile le fait de retrouver la vidéo originale sont effectivement regrettables, et le tweet du parlementaire ressemble beaucoup à un dénigrement facile et à peu de frais d'une adversaire politique. Mais je ne vois rien de très étonnant à ce que des personnes lambda reprennent un morceau choisi d'apparition médiatique d'une personnalité politique pour le tourner en dérision. Les gouvernant-e-s voient souvent leurs éléments de communication raillés par les gouverné-e-s, ce phénomène n'est ni nouveau ni inédit à Marlène Schiappa.
En fait, j'aurais compris que cet évènement soit l'occasion de rappeler l'importance d'analyser les choses dans leur contexte, notamment sur Internet où l'on est inondé-e-s de bouts d'information à longueur de journée, de dénoncer la violence de trolls qui sévissent sur Twitter, ou bien de parler à nouveau du lien entre apparence et travail des femmes politiques. Mais là, des critiques très diverses sur le fond comme sur la forme ont juste été agglomérées et taxées de "fake news" sans aucune forme de procès ni tentative de contextualisation (la critique peut et doit elle aussi être contextualisée) et ça me gène vraiment. Une critique ne devient pas subitement une contre-vérité si elle nous déplait ou nous semble légère, à tort ou à raison.