L'article de RR tire à boulet rouge car il y a un GROS ras-le-bol. Oui, la transition n'est pas une fin en soit (comme le dit l'article de RR, c'est surtout un moyen). Oui, on peut être trans et aimer son corps. Merci pour l'enfoncage de portes ouvertes, mais on le savait déjà, hein
Perso je trouve que le discours "on peut être trans et aimer son corps" n'est pas du tout un discours répandu au contraire... Il y a tout ce discours autour du "être né dans le mauvais corps" qui circule et perso, rien que le fait de ne pas porter de binder je me sens illégitime à me dire "trans". Et va dire à un psychiatre que tu es à l'aise avec ton corps sans hormones, tu vas voir s'il te la donnera l'attestation... C'est le serpent qui se mord la queue : si un psychiatre ne veut pas te faire d'attestation, il ne t'en fera pas, que tu aimes ton corps ou pas, vu que si tu ne l'aimes pas il te dira "t'as qu'à l'aimer" et si tu l'aimes, il te dira "bah du coup t'es pas trans". Pile ils gagnent, face on perd.
En plus pour moi dire "on peut être trans et aimer son corps" dans un cercle de personnes transgenres c'est pas du tout la même chose que de le dire quand on est psychiatre et qu'on ne veut pas donner l'attestation. Dans un cas, c'est dans un but de dire "oui, tu peux ne pas avoir de dysphorie et être trans, tu es valide dans ton identité, non ce n'est pas une phase, il n'existe pas qu'une manière d'être trans" ce qui en gros lutte contre tous les discours normalisant notre expérience qui sont justement perpétrés par des psychiatres chez qui il faut avoir un parcours fléché pour être validé. Ce n'est pas "vous pouvez le faire et tout ira bien vous serez très heureux et fleurs fleurs les papillons" c'est plutôt "vous pouvez le faire, ça ne fait pas de vous une moins bonne personne trans."
Dans l'autre, c'est dans le but de tout faire pour t'empêcher d'accéder à ce que tu veux et te forcer à retourner dans les clous cis-hétéros.
Et quant aux rapports entre transition sociale et transition physique ils ne sont pas si simples non plus... parce qu'en même temps, dans l'entourage ou l'administration, on accepte pas toujours de valider ta transition sociale si tu n'as pas fait la transition physique. Perso j'ai déjà entendu des "tant que tu n'auras pas de pénis, je ne pourrais pas t'accepter comme un homme" de la part d'hommes cis. Et je pense que c'est pas trop rare comme discours.
Quant à l'information, elle existe, et l'effort doit être fait pour qu'elle soit le plus accessible possible. Il existe des sites qui décrivent très bien tout cela (je pense notamment au site d'information pour ftm, je suis désolé je ne connais pas bien le(s) équivalent(s) pour les mtf). Par exemple à chaque fois que je lis ici ou ailleurs de la part d'une personne AFAB des questionnements autour du corps, d'une transition médicale éventuelle, je redirige les gens vers ce site très complet qui explique tout cela bien mieux que je pourrais le faire.
Et je n'ai pas l'impression qu'on dise aux personnes trans qui veulent faire une transition qu'elle n'est pas obligatoire pour être bien dans sa peau. Au contraire, le discours "ça n'est pas obligatoire" coexiste très bien avec le discours "si tu veux en faire une, alors voilà ce que tu peux faire, comment ça marche." Perso je n'ai jamais vu dans les milieux trans quelqu'un dire "franchement, la transition ça sert à rien, d'ailleurs je te déconseille d'en faire une, apprends plutôt à aimer ton corps comme il est". L'idée est plus d'ouvrir les possibilités et de pousser chacun à considérer que les filles, les garçons et les autres ont tous types de corps, pour arrêter de souffrir du cissexisme ; mais à côté, si quelqu'un veut faire une transition médicale pour son propre bien-être et sa propre sécurité, je ne crois pas qu'on puisse lea mépriser pour autant et je ne crois pas que ça soit présent dans les discours d'acceptation du corps tel qu'il est répandu dans le milieu NB. Je veux dire ça serait juste incompatible avec l'idée de "mon corps, mes choix" ; si tu veux que les autres te laissent tranquille à ne pas faire de transition, tu ne peux juste pas t'introduire dans leur envie d'en faire une. Tout ce qu'on peut faire, c'est 1) avoir un discours d'amour, de liberté et d'ouverture des possibles 2) informer le plus possible sur les possibilités qui s'ouvrent en fonction de ce que les personnes concernées veulent entreprendre à titre personnel, et sur les conséquences de ces possibilités.
Sur la transition sociale sans transition physique, sur les dangers de tout ça et les conséquences, je pense que la transphobie générale de notre société se charge suffisamment bien de nous rappeler ce à quoi on s'expose quand on est AMAB et qu'on met une robe. Et je ne pense pas qu'en rajouter une couche dans les espaces d'information sur le sujet soit une bonne idée ; c'est un peu comme le discours "ma fille, ne sort pas à trois heures du matin à Gare du Nord, tu vas te faire violer". Oui concrètement c'est un risque et il est énorme pour les personnes trans AMAB surtout, mais d'un autre côté continuer à en parler ça renforce ce climat de peur dans lequel le patriarcat nous maintient.