Ancienne abstentionniste convaincue, je vais voter cette année (parce que, pour être honnête, j'ai beau croire qu'on est représentés par des professionnels de l'enfumage, je me fais pipi dessus quand je vois le contexte actuel). Mon choix est fait depuis des mois, les différentes interventions des candidats n'ont fait que conforter ce que je pensais. Mais je sais que mon vote non-utile ne propulsera pas le candidat que j'ai choisi au second tour. C'est dur à encaisser, mais je refuse de renier mes convictions dès le premier tour. Si on fait tout le temps du vote utile, on n'aura jamais une démocratie réellement représentative.
Cette campagne a été épuisante pour nous tous, je crois. Depuis les primaires de la droite, je me suis payée quasiment toutes les émissions et débats, j'ai lu les programmes, les désintoxs, j'ai regardé les interventions, je me suis imposée les clips de campagnes. Tout ça pour dire que même si j'ai choisi mon candidat depuis longtemps, je me suis donnée toutes les chances de changer d'avis. Bref, je me considère comme plutôt bien informée.
Mais quand je réalise que parfois, je ne comprends rien à ce que je raconte un candidat pendant deux minutes, je m'effraye de constater que notre démocratie n'a pas super bien fait son devoir d'éducation. En théorie, l'école, les bibliothèques, les études auraient dû tous égalitairement nous aider à construire un esprit critique, à être indépendants intellectuellement. Mais par dessus ces belles valeurs non appliquées, on rajoute des fake news, de la désinformation, ces saloperies de sondages qui poussent au vote utile, le discours des médias dont la neutralité est discutable (mépris de classe, sexisme, anti-jeunisme, orienté idéologiquement, etc). Comment diable sommes-nous censés faire un choix éclairé ? D'accord, l'éducation politique se fait surtout par soi-même et pour soi-même, mais sans déconner, quel chemin de croix ! Il faut être sacrément motivé pour se taper des mois d'une campagne affreuse, de lire, relire, écouter, s'énerver, se laisser prendre dans la désinformation, lire les désintoxs et se traiter de neuneu naïve, flipper à cause des sondages qui laissent imaginer un cauchemar, paniquer à cause du contexte international ultra tendu, se dire que machin est ou n'est pas à la hauteur pour affronter tout ça, s'effrayer des conséquences d'un nouvel attentat ... Etre citoyen n'est pas une sinécure.
Alors oui, j'ai peur. Je me raccroche aux législatives en me disant que si le pire passe aux présidentielles (ce qui n'est pas exclu), on pourra toujours se rattraper en votant pour nos députés. Pour faire barrage. Dimanche, je vais voter pour un candidat, un projet qui ne passeront pas, en me préparant à affronter une France et un monde moches. Je ne sais pas ce que je ferai pour le second tour. Si je suis trop écœurée, je crois que je ne me déplacerai même pas pour voter blanc. J'ai des convictions politiques fortes, mais si aucun des candidats du second tour ne les incarnent, à quoi bon? A quoi bon choisir entre la peste et le choléra ?
Voilà, c'était mon message bordélique et un peu paumé. Pour dire qu'on a beau savoir ce en quoi on croit, cette élection présidentielle peut ébranler nos certitudes comme notre système politique.