J'ai lu attentivement tous vos avis, et je crois que vous vous méprenez sur de nombreux termes... Par exemple, car je n'ai pas tout relevé:
nour-nad;4566187 a dit :
Moi je me demande juste comment ils justifieraient une loi autorisant le suicide assisté, juridiquement parlant...Parce que si on regarde bien la définition du meurtre, c'est "donner volontairement la mort à autrui", cela sous-entend clairement l'intention, la volonté de donner la mort à autrui mais également un acte positif, donner, agir pour qu'autrui meurt.
Techniquement, c'est faux ce que tu écris là. Le suicide assisté consiste à fournir à la personne les substances qui la tueront, mais en aucun cas ce ne sera au médein ou à l'infirmière de l'injecter, donc SANS intervention d'une personne du service médical.
Donc le suicide assisté concernerait seulement les personnes ayant la volonté de mourir et la capacité de se l'infliger. Le seul rôle du médecin est de l'écouter, de discuter et de voir toutes les autres options qui s'offrent à elle, et si vraiment cette personne manifeste le désir de mourir, alors seulement il lui fournit les médicaments qu'il faut pour qu'elle le fasse elle-même. Elle peut changer d'avis jusqu'au dernier moment, et si elle n'en change pas, grâce à l'intervention du médecin concernant la manière de mettre fin à ses jours, elle est quasiment sûre de ne pas se rater et que personne n'essayera de la réanimer...
C'est pas rien du tout ce suicide assisté! Bien au contraire.
& l'euthanasie concernerait plutôt les personnes dans l'incapacité de se donner la mort seule, sans l'intervention d'autrui / ou en incapacité d'exprimer leur volonté mais dont les proches rapportent l'avis de son vivant ou expriment leur désir dans l'intérêt de la victime, AVEC intervention du médecin cette fois.
C'est vraiment important de ne pas tout confondre!
Ces définitions mises à plat, je plussoie toutes les interventions de madmoizelles belges sur ce topic, on parle souvent de votre pays aux JT et je suis tout aussi sceptique: comment se fait-il que de l'autre côté d'une frontière le retard "social" soit si grand, les mentalités si "réfractaires" alors que vous avez expérimenté ça bien avant nous sans incident majeur? ...
Me concernant j'ai bien évidemment un avis sur la question, mais a-t-il de l'importance? Je n'en suis pas sûre...
Mais je voulais juste dire que j'ai bien lu toutes vos interventions, vécus ou simple théorie, prudence ou méfiance, université de médecine ou citoyenne... J'ai tout lu, et j'aurai aimé vous dire combien c'est facile derrière un écran, ou dans sa vie de tous les jours où l'on jouit de toutes ces facultés, de dire "moi je suis CONTRE" et même "moi je suis POUR". Il est facile de s'exprimer sur ce que l'on ne voit pas, qui n'est que pur imagination ou projection dans des films ou que sais-je, mais face à un patient qui ne peut plus rien faire, qui est conscient que son avenir se résume à quelques semaines ou mois avant qu'enfin la mort ne vienne le chercher, qui n'est pas guérissable et qu'il le sait et que vous le savez, si ce patient vous demande de le laisser partir, qu'il en a assez, qu'il veut que tout s'arrête, c'est tellement facile de lui répondre: "
ah non, je ne veux rien entendre, je suis contre ce procédé". Qui sommes-nous pour juger que les souffrances endurées sont supportables? Et je ne parle pas des souffrances physiques que l'on apaise avec des anti-douleurs, non non, je parle des souffrances psychologiques contre lesquelles, même avec toute la volonté du monde, on ne peut rien faire. Qui sommes-nous pour ignorer cette souffrance là, et dire, nous qui sommes en vie et qui pensons vivre encore longtemps, "
soyez patient, ça n'est pas si terrible, et je me refuse à appliquer ce procédé?".
Il est toujours aussi facile d'être derrière son écran et de se dire que c'est trop facile, que sous prétexte de vouloir récupérer un lit dans un service d'hôpital on va accéder à la requête du patient qui désire mourir rapidement.
Je suis étudiante en médecine et l'an dernier j'ai travaillé une après-midi en tant qu'aide-soignante dans le service de Soins Palliatifs. On était vendredi, et quand je suis arrivée on m'a dit: "oh, tu es étudiante? Ecoute à 14h on a réunion d'éthique, donc on fait la relève après d'accord?" et moi "ah ok, je vais attendre ici dans ce cas" et l'infirmière surprise "ben... non, tu es bien évidemment autorisée à venir" et j'étais tellement contente! Pour une fois j'allais voir mise en oeuvre la théorie que le prof nous présentait en amphi quelques matinées dans l'année, les voir tous en pleine action, entendre la qualité des réflexions, la manière de
prendre ou de ne pas prendre une décision.
Vite fait et sans me mouiller, cet après-midi là ils ont discuté du cas d'une patiente qui demandait, depuis quelques jours, à ce qu'on la sédate jusqu'à sa mort. Je ne l'ai pas rencontrée car je ne m'occupais pas de cette partie du service, je ne me souviens ni de son âge ni de sa situation, et les seuls souvenirs que je garde sont cette discussion. Les médecins qui rapportaient qu'à
plusieurs reprises la patiente avait déclaré vouloir être plongée dans le sommeil, et ne pas se rendre compte de sa mort, que l'échéance lui paraissait trop longue et que cette attente était pour elle une grande source d'angoisse, de chagrin, de finalité. (Juste pour situer: en Soins Palliatifs on arrête tous les traitements curatifs, étiologiques -c'est à dire ceux qui soignent la cause du problème- et on ne garde que des traitements de confort -les anti-douleurs, enfin tout ce qui est anti-symptômes). Donc cette patiente était motivée par ce désir de sédation en raison de ses angoisses, sa tristesse, que des
raisons psychologiques en somme, et non pas des désagréments physiques.
Les médecins ont demandé les avis des infirmières, qui ont dit
"oh oui, elle a en marre de vivre cette dame, d'après ce qu'elle m'a dit elle voudrait pouvoir dire au revoir à ses proches une bonne fois pour toutes aussi, à chaque fois qu'elle les voit elle se demande si ce n'est pas la dernière fois alors elle leur dit comme des adieux, et finalement quand ils reviennent en fin de semaine, il faut recommencer ces adieux... elle voudrait ne plus avoir à recommencer, savoir que c'est terminé" puis on a demandé l'avis des AS mais aucune présente ce jour-là ne connaissait la patiente, on a également demandé si quelqu'un avait eu l'avis de la famille, et apparemment eux la soutenaient dans sa décision, quelle qu'elle soit.
Au bout d'1h quelqu'un a rédigé un compte-rendu à l'attention de tout le personnel médical, de jour ou de nuit, qui n'avait pas pu assister à la réunion car ne travaillant pas à ce moment là, les invitant à s'exprimer sur le sujet. Il y avait également présence d'une psychologue aussi, avec qui j'avais beaucoup discuté d'ailleurs et c'était très enrichissant* (je mets une astérix car j'y reviendrai).
La réunion du jour s'est achevée ici, LA DECISION N'ETAIT PAS PRISE, car comme le dit le médecin qui nous fait cours,
"Ce genre de décisions demande du temps, il ne faut surtout pas presser la décision". J'ignore si ils ont sédaté ou non cette femme, si elle a pu faire ses adieux à sa famille une dernière et unique fois en étant toute consciente que cette fois-ci elle n'aurait pu à le refaire, et si la mort est venue la chercher tranquillement dans son sommeil. Et si cette décision a été prise, j'ignore combien de temps il a fallu pour qu'elle le soit, mais je sais qu'elle a pris du temps.
Bien sûr, certains en me lisant se demanderont: était-ce la bonne décision? N'y avait-il pas une autre alternative, que de la plonger dans le sommeil définitivement? Et si la dame avait voulu se réveiller, personne n'aurait pu le savoir? C'est sûr. Et encore une fois je cite celui qui nous fait cours: "
il n'y a pas de bonne décision. On réfléchit et on choisit ce qui nous paraît la meilleure décision, mais on ne sait pas si c'est la bonne".
Enfin les cours de ce monsieur sont une vraie philosophie de mort & de vie, une vraie conférence de sagesse, et ce monsieur travaillait l'an dernier au projet de loi sur l'euthanasie (de mémoire il y avait même un énorme dossier qui trainait dans la salle de pause à l'attention de F.Hollande, ça devait contenir toutes ces observations, ses recommandations, tout ça...) Enfin bref, quand de telles personnes travaillent à une telle loi, en parlent avec tellement de prudence y compris en amphi, et font profiter de leur expérience un pays entier, mine de rien je suis assez confiante: je pense que si cette loi passe, elle sera passée entre de bonnes mains avant d'en arriver là.
Mais pour en revenir à cette patiente et son désir de sédation, je me souviens que moi & mes idées bien arrêtées, où je pense que l'on devrait donner aux patients un droit de mort si ils jugent que l'attente certaine de la mort n'en vaut pas la peine, on a quand même été ébranlées.
Un sommeil éternel... mais si jamais elle voulait se réveiller au bout d'un moment? Je ne suis qu'étudiante, je n'ai que de la théorie, des utopies et des convictions dans ma tête, je suis très très loin d'être les médecins, mais en m'imaginant dans cette situation, je pense (et j'espère) que moi aussi je prendrai le temps d'accéder ou non à cette requête. J'espère qu'en aucun cas je serai de celle qui lui dira, face à sa souffrance, "non, je n'adhère pas à ce courant de pensées, je ne pense pas que le suicide assisté soit la solution" et j'espère encore moins que je serai celle qui lui dira "ma pauvre dame, bien évidemment que je comprends, je vais chercher le produit de ce pas" (j'exagère, bien sûr) mais c'est cela que j'essaye de dire via mon roman:
ce n'est pas un médecin seul qui prend la décision: c'est une équipe médicale, et ça demande plusieurs jours avant d'aboutir à une décision. En procédant ainsi ça limite les dérives je crois...
Sinon rien à voir (ou enfin si) mais vous êtes nombreuses à demander "
qu'est-ce que la dignité? on n'est plus digne à partir du moment que quelqu'un est obligé de vous laver?".
Donc là encore je vais répondre, avec toute mon innocence de débutante, de jeune étudiante en médecine qui s'émeut encore d'avoir pu réussir à avoir ce concours et de pouvoir aller bosser à l'hosto au mois d'Août ou certaines nuits en tant qu'Aide-Soignante, en sachant qu'un jour peut-être j'irai en tant qu'infirmière, et qu'un autre j'irai en tant qu'interne... Enfin je ne cesse de m'émouvoir et de m'émerveiller d'être là, donc je note tout, tout ce que je constate, toutes les appréciations que je pouvais avoir et finalement je n'ai plus, et peut-être est-ce là évoluer, grandir, mûrir?
Alors à 18-19 ans, mon bac en poche, je pense que si on m'avait demandé mon avis sur la dignité, j'aurais plus ou moins dit "c'est quand tu peux te laver tout seul" (pour en revenir à vos interrogations). Depuis j'ai bossé en tant qu'Aide-Soignante (et les toilettes, j'en ai fait), et je pense pouvoir corriger ce que j'ai dit:
"la dignité tu l'as encore quand une étrangère te lave et que tu en es conscient" et "la dignité tu ne l'as plus quand on te change ta couche de nuit et que tu n'en es même pas conscient" (j'aurai bien employé le mot "lave" encore, mais ça c'était en gériatrie et j'y ai bossé de nuit, donc je n'ai vu que le côté couche).
Je veux dire, je suis la première génée (ok, peut-être moins maintenant) de faire une toilette à un patient, en particulier les parties intimes, écarter les lèvres décalotter merci mais vraiment, ça me remplit d'une immense gène, me procure un profond malaise etc. Mais l'été dernier j'avais une patiente hémiplégique et qui ne parlait que très peu, du coup fallait lui faire la toilette, et c'était une dame très gentille très douce... Enfin je me souviens que quand je bossais de matin c'est moi qui lui faisais sa toilette, et je lui parlais beaucoup, de son mari et de quand elle l'avait rencontré et de comment je le trouvais d'une infinie douceur et de comment j'avais garé ma voiture sur le parking du centre ville et que je m'en voulais encore d'avoir laissé les vitres ouvertes toute la nuit et de comment je trouvais mon boulot saisonnier d'Aide-Soignante fascinant et comme je trouvais que ça allait être utile pour mon expérience et sans doute faire de moi un meilleur médecin (du moins je l'espère). Bref, tellement de blabla! Mais je n'étais pas si génée que ça de la laver, au contraire c'était doux, c'était dans une bonne ambiance, enfin en ayant la possibilité de discuter et d'attendre qu'elle trouve ces mots pour me répondre, je n'avais pas l'impression d'être là "juste" pour la laver, c'était un échange entre deux personnes, une qui aide l'autre certes, mais au final je me suis trouvée enrichie par cet instant. (Je ne suis pas sûre de bien m'exprimer, mais je remonte à mes souvenirs, et là ce sont des souvenirs sur lesquels je ne pensais pas un jour écrire du coup je suis un peu brouillon...)
Et donc l'indignité je vous disais, ça serait plutôt lors de ces nuits que j'ai passées en gériatrie et où, au début, je m'entêtais à rentrer dans les chambres en disant "bonsoir, je viens vérifier votre protection et si besoin la changer pour la nuit, vous me permettez?", et sur les, je-ne-sais-pas, 30 patients, très peu ont réussi à répondre ne serait-ce que "bonsoir". Si bien qu'au matin j'étais fatiguée, j'étais dépitée, j'avais plein de couches à changer et j'avais compris que dans ce service, avoir un "contact" avec le patient allait être difficile. Alors j'entrais dans les chambres, je formulais un rapide bonjour par acquis de conscience et par politesse au cas où, mais en vérité je n'attendais pas de réponse: je levais les draps, changeais la couche, et repartais en souhaitant une bonne journée sans attendre plus de réponse. C'est triste d'en arriver là, et de m'entendre penser à chaque nouvelle chambre que j'affrontais "
ma pauvre grand-mère, tu vois comme elles sont toutes ici? Comme je suis heureuse que tu n'aies jamais connu ça, comme je suis contente que tu aies pu rester chez toi toute ta vie" ce n'est pas tout à fait normal...
J'ai fait 3 nuits là-bas d'affilé et peut-être que je prends les choses trop à coeur, mais ça m'a profondément déprimé comme service. Je suis rentrée chez mes parents à l'aube en disant "
pfff, c'est un mouroir, tu changes les couches ils s'en rendent pas compte, c'est affreux..." et vraiment je ne comprends pas. Donc non, bien sûr qu'on ne peut pas euthanasier ces individus comme ça, mais l'euthanasie ce n'est pas forcément pour les papys-mamys qui ont perdu toute leur faculté. Mais quand je pense à ma grand-mère, quand même, si elle n'avait pas eu le choix et qu'elle avait fini dans ce service, et si elle avait pu choisir entre attendre la mort dans ces conditions, sans pouvoir me dire "t'as vu, il fait beau aujourd'hui" ou "c'est comment déjà ton prénom?", si une étrangère venait lui changer sa couche au beau milieu de la nuit sans pouvoir dialoguer du tout avec elle, et une mort réfléchie et assistée? Et bien j'aurai aimé qu'elle ait le choix, pas forcément qu'elle choisisse la mort assistée, mais qu'elle ait le choix.
En tout cas toujours est-il que je n'ai pas aimé ce service, et qu'en ce moment quand j'appelle l'hôpital pour savoir s'ils ont du travail pour moi tel soir ou tel soir, je me prépare toujours à refuser une nuit en gériatrie si on me la propose.
Voilà, j'ai été très longue mais c'est un sujet qui me tient vraiment à coeur... Et finalement après tant de blabla, je dirai qu'à défaut d'être pour l'euthanasie,
je suis pour avoir le choix. Ce qui revient au même mais pas vraiment finalement.
(Oh et je sais que j'avais mis une astérix pour la psychologue de Soins Palliatifs avec qui j'avais beaucoup discuté, mais en vérité je ne me souviens plus de ce que je voulais en dire. Si ça me revient je repasserai, en tout cas elle avait été d'une extrème gentillesse car je l'avais monopolisé une plombe avec mes questions de jeune étudiante qui connaît pas trop ces problématiques, qui a des avis mais qui manquent d'argument, et aussi des questions encore plus clichées du genre:
ben dans tel film, il se passe ça, et le médecin dit tel truc, ça arrive en vrai ça ou c'est vraiment que de la fiction? Le film c'était
Toutes Mes Envies, mais ça me gave je me souviens plus du tout de que ce que je lui avais demandé! Peut-être faudrait-il que je le revois...)
Enfin bref, merci à celles qui m'ont lu!