A
AnonymousUser
Guest
Nous étions toutes les deux face à face, entourée par le décor rétro du bar dans lequel elle m?emmenait pour la quinzième fois.
«Tu sais ça devient assez lassant tout ça». Je ne sais pas pourquoi j?avais eu l?audace et l?indécence de dire ça, d?autant plus à ce moment là de la soirée. Mais c?était ainsi : je commençais à me lasser de la routine qui s?était établie entre nous. Nous étions devenue deux étrangères et c?en devenait déroutant. Je ne voulais plus de tout ça, je me demandais si ma présence à ses côté avait encore un sens. J?avais envie de la secouer et de lui montrer le chemin plat et désert qui se présentait devant nous, j?avais envie de lui faire voir les sommets que nous pourrions atteindre si nous le souhaitions, rien qu?en créant cette relation que nous ne faisions que fantasmer. Notre couple était fait du même plastique que la voiture factice dans laquelle nous étions assises. Nous imaginions, et nous venions ici pour imaginer encore plus, parce qu?ici tout était produit de l?imagination. Il n?y avait plus rien à faire, plus rien à créer, tout était donné et offert et nous prenions sans aucune avidité, sans aucune passion.
Je la regardais avec un air de défi et de tendresse en même temps. Mais elle n?avait montré aucune réaction. Elle s?est contentée de sourire et de me dire «Oui madame». Je ne comprenais pas. Nous étions suffisamment éloignée l?une de l?autre pour ne pas, en plus, jouer à créer de la distance entre nous ! Elle n?avait pas le ton ironiquement malicieux et infantile qu?on aurait pu imaginer. Non, elle avait vraiment pris l?attitude et le ton d?une étrangère, d?une fille soumise qui baissait les yeux devant mon autorité. Mais je ne souhaitais en rien être autoritaire ! Je souhaitais juste... je ne sais pas ! Je ne sais même pas. Mais ce n?était plus elle que j?avais en face de moi. Elle était redevenue une passagère étrangère et éloignée dans ma vie. Là en un clin d?oeil elle s?était transformée.
Je fus prise de dégoût. Je l?imaginais en costume, je l?imaginais sur une scène, je l?imaginais n?importe comment mais je n?arrivais plus à la voir, elle. Je la méprisais en même temps. Ce fut fulgurant, total.
J?eus envie de l?implorer, de la supplier de redevenir elle-même. Juste l?espace d?une seconde. Mais elle lâcha « Je suis désolée, Madame. Au revoir. »
J?allais payer l?addition sans finir mon verre et nous nous serrâmes la main avant de repartir chacune de notre côté.
Je ne saurais expliquer pourquoi ce revirement à eu lieu de cette manière, à ce moment là. Nous ne nous sommes plus jamais montré l?affection et l?intimidé d?un couple. Nous sommes, à partir de ce jour, redevenue des inconnues. Lorsque je passais près d?elle, elle continuait à m?appeler Madame. Lorsque je passais près d?elle, je continuais à la voir comme un élément du décor. Je n?eus plus jamais accès, ni en souvenir ni en sensation, à la personne qu?elle était. «Oui, Madame», était la seule chose qui me restait en mémoire.

«Tu sais ça devient assez lassant tout ça». Je ne sais pas pourquoi j?avais eu l?audace et l?indécence de dire ça, d?autant plus à ce moment là de la soirée. Mais c?était ainsi : je commençais à me lasser de la routine qui s?était établie entre nous. Nous étions devenue deux étrangères et c?en devenait déroutant. Je ne voulais plus de tout ça, je me demandais si ma présence à ses côté avait encore un sens. J?avais envie de la secouer et de lui montrer le chemin plat et désert qui se présentait devant nous, j?avais envie de lui faire voir les sommets que nous pourrions atteindre si nous le souhaitions, rien qu?en créant cette relation que nous ne faisions que fantasmer. Notre couple était fait du même plastique que la voiture factice dans laquelle nous étions assises. Nous imaginions, et nous venions ici pour imaginer encore plus, parce qu?ici tout était produit de l?imagination. Il n?y avait plus rien à faire, plus rien à créer, tout était donné et offert et nous prenions sans aucune avidité, sans aucune passion.
Je la regardais avec un air de défi et de tendresse en même temps. Mais elle n?avait montré aucune réaction. Elle s?est contentée de sourire et de me dire «Oui madame». Je ne comprenais pas. Nous étions suffisamment éloignée l?une de l?autre pour ne pas, en plus, jouer à créer de la distance entre nous ! Elle n?avait pas le ton ironiquement malicieux et infantile qu?on aurait pu imaginer. Non, elle avait vraiment pris l?attitude et le ton d?une étrangère, d?une fille soumise qui baissait les yeux devant mon autorité. Mais je ne souhaitais en rien être autoritaire ! Je souhaitais juste... je ne sais pas ! Je ne sais même pas. Mais ce n?était plus elle que j?avais en face de moi. Elle était redevenue une passagère étrangère et éloignée dans ma vie. Là en un clin d?oeil elle s?était transformée.
Je fus prise de dégoût. Je l?imaginais en costume, je l?imaginais sur une scène, je l?imaginais n?importe comment mais je n?arrivais plus à la voir, elle. Je la méprisais en même temps. Ce fut fulgurant, total.
J?eus envie de l?implorer, de la supplier de redevenir elle-même. Juste l?espace d?une seconde. Mais elle lâcha « Je suis désolée, Madame. Au revoir. »
J?allais payer l?addition sans finir mon verre et nous nous serrâmes la main avant de repartir chacune de notre côté.
Je ne saurais expliquer pourquoi ce revirement à eu lieu de cette manière, à ce moment là. Nous ne nous sommes plus jamais montré l?affection et l?intimidé d?un couple. Nous sommes, à partir de ce jour, redevenue des inconnues. Lorsque je passais près d?elle, elle continuait à m?appeler Madame. Lorsque je passais près d?elle, je continuais à la voir comme un élément du décor. Je n?eus plus jamais accès, ni en souvenir ni en sensation, à la personne qu?elle était. «Oui, Madame», était la seule chose qui me restait en mémoire.