Le débat sur l'adoption me hérisse aussi un peu.
J'ai bossé dans le domaine pendant 3 ans et certains messages (pas tout bien sûr) ici ne font que répéter les clichés qu'on voit absolument partout et qui empêchent d'avoir une approche saine de ce qu'est la réalité de l'adoption, ce qui fait qu'à mon avis beaucoup de parents adoptants tombent de haut quand ils se lancent et se sentent démunis face aux difficultés quand on leur vend que "l'adoption c'est si beau". .
De 1, oui, il n'y a pas assez d'enfants adoptables en France. Pour l'adoption à l'étranger, la convention de la Haye exige qu'on cherche d'abord une solution dans le pays d'origine de l'enfant avant d'ouvrir aux candidats venant de l'étranger, pour que l'enfant ait accès à ses racines. Donc quand un pays se développe économiquement, sa population a de plus en plus la possibilité d'adopter les enfants "en local" : il ne devient pas un pourvoyeur d'enfants pour les autres pays. C'est essentiellement pour cette raison qu'il y a de moins en moins d'enfants adoptables à l'international.
En France, il y a très peu de bébé nés sous X (les seuls adoptables en tant que nourrisson, et encore ils ont plus de 3 mois quand ils sont placés chez leurs parents adoptifs), notamment car on permet la contraception et l'IVG et qu'il existe des solutions pour que les mères les plus précaires puissent quand même s'occuper de leurs enfants (ce qui est la moindre des choses hein, les pauvres ne sont pas là pour produire des bébés pour les riches).
Il reste les enfants plus âgés qui deviennent adoptables pour de multiples raisons, la plupart étant un grave traumatisme (mort des parents dans les cas les moins graves, abandons ou graves maltraitances dans la plupart des cas). Bref nous voilà avec un enfant âgé, traumatisé, qui n'arrive pas sur terre sans passé, qui a déjà des liens forts avec sa famille biologique (oncle, tante, grands-parents) ou avec une famille d'accueil qui l'a vu grandir. Cet enfant n'est pas forcément adoptable car une adoption peut être un processus excessivement douloureux pour lui. Dans ce cas là = pas de projet d'adoption. En effet les services sociaux ont pour objectifs de trouver la meilleure solution pour l'enfant et non pas de fournir un enfant à adopter à des candidats à l'adoption.
Par ailleurs, oui être le parent d'un enfant adopté, ce n'est pas la même chose que d'être le parent d'un enfant non adopté. Tant que ce ne sera pas admis, on aura pas de discussion réelle et poussée sur l'adoption, et les personnes vivant un échec d'adoption se sentiront gravement démunis. Parce qu'en fait un enfant adopté a vécu quelque chose que les autres enfants n'ont pas vécu : un abandon. Même les bébés gardent cet abandon en eux, certains évidemment s'en sortent très bien, cela dit les parents adoptifs doivent toujours être vigilants à ce que l'enfant a pu vivre avant, à le prendre en compte et à comprendre que tout l'amour qu'ils pourront lui apporter ne permettra peut-être pas de guérir la blessure de l'abandon.
C'est pour cela que l'on prépare tant les parents adoptifs et que le gros du travail c'est qu'ils comprennent que leur enfant aura des besoins spécifiques, et que l'accompagnement n'est pas de tout repos. Ce qui est vérifié bien souvent c'est en fait la capacité du candidat à l'adoption à aller au-delà de sa souffrance pour voir et comprendre celle de son enfant (difficile quand on est pas allé au bout de son deuil de l'enfant biologique,
@Kettricken a 100% raison là-dessus) et à savoir appeler à l'aide quand il n'arrive plus à comprendre et soulager la souffrance de son enfant. Dans la réalité c'est très difficile à faire, surtout dans le contexte de notre société qui idéalise l'adoption.
J'ajoute que tous les parents qui souhaitent une grossesse/recourt à la PMA n'ont pas une "lubie" de l'enfant biologique, qui par ailleurs est aussi tout à fait entendable. Pour prendre mon exemple perso, je souhaite un enfant, avec mon conjoint on a déjà parlé du sujet et a priori le don de sperme/d'ovocyte ne nous pose aucun problème, on ne se sent pas la nécessité d'avoir un lien génétique avec l'enfant qu'on élèvera. Par contre pour toutes les raisons que j'ai évoquées au-dessus, aujourd'hui, je ne me sentirai pas capable d'être mère adoptive.