Mes parents étaient des hors-la-loi — Témoignage

[Brifon]

@mathi_cho
Je suis soulagée de voir que je ne t'ai pas heurtée, parce que si j'avais besoin d'écrire mon incompréhension et ma colère, mon but était pas du tout de te faire du mal, donc OUF

Ensuite, j'ai envie de te dire que même si tu n'as pas écris ce témoignage pour te faire plaindre, je trouverais ça complètement normal et légitime si ça avait été le cas (oula, mon français se gâte, est-ce que je suis claire ?).
Dans notre **** de société, on fait les forts, on est là à rouler des mécaniques pour faire style tout va bien (ce qui rejoint la dissociation que tu ressens vis à vis de tes émotions et qui, sache-le, est un processus de survie NORMAL). Mais faire les forts c'est une solution à court terme, qui permet de traverser l'orage.
Ca ne doit en aucun cas devenir une solution sur le long terme, parce que ça cause de grands dommages.
C'est pour cette raison que j'aime beaucoup la tradition égyptienne des pleureuses : c'étaient des simulatrices, mais par leurs cris et leurs pleurs, elles exorcisaient la peine de la famille et du peuple et par mimétisme, permettaient aux autres de pleurer aussi.
Pleurer c'est normal, c'est sain, c'est salvateur.
Si plus tard, dans ton chemin de vie, t'as envie de pleurer, j'ai juste envie de te dire FONCE, PLEURE.
Et non t'es pas une "jemenfoutiste", t'as juste développé un processus de dissociation de tes émotions pour survivre (si tu aimes les chevaux et que tu veux en apprendre plus sur les émotions et ce fameux processus de dissociation, je te conseille le livre Le Tao du Cheval de Linda Kohanov).

Ensuite, je voudrais également réagir à la phrase où tu dis que tu relativisais ta peine par rapport aux événements que tu as vécus, en te comparant à certains qui ont vécu pire (le fameux "mange ta soupe les petits africains crèvent de faim").
Comparer sa vie aux autres n'a aucun sens, aucun. Les événements que l'on vit, on les vit à travers le prisme de ses propres émotions, de ses propres croyances, valeurs et expériences. J'ai aussi vécu certaines choses difficiles, et j'avais aussi tendance à comparer ma vie à certaines personnes (qui avaient vécu le viol, l'inceste, la maltraitance physique) pour relativiser ce que je vivais. D'une part ça n'a pas de sens, parce qu'on est tous uniques et tous différents, et d'autre part, c'est extrêmement nocif, et ça rejoint mon premier paragraphe. Un chagrin, quel qu'il soit (que ce soit parce que comme toi on a eu des parents "mal-traitants" ou parce qu'on a cassé une tasse) mérite d'être pleuré, vécu. Imagine-toi dire à un enfant qui casse son jouet "hé ho, ta cousine se fait fouetter avec une ceinture, alors tu la boucles !".
Je pousse à l'extrême, mais l'idée est la même. Une émotion, c'est une information, qui nous dit "hey, il t'a blessée là" (en cas de colère par exemple) ou "hey, ce boulot est fait pour toi" (en cas de joie) !

Faut jamais nier ce qu'on ressent, c'est ce qui nous rend vivants, humains, ouverts au monde et sensibles aux mauvaises choses, comme aux belles, et qui nous permet de prendre les bonnes décisions...

Pour ce qui est du courage, comme les autres madz l'ont dit ainsi que Fab, je me fais pas de souci, t'as l'air d'avoir ce qu'il faut sous le capot

 

[yulia]

Dans notre **** de société, on fait les forts, on est là à rouler des mécaniques pour faire style tout va bien (ce qui rejoint la dissociation que tu ressens vis à vis de tes émotions et qui, sache-le, est un processus de survie NORMAL). Mais faire les forts c'est une solution à court terme, qui permet de traverser l'orage.
Ca ne doit en aucun cas devenir une solution sur le long terme, parce que ça cause de grands dommages.

Pleurer c'est normal, c'est sain, c'est salvateur.
Si plus tard, dans ton chemin de vie, t'as envie de pleurer, j'ai juste envie de te dire FONCE, PLEURE.

Un chagrin, quel qu'il soit (que ce soit parce que comme toi on a eu des parents "mal-traitants" ou parce qu'on a cassé une tasse) mérite d'être pleuré, vécu. Imagine-toi dire à un enfant qui casse son jouet "hé ho, ta cousine se fait fouetter avec une ceinture, alors tu la boucles !".
Je pousse à l'extrême, mais l'idée est la même. Une émotion, c'est une information, qui nous dit "hey, il t'a blessée là" (en cas de colère par exemple) ou "hey, ce boulot est fait pour toi" (en cas de joie) !

Faut jamais nier ce qu'on ressent, c'est ce qui nous rend vivants, humains, ouverts au monde et sensibles aux mauvaises choses, comme aux belles, et qui nous permet de prendre les bonnes décisions...

Je suis entièrement d'accord avec toi ! C'est pas toujours évident (d'être émotive) mais les émotions négatives font partie de la vie et si on veut qu'elles ne durent pas longtemps, il faut à mon sens les accepter, admettre que parfois elles ont besoin d'une place et qu'elles n'en partiront que mieux ensuite.

J'ai envie de dire d'une part Bravo à l'auteur parce que je suis admirative de son courage et de sa force (survivor powa !), et d'autre part merci de m'avoir émue au point d'avoir les yeux un peu mouillés.

 

[mathi_cho]

@Brifon

Tout d'abord je voulais te remercier de tes conseils. J'ai longuement hésité : devais-je te répondre en privé ou non. Mais notre conversation ayant commencé ici, je la continuerai ici.

Je ne sais pas comment je vais expliquer ce qui suit. Dans ce témoignage je parle plus exactement de ce qu'on fait mes parents et de ce qui leur est arrivé mais je ne parle que très peu de ma relation avec eux.
Je pense que mon état d'esprit vis-à-vis de tout cela résulte de cette relation.

Déjà il faut savoir que ma mère avait fait une fausse couche avant moi, et en est devenue un peu folle. Mon père du coup ne voulait pas retenter de suite. Mais ma mère ayant 38 ans à l'époque, ne voulait pas attendre et sentait mon père s'éloigner. Elle a donc stopper sa contraception sans le lui dire et je suis arrivée. Mon père m'a toujours dit : "Ta mère t'a fait dans mon dos, je ne te voulais pas." Mais il n'a pas eu le choix. Mais malgré cela, j'ai eu avec mon père un aperçu de ce que pouvait être une relation père/fille pendant quelques années.
Et ma mère m'a implicitement expliqué que si j'avais été mise au monde, c'était pour retenir mon père, cela n'avait bien entendu pas marché.
Toute mon enfance, tous les soirs, ma mère ne me lisait pas un livre pour m'endormir mais me racontait à quel point les hommes et surtout mon père était un *** et qu'il avait failli ne pas me reconnaître, qu'il l'avait abandonnée et j'en passe.
Donc en fait l'outil que j'étais pour elle, s'est retrouvé être inutile.

Pourtant j'étais calme, sage, travaillais très bien à l'école pour essayer de lui tirer des félicitations. Je me souviendrais toujours lorsque j'ai été première (comme quasi à chaque fois) avec une moyenne de 19.56/20, j'ai couru jusque chez moi pour le lui dire. Sa seule réaction aura été : "Ah, d'accord..."

Puis lorsque le fils de ses meilleurs amis m'a fait ces choses que je lui ai expliquées : "Oh ce n'est pas pour un petit bisou que tu vas me faire une crise!" Je ne savais pas qu'un petit bisou était forcément accompagné d'une pénétration... Bref...
Lorsque je n'ai plus voulu voir ses fameux amis, ceux-ci ont pris la mouche et ne voulaient plus voir ma mère. Elle m'a simplement dit qu'à cause de moi, elle avait perdu ses seuls amis et m'en a beaucoup voulu...

Je ne me souviens pas une seule fois de ma mère m'embrassant, me câlinant ou me disant qu'elle m'aimait, contrairement à mon père. D'où le fait que je lui en veux plus à elle.

Puis après tout ce qui s'était passé, mon oncle m'a donc recueilli. Le problème est que sa femme a rejeté toute la colère qu'elle avait contre ma mère sur moi. Je ne compte plus le nombre de fois où elle m'a dit que je ne servais à rien, qu'elle ne savait pas quoi faire de moi ou si on allait pouvoir en faire quelque chose... Parfois même me dit que je finirais comme ma mère...

Si je raconte tout ça c'est pour expliquer que durant toute mon existence, je ne me suis jamais sentie désirée ou réellement utile. Ah oui pour faire les corvées chez ma tante, là je servais et encore, je ne les faisais jamais assez bien. Des amis en sont même venus à m'appeler Cosette...
Je n'ai jamais particulièrement cru au Karma ou ce genre de chose mais à force, je me dis qu'il y a du y avoir quelque chose qui a fait que tout ça s'est produit. En fait avec tout ça, j'ai appris à prendre beaucoup beaucoup de recul, d'où ma comparaison avec les autres. C'est assez dur à expliquer, ce sentiment d'inutilité. Un peu comme si ma venue au monde n'était pas légitime. Donc je n'aurais pas vraiment droit à me plaindre.

Bref peut être qu'à cause de tout ça, déjà bien avant la connerie de mon père, je me suis forgée comme je le pouvais.
Je ne suis pas certaine d'avoir bien réussi à exprimer ce que je voulais car même pour moi ce n'est pas toujours très clair.

 

[LittleScorpion]

Mon Dieu, on peut dire que ton enfance n'a pas été facile  A la limite, moins par le fait que tes parents étaient hors-la-loi que par le manque d'amour et d'attention que tu as eu...

Mais sache que quoi qu'ils en disent, tu as ta place sur cette terre et tu la mérites ! Surtout vu la force dont tu fais preuve. Je suis impressionnée !

Quant au "détachement" dont tu fais preuve dans ton témoignage, je trouve ça totalement normal. Je n'ai pas du tout eu l'impression que tu étais "je m'en foutiste" ou je ne sais quoi, mais plutot que tu te protégeais légitimement. C'est comme ça, notre cerveau bloque certaines choses pour nous permettre de tenir le coup.

Une fois, ma naturopathe m'a dit qu'un événement choquant dans le passé avait laissé des traces chez moi. Pendant tout un moment j'ai cherché sans trouver, puis elle m'a dit "je sais exactement de quoi il s'agit". Et BAM: bien sûr, ma mère, la personne à qui je tiens plus que tout, était tombée gravement malade il y a deux ans. C'est seulement lorsqu'elle m'avait annoncée qu'elle était guérie que j'avais réalisé, et encore maintenant mon cerveau bloque cette info. Bref, c'est pas de mon témoignage qu'il est question, mais quand je vois le blocage que j'ai réussi à faire sur un an, j'imagine que ton cerveau à de quoi se mettre à distance avec toute une enfance difficile ! Et tant mieux, parce que si tout te retombait dessus d'un coup ça devrait être trop dur à porter...

En tout cas j'espère qu'écrire ce témoignage aura permis "d'exorciser" un peu ces événements et que ça t'aidera à aller de l'avant. J'espère aussi que tu seras entourée d'amis, d'amants et peut-être d'enfants aimants pendant le reste de ta vie, car tu le mérites bien

 

[Elys]

Wow la claque! J'ai l'impression qu'il y a des similitudes entre ton enfance et la mienne, sauf que mes parents ne sont pas des hors-la-loi, pourtant tu as une façon d'aborder certaines choses, @mathi_cho , similaires à la mienne.

Je lis par ci par là que ton témoignage est un peu "froid", que tu es "distante" avec tes parents, mais tu assures que non, que tu prends du recul, etc, et je suis exactement comme ça. Peut-être parce que nous avons/avons eu le même "genre" de mère, ou que nous avons commun ce "truc" qui t'es tombé dessus à 9 ans...

Je sais pas quoi dire, ton témoignage ne me laisse pas indifférente, moi aussi j'ai eu des parents "irresponsables" trop égocentriques, occupés à leur vie d'adulte, pour se rendre compte des répercussions sur la vie de leurs enfants, résultat, j'ai des problèmes d'évitement, de fuite en avant, j'ai eu une grande période de phobie sociale et il m'est encore difficile de faire certaines choses qui pour le commun des mortels, sont évidentes.

Tu as eu une enfance dure, tu y a survécu tant bien que mal, je tire mon chapeau. J'espère que ton père, s'il est en vie, essaiera de te contacter pour que tu lui dise tout ce que tu as sur le coeur. 

 

[lola2pamplelune]

Et bien, ce n'est pas tous les jours que l'on lit un témoignage de ce genre.

Je me sens en colère contre les adultes qui t'ont entourée. Je n'arrive même pas à les qualifier de parents (père, mère, oncle, …) parce que, pour moi, ils n'ont pas accompli toute la part de cette fonction (arf, je ne sais pas si je m'exprime correctement). Ils t'ont juste éduquée et puis c'est tout.

Je suis en colère et triste, et très touchée par ton histoire (je suis une sentimentale qui a la larme facile, forcément, ça n'aide pas).

Je te souhaite de te (re)construire et qu'enfin, tu puisses vivre convenablement.
Voire même de faire un deuil sur ce pénible passé .