Veille permanente laïcité

15 Juin 2015
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(réflexion en même temps que j'écris)
Je crois que j'ai mis le doigt sur ce qui me gêne dans "c'est la France, donc c'est la laïcité, c'est la culture française, donc tout le monde doit s'y plier". En fait pour moi la France, c'est pas juste LaFrance. La culture française c'est la culture marocaine, algérienne, tunisienne, tchadienne, malienne, ivoirienne, nigerienne, sénégalaise, togolaise et encore bien d'autres. Je trouve qu'il y a un ethnocentrisme et même plus que ça, un aspect réactionnaire, à souhaiter voir s'appliquer une uniformisation du visage de la France, basé sur une Histoire à morceaux choisis.

Quand on dit "la France est un pays laïque" : ok, d'un point de vue juridique, nous avons une séparation entre l'Eglise et l'Etat, et nous avons des lois garantissant le droit de blasphème. Mais est-ce que ça fait de la laïcité une part de notre identité, est-ce que c'est un élément qui fait groupe ? Qu'on me comprenne, j'apprécie pleinement d'être dans un pays où le président ne jure pas sur la Bible à chaque prise de parole et où les décisions politiques ne sont pas justifiés par le divin (encore que, on pourrait considérer que par exemple pour le mariage entre homosexuels, c'est à cause de la base éléctorale croyante traditionaliste que ça pris tant d'années). Mais fondamentalement, pour moi la laïcité n'est pas plus une valeur "française", ou "identitaire", que d'autres droits ou d'autres règles de vie. Je ne l'ai pas décidée, on ne m'a pas demandé mon avis, je n'en suis pas particulièrement fière.

Du coup j'ai beaucoup de mal à entendre cette identité Française qu'on essaye de nous vendre, qui semble surtout le résultat d'une sélection de traditions, de morceaux d'Histoire et de valeurs, vue sous le prisme de la France métropolitaine blanche. Pourquoi aujourd'hui, une femme musulmane ne peut pas se déplacer dans la rue voilée sans avoir une peur acrue de se faire attaquer ? Pourquoi le voile est-il vu comme un élément étranger à la France ? Islamophobie, racisme anti-arabes, ce sont des réponses et des causes, mais j'ai le sentiment que cela vient aussi d'une vision faussée de la France. Combien de fois j'ai pu entendre "ah ouais tel quartier de Paris ... bah pour dire les choses franchement, on plus l'impression d'être en France". Mais de quelle France on parle ? Quel est ce corpus d'images, de principes, de valeurs, qu'on essaye de nous étiquetter comme "LaFrance". On rejoint les débats sur l'identité nationale, bel apeau à toute personne voulant expliquer que l'identité nationale c'est l'Eglise le dimanche, le saucisson et le pinard. Et je crois qu'on rejoins bien sûr le racisme systémique, qui non content de se manifester ponctuellement dans ce genre de polémique, travaille en tâche de fond à détruire et gommer tout ce qui n'est pas Blanc. L'image qu'on nous renvoie de nous, par les médias, est biaisée et nous encourage à nous regrouper autour de valeurs excluantes, telle que la laïcité fermée, pour protéger cette idée de la France qui est tout sauf réelle.

J'avais je crois déjà commencé à comprendre en quoi le fait de ne pas avoir de représentation était désastreux d'un point de vue de racisé-e, mais je commence aussi à voir à quel point cette représentation faussée a un effet sur mes propres oeillères et sur ce qui fait qu'aujourd'hui je ne comprends plus cette image de la France qu'on persiste à préserver.
 
Dernière édition :
10 Octobre 2014
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*remontage de périscope*

@Eclise : D'abord, merci pour tes interventions, toujours très construites et éclairantes !
J'ai juste pas très bien compris ce que tu veux dire par :
"En fait pour moi la France, c'est pas juste LaFrance. La France c'est la Maroc, l'Algérie, la Tunisie, le Tchad, le Mali, la Côté d'Ivoire, le Niger, le Sénégal, le Togo et encore bien d'autres. Je trouve qu'il y a un ethnocentrisme et même plus que ça, un aspect réactionnaire, à souhaiter voir s'appliquer une uniformisation du visage de la France, basé sur une Histoire à morceaux choisis."
particulièrement la première phrase. Tu parles de anciennes colonies ? Et du coup de l'influence qu'a eu le colonialisme/l'impérialisme sur la "francophonie" ?
 
15 Juin 2015
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@Ypsilon oui c'était un peu bancal dans sa première forme, j'ai édité pour remplacer par "culture ...". Et je rappelle que je parle de mon point de vue de blanche issue de famille issue de cathos :d. C'est à dire que pour moi il ne faudrait peut-être pas autant considérer que la culture dite "française" celle qu'on associe aux lumières, à Molière, à la révolution, à la prise de la Bastille, mais aussi dans l'histoire plus récente à tout ce qu'on nous a raconté d'un point de vue blanc, mais plutôt considérer la culture "française" au sens large, au sens de toute les cultures qui composent la France, et qui sont le fruit de notre Histoire élargie, et donc bien sûr de l'Histoire de nos colonies. Ces anciennes colonies ont fait et font encore d'une certaine façon partie de la France, de part les nombreux descendant-e-s de n-ième générations de ces colonies. Du coup je pense que ce qu'on appelle aujourd'hui "culture française", n'est qu'une sous-partie de ce qu'on devrait reconnaître.
 
26 Janvier 2013
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Salon de Provence
@Thihaly Dans le collège de mon ami, il y a deux ans, un professeur musulman a posé un jour de congé pour fêter le Ramadan. BIM, lettre des parents oui blablabla la laïcité blablabla le prosélytisme. . C'est simple : tu joues, tu perds.

Voir la Circulaire FP n°901 du 23 septembre 2015, le calendrier des principales fêtes est précisé chaque année par circulaire du ministère de la FP (courant janvier), c'est la loi tout simplement. Tout enseignant peut faire la demande de s'absenter pour célébrer une fête religieuse à condition que celle-ci ne perturbe pas le déroulement normal du service. Je ne comprends pas pourquoi les genTes se laissent si facilement intimider.

En quoi révéler indirectement son appartenance confessionnelle serait du prosélytisme? Jai l'impression que ce mot est utilisé à tort et à travers.

S'agissant de la virginité, pour le coup, l'Islam n'a rien de sexiste sur la question, la fornication est prohibée pour l'homme ET la femme. Je précise que la tradition "du drap blanc" n'est mentionnée nulle part dans le Coran. Mais on aime bien faire croire le contraire ça permet à certaines féministes de débarquer avec leurs gros sabots pour dire qu'en gros une femme libérée, c'est une femme non voilée qui baise (pas trop souvent non plus hein, faut pas déconner).

Sinon, est-il possible de débattre sur la compatibilité de l'Islam avec la laïcité sans qu'on aborde des trucs qui ont mais absolument rien à voir avec cette religion (genre l'excision, la burqa...)?

Ca serait cool.
 
17 Septembre 2007
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hfgfd
@Thihaly En arabe on dit Amin (oui on nous fait croire qu'un monde nous sépare mais en vrai on se ressemble beaucoup)

@Eclise Clairement moi je n'ai pas grandis en LaFrance.
Ma maman ne cuisinait pas français mais arabe. Pas de blanquette mais des couscous. À part les pâtes et les frites ma nourriture du quotidien n'avait rien à voir avec ce que tu mangeais. J'ai bu plus de thés à la menthe que de chocolat chaud (et tu loupes un truc absolument génial, la gamme de "limonade" du bled).
C'est pas les mêmes journées, pas les mêmes fêtes, pas la même déco d'intérieur, pas la même façon de vivre tout bêtement.
Alors quand tu entends à longueur de journée, c'est ou c'est pas LaFrance c'est tellement excluant.
 

Clemence Bodoc

Persistante
21 Juillet 2010
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Ah, j'ai trouvé quelqu'un qui exprime ma position mieux que moi :

On a connu le chantage à l'antisémitisme dès qu'on critiquait la politique israélienne. Le chantage à l'islamophobie est également insupportable.

La critique d'une religion ne se confond pas avec l'injure faite aux fidèles de cette religion, et c'est au juge et à lui seul de faire le partage, si litige il y a.

Voilà exactement le fond de ma pensée.
 
  • Big up !
Réactions : schizophrenia et Denis
15 Juin 2015
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Mon souci avec la notion de "chantage à l'islamophobie", c'est que ça me semble un très beau moyen de libération de la parole raciste, pour faire simple, de "chantage au chantage à l'islamophobie". Sous couvert que l'islamophobie serait un outil pour faire taire la critique des travers des religions, on en vient à légitimer par avance toute critique de ces travers, à refuser toute contre-analyse des opportunismes qui se tapissent derrière certaines polémiques.

On a le même schéma avec la notion de "race card" : le racisme n'est plus vu comme un système à combattre, mais comme un outil pour baillonner les blancs. "De toute façon, aujourd'hui, on ne peut plus rien dire", comme se plaisent à nous le répéter les polémistes du moment sur tous les plateaux télé ou radio. L'accusation de renforcer un système oppressif est désamorcé par avance, dans la même mécanique que l'on désamorce par avance une critique en disant "je sais que vais me faire lyncher, mais".

On peut aussi remplacer "islamophobie" par "sexisme", et imaginer comme la notion de "chantage au sexisme" peut être utile pour faire taire des féministes.
And you know, as silly as it is, the joking about man-bashing almost always works! Time and again, I've seen it work to silence women in the classroom, or at least cause them to worry about how to phrase things "just right" so as to protect the guys and their feelings. It's a key anti-feminist strategy, even if that isn't the actual intent of the young man doing it -- it forces women students to become conscious caretakers of their male peers by subduing their own frustration and anger. It reminds young women that they should strive to avoid being one of those "angry feminists" who (literally) scares men off and drives them away.
Hugo Schwyzer, "Words are not fists" http://hugoboy.typepad.com/hugo_schwyzer/2006/05/ive_been_thinki.html

Soyons certes vigilant-e-s à ce que les accusations d'islamophobie ne soient pas dégainées par principe, sans se soucier du fond, mais a contrario, examinons aussi nos réflexes, nos angles morts, nos oeillères et les composantes qui animent les discours politiques et médiatiques, au lieu de les balayer d'un revers de la main a priori, car on refuse d'observer notre système raciste. Que la laïcité soit un vecteur de racisme est un fait, tout comme la lutte pour la défense de la Palestine est un vecteur d'antisémitisme. Il faut je crois être particulièrement attenti-f-ves et redoubler nos efforts, si l'on souhaite participer à ces combats sans véhiculer ces racismes.

Du reste, je trouve qu'il y a une position de fuite à considérer qu'on ne peut plus rien dire sans se faire taxer d'islamophobie. Tout comme aujourd'hui de nombreu-se-x humoristes prouvent que l'on peut rire de plein de choses sans avoir à utiliser le sexisme, la transphobie ou le racisme, aujourd'hui de nombreu-se-x journalistes, sociologues, féministes, parlent de l'Islam, condamnent certains comportements, condamnent les événements de Cologne, sans verser dans le racisme ni donner de l'eau au moulin des extrêmes. Ne nous y trompons pas : la voie vers plus de justice sociale (sur l'égalité homme/femmes, sur la fin des discriminations racistes ou religiophobes, etc.) ne se fera pas en désarmant celles et ceux qui luttent pour, dans une sorte de paternalisme bienveillant, à base de "laissez nous faire, on va vous libérer, mais par contre soyez un peu plus calme", mais bien en admettant, de nos points de vue de dominants, nos privilèges, et en se faisant relais plus que sauveu-r-se-s.
 

Clemence Bodoc

Persistante
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Sous couvert que l'islamophobie serait un outil pour faire taire la critique des travers des religions, on en vient à légitimer par avance toute critique de ces travers, à refuser toute contre-analyse des opportunismes qui se tapissent derrière certaines polémiques.

Bah non. :dunno: Je ne légitime rien "par avance", je ne fais pas de chèque en blanc, à quiconque, c'est contre ma religion. :cretin: Non sérieusement, j'entends totalement le risque d'abus, j'en ai conscience, j'y suis attentive. C'est pour ça que je regarde qui dit quoi et dans quel contexte, qui fait quoi et dans quel contexte, avant d'adhérer ou non à tel ou tel argument ou idée.

En fait, ces mécanismes que tu dénonces, c'est exactement ceux qui me gênent dans certains discours militants. Qu'un discours commence par « Je ne suis pas sexiste, mais », ou « je suis concernée, donc », personnellement, j'entends la même chose, qui est un grand « blanc » dans la phrase, et j'attends qu'on m'explique et qu'on argumente quelque chose. Être ou ne pas être sexiste/ raciste / concernée, ça me fait une belle jambe. À une exception près : si la discussion porte sur un témoignage, et que la personne qui s'exprime "en tant que concernée" est l'auteure du témoignage. Ok, je l'écoute. De la même façon que lorsqu'une figure publique du féministe dit un truc sexiste, je vais écouter ses explications, je tire pas un trait de dessus en mode "est passé à l'ennemi".

Détacher qui parle de ce qui est dit, examiner le discours et ses détails plutôt que d'interpréter à outrance "là où ça veut en venir", pour moi, ça rejoint exactement notre discussion : c'est laisser ce que les gens sont ou ne sont pas, ce en quoi ils croient ou non, en dehors de la discussion, pour ne se focaliser que sur ce qu'ils disent.

Ça commence donc, évidemment, par lutter contre toutes les formes dé-légitimation de la personne qui s'exprime : "retournez à vos blogs mode", "t mm pas française rentre chez toi", "han mais le mec mange pas de porc qu'est-ce qu'il parle mdr" & autres attaques ad hominem, souvent basées sur des facteurs de discrimination.
 
15 Juin 2015
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Bah non. :dunno: Je ne légitime rien "par avance", je ne fais pas de chèque en blanc, à quiconque, c'est contre ma religion.
(edit) ce n'est pas parce que toi tu n'en as pas l'intention ou que tu ne l'utilises pas de cette façon que cette notion n'est pas utilisée de façon à mon avis très généralisée pour libérer cette parole islamophobe. A nouveau quand je poste un commentaire je ne l'adresse pas à toi en particulier, sinon je te quote, je te mentionne et je le dit clairement. J'ai l'impression de me répéter :erf:. J'essaye de parler de la situation en général, pas de toi en particulier.

C'est pour ça que je regarde qui dit quoi et dans quel contexte, qui fait quoi et dans quel contexte, avant d'adhérer ou non à tel ou tel argument ou idée.
c'est laisser ce que les gens sont ou ne sont pas, ce en quoi ils croient ou non, en dehors de la discussion, pour ne se focaliser que sur ce qu'ils disent.
Il y a pour moi une forme de contradiction : d'un côté il s'agit bien d'évaluer le contexte, de l'autre de ne s'attacher qu'au propos. J'ai tendance à préférer une troisième voie : prendre en compte le propos dans son contexte, en mettant de côté les éventuelles intentions, supposées ou prêtées.

Ne pas traiter les discours différemment selon ce que les gens sont ou pas, en théorie je dis pourquoi pas, c'est plutôt louable, mais on risque aussi de passer à côté des dynamiques politiques telles que le racisme ou la transphobie, qu'il s'agisse du racisme des autres ou du notre, que l'on refuse de voir. C'est il me semble ce que recouvre la notion de X-blindness, colorblindness (chromato-cécité pour les anglophobes), genderblindness. On dit ne pas traiter différemment un propos selon la personne qui l'émet, mais derrière on refuse d'admettre que d'un point de vue général on participe pourtant bien à une tendance qui est discriminatoire, ou on peut aussi refuser d'admettre qu'on a soit même un comportement discriminatoire, consciemment ou pas.

Prenons un exemple : 150 recruteurs blancs, sont jugés dans le cadre de 150 refus de CV provenant de 150 hommes ou femmes noirs. Pris individuellement, on peut analyser en niant que le recruteur était blanc et lea candidat-e noire, accepter la justification du recruteur qui nous explique qu'il sait bien ce qu'est le racisme, qu'il avait de très bonnes raisons de préférer tel autre candidat, qui se trouve être blanc mais à nouveau choisissons d'ignorer cette donnée. Ainsi, il n'y a pas particulièrement d'injustice : chaque recruteur a fait son choix professionnellement, sans discriminer ni dans un sens ni dans l'autre.

Si l'on prend maintenant le problème dans l'autre sens, si l'on prend le problème de façon globale, si l'on prend en compte le contexte, on peut être amené à se demander pourquoi sur ces 150 cas, c'est un homme blanc qui a été préféré à une personne noire. On peut lancer une enquête à plus grande échelle et tenter de déceller des tendances systématiques, des corrélations entre la couleur de peau et la chance d'être choisi à un recrutement. Si on en reste à un traitement individuel, on ne pourra jamais mettre en lumière de tels systèmes discriminatoires.

Je prends un autre exemple : pris individuellement, les N journaux (Charlie Hebdo, Marianne, Valeurs Actuelles, Le Point, etc.) qui ont fait des unes critiques sur l'Islam ces dernières années se défendront d'avoir fait cela par islamophobie. Assurémment, chaque une a été motivée par un élément d'actualité, par un choix éditorial, et d'ailleurs si l'on prend d'autre unes, on verra que d'autres religions sont traitées plus ou moins de la même façon. Renversons maintenant la situation : pourquoi globalement, les catholiques et les jui-f-ve-s ont été moins ciblés par la presse dans leur pratique de la religion que les musulman-e-s ? Pour des journaux comme CH ou Marianne, ça n'est pas leur problème : le contexte national d'islamophobie ne doit pas les empêcher de rajouter leur petite pierre à l'échaffaud. Et pourtant illes ont leur part de responsabilité dans ce contexte.

Prenons enfin un dernier exemple, (toute ressemblance avec des faits réels etc.) : dans un pays dont les habitants salue majoritairement de façon genrée, en différenciant hommes et femmes, un musulman président d'une association humanitaire déclare saluer de façon genrée, en différenciant hommes et femmes. 50 médias relèvent la situation, relayent le problème de sexisme qu'il y a à saluer les hommes et les femmes de façon genrée. Pris individuellement, chaque média pourra expliquer qu'il s'agisait d'un propos sexiste, et qu'il y avait donc sujet à écrire un article. Que la personne se présentait comme un musulman, donc qu'il était pertinent de lier ce comportement sexiste à cette religion. Mais si on prend en compte le contexte, si on prend le problème de façon globale :
- pourquoi Philippe de Villiers, qui défend des idées bien plus violentes contre l'égalité F/H, ne reçoit pas le même traitement médiatique ?
- pourquoi l'on ne questionne pas Jean-Pierrot, mon boucher du coin, qui ne serre pas non plus la main aux femmes mais leur fait la bise ?
- pourquoi on ne demande pas à François Hollande, lorsqu'il participe à un plateau, si il se considère comme un "français normal", et si il salue différemment les hommes et les femmes dans son entourage, ou si il trouve ça "normal", au 21e siècle, que les hommes serrent la main des hommes mais fassent la bise aux femmes ?
- pourquoi ces 50 médias ne parlent-ils de cette association humanitaire qu'au moment où il s'agit de surfer sur les stéréotypes de l'arabe sexiste, de l'association communautariste et de la proximité Islam-terrorisme ?
- pourquoi ces 50 médias parlent-ils de la religion de cet homme comme d'un élément pertinent, même si culturellement en France on salue différemment les hommes et les femmes ?

Autant de questions que l'on ne peut pas poser si l'on ne prend pas en compte le, les contextes de tout propos.
Voilà pourquoi je pense qu'il est important de prendre en compte tous les éléments, à différents niveaux d'analyses :
1. l'analyse des propos en eux-même,
2. l'analyse du contexte des propos : qui les dit, pourquoi, dans quelle situation, avec quelle récurrence,
3. l'analyse de l'impact des propos,
4. l'analyse du jugement de ces propos.

Qu'un discours commence par « Je ne suis pas sexiste, mais », ou « je suis concernée, donc », personnellement, j'entends la même chose, qui est un grand « blanc » dans la phrase, et j'attends qu'on m'explique et qu'on argumente quelque chose.
Je crois qu'il y a un mauvais procès qui est fait à la notion de "je suis concerné-e donc je vais m'exprimer, si tu n'es pas concerné-e je te demande de te taire" ou, plus sèchement "les non-concerné-e-s, vos gueules". Les critiques de ce mécanisme sont légion, il ne se passe pas une semaine sans qu'un nouvel article sur la violence des milieux militants sorte et soit partagé en masse, assez souvent venant d'allié-e-s (ce que je juge personnellement comme souvent non pertinent car relevant régulièrement plus de fragilité blanche que d'objectivité sur le problème), mais aussi de concerné-e-s pour qui ce mécanisme est jugé comme favorisant l'outing forcé, ou repoussant de potentiel-le-s allié-e-s.

Déjà je pense qu'il faut remettre en contexte le raison du pourquoi de tels mécanismes se mettent en place. Pourquoi on en arrive, dans certains espaces, à avoir un a priori négatif sur la parole lorsqu'elle vient de dominant-e-s, de privilégié-e-s, sur des oppressions dont illes ne sont pas victimes ? Pourquoi on en arrive à des blogs comme http://male-tears.tumblr.com/, ou en général à des espaces faisant de l'humour anti-dominants ? Il me semble que la réponse est bien évidemment liée à la suprématie de cette parole de dominant, en particulier bien sûr quand il s'agit de nier l'oppression, dans l'espace public et médiatique. A nouveau on est dans une réflexion autour de la façon de prendre le problème : pris individuellement, chaque individu ayant nié le racisme systémique en France pourra arguer de son objectivité, de son expertise sur les sujets de racisme, et de sa capacité à se distancier de sa couleur de peau pour juger. Mais pris globalement, pourquoi l'écrasante majorité des blanc-he-s qui prennent la parole sur le racisme le font pour nier les expériences des racisé-e-s ? Y compris dans les milieux militants/généralement bien informés sur les dynamiques oppressives de notre société ? C'est un premier éclairage sur le contexte de ce mécanisme.

Le deuxième éclairage que je vois sur ce mécanisme est le fonctionnement même des systèmes oppressifs dans lesquels nous évoluons. Pour chaque oppression, la parole des dominant-e-s, qu'il s'agisse de défendre ou dénoncer cette oppression, prévaut généralement sur la parole des concerné-e-s, jugés partiaux, agressifs, émotifs, irrationnels, communautaristes. Et cette suprématie est constituante et agente de l'oppression, puisqu'on valorise l'avis de celui/celle qui tire directement des privilèges à ce que cette oppression soit maintenue. Autrement dit, je pense que quel que soit le fond, le fait qu'un-e blanc-he prenne la parole pour parler du racisme, qu'il s'agisse de le dénoncer ou de l'encourager, participe au racisme. Le fait que X médias, cathos-athées-laïcistes, se penchent sur "le problème de l'Islam", qu'il s'agisse de faire preuve de mesure ou pas, participe à l'islamophobie. L'oppression, et surtout lea dominé-e, reste objet, n'accède jamais au rang de sujet, tout au plus celui de caution ou de marionnette (façon : voici les bons musulmans, les musulmans dont on veut bien). Dans cet éclairage, l'idée de se taire lorsqu'on est pas concerné consiste non pas à rejoindre la majorité silencieuse qui assiste sans rien dire à l'oppression, mais bien de reconnaître sa position de privilégié-e et le fait que son discours, qu'elle qu'en soit le fond, est vecteur de l'oppression.

Du reste, dans ces espaces militants tant décriés, que je fréquente de loin en loin, la parole reste libre, preuve que ce principe n'est pas aussi intransigeant que souvent présenté. Y compris dans les groupes les plus "hardcores" que j'ai pu fréquenter, les blanc-he-s peuvent parler du racisme, peuvent poser des questions, et même, moyennant un certain effort, critiquer certaines actions de dominé-e-s et que cela soit tout de même accepté. Et il me semble que si les dominant-e-s, ou si nous les blanc-he-s par exemple, avions l'honnêteté et le courage de reconnaître plus systématiquement nos schémas de pensées oppressives, nos positions de privilège (y compris dans ces milieux militants d'ailleurs, les allié-e-s y ayant plus de privilèges que les concerné-e-s), de présenter des excuses lorsqu'on blesse quelqu'un plutôt que de refuser de le faire au prétexte qu'on en avait pas l'intention, d'accepter que notre point de vue est partial et partiel, et bien je pense qu'on aurait peut-être pas besoin d'avoir de tels mécanismes pour préserver la parole des concerné-e-s et éviter qu'elle ne se fasse écraser.
 
Dernière édition :
17 Septembre 2007
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Frantz Fanon est notre père à tous. Je voulais citer des extraits mais tout me semble nécessaire :

« Il faut mettre sur le même plan le DDT qui détruit les parasites, vecteurs de maladie, et la religion chrétienne qui combat dans l’œuf les hérésies, les instincts, le mal. Le recul de la fièvre jaune et les progrès de l’évangélisation font partie du même bilan. […] Je parle de la religion chrétienne, et personne n’a le droit de s’en étonner. L’Église aux colonies est une Église de Blancs, une église d’étrangers. Elle n’appelle pas l’homme colonisé dans la voie de Dieu mais bien dans la voie du Blanc, dans la voie du maître, dans la voie de l’oppresseur » [11].
Pour ce qui est de l’islam, religion d’une grande partie des colonisés, la situation est plus complexe. Tout à sa tentative de « valoriser » la culture des colonisés, pour mieux la neutraliser, le colonialisme s’immisce dans les affaires musulmanes.« On assiste, écrit Fanon, à la mise en place d’organismes archaïques, inertes, fonctionnant sous la surveillance de l’oppresseur et calqués caricaturalement sur des institutions autrefois fécondes [12]… »
« Le racisme vulgaire dans sa forme biologique correspond à la période d’exploitation brutale des bras et des jambes de l’homme. La perfection des moyens de production provoque fatalement le camouflage des techniques d’exploitation de l’homme, et donc des formes du racisme. […] Le racisme n’ose plus sortir sans fards. Il se conteste. Le raciste dans un nombre de plus en plus grand de circonstances se cache » [2].

Il y a vraiment des trucs hyper éclairants dans cette article où certains mots de Fanon ont complètement leur place aujourd'hui.

Et du coup, j'ai une question à quel moment la religion intervient dans vos vies? Parce que comme @Kopses j'ai grandi dans un mix Islam/judaisme et je suis athée mais je ne suis pas du tout pour la disparition de la religion de l'espace public, en vrai je m'en fous un peu vu que je suis pas croyante. Du coup, je me demande à quel moment la religion des autres vous dérange au quotidien? Et du coup, neutraliser l'espace public ça voudrait dire quoi? On arrête les fêtes chrétiennes et les églises deviennent des temples multi religieux?
 

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