Ce n'est pas de la légitime défense. Je tiens à le préciser au sens pénal du terme ça n'en est pas puisque c'est une réponse disproportionnée ( on ne tue pas un voleur. On ne donne pas un coup de couteau pour un coup de poing) et pas dans le même temps que l'acte qui a engendré une réponse. C'est ce qu'est la légitime défense. Donc non cette femme, aussi triste que soit sa situation, n'était pas dans une situation de légitime défense. Elle a commis un meurtre. Un meurtre doit être puni. La loi est la loi. La justice est la justice. Cette conception a été faite pour donner une définition précise de la légitime défense pour éviter les abus ( Il y a eu le cas d'un bijoutier braqué à Nice. Il est sorti de sa boutique et il a tiré sur les voleurs avec un fusil. Ce n'est pas de la légitime défense. ). Et c'est normal que ça ne le soit pas parce que sinon on légitime tout et n'importe quoi.
Alors oui, je compatis à la situation de cette femme. Je suis réellement peinée par son histoire et je le sens jusque dans mes tripes. Mais je ne souhaite pas que sa peine soit réduite, graciée, effacée. Je ne souhaite pas envoyer ce message la au monde. Un crime doit être puni. Bien sûre que oui, elle pourra repartir de zéro mais une fois sa dette à la société payée.
En revanche, je ne suis pas pour suivre l'opinion populaire qui voudrait faire passer tout et n'importe quoi. Après tout c'est à cause de ce genre d'affaire qu'on a instauré des faux procès qui servent à "guérir" les proches et qui, au final, brouille toutes les lignes. La loi est dure mais c'est la loi.
Du coup est-ce qu'il n'y a pas un vide juridique dans ce cas précis ? Je veux bien qu'on suive la loi mais...
Et si la loi a tord ? Je rappelle que le viol conjugal est reconnu depuis quelques dizaines d'années seulement par exemple. Est-ce qu'à l'époque, avant cette loi, ça aurait été moral de dire "ha ben non c'est pas un viol car ils sont mariés donc la femme doit se soumettre" ? Non. Car la loi c'est
"juste" la loi. C'est à dire un texte écrit, édité, modifié et modifiable par des êtres humains, et donc, sujet à l'erreur.
Il y avait un cas que j'avais lu il y a quelques années. Une mère avec une fille handicapée (le handicap était très très lourd), elle ne recevait pas beaucoup d'aide et son mari était complètement désintéressé et même abusif. Elle a finit par tuer sa fille en l'étouffant. La justice a requit une peine symbolique. Pourquoi ? Car le procureur a comprit que le fait de vivre avec ça le reste de sa vie, tuer l'enfant qu'on aime car on ne peut plus continuer, car on a pas d'aide et car on ne veut pas que sa vie empire, c'est une des pires punitions et que la République pouvait comprendre une telle pénitence.
Donc la justice
PEUT s'adapter. Je ne peux pas comprendre qu'on se soit dit que vivre toute sa vie avec le sentiment horrible d'avoir "laissé" son mari violer et tabasser ses enfants jusqu'à en pousser un au suicide, que vivre sous la torture pendant 47 ans, ne soit pas déjà une peine suffisante pour cette femme.
Le système, la société, NOUS sommes responsables. Car on vit dans une société où une femme battue, c'est pas notre problème, où des films sur le meurtre conjugal et la violence conjugale sont trivialisés au rang de blague (mais seulement de l'homme vers la femme hein...), où les petits garçons sont élevés pour être violents et où les petites filles sont éduquées pour savoir que leur corps n'est pas le leur et qu'elles doivent s'attendre à la violence des hommes qui les aiment... Cet homme horrible que personne ne défend, c'est nous qui l'avons créé. C'est tout. Alors en considérant que la société à poussé cette victime dans les bras de ce bourreau et a ensuite refermé son piège habituel (les témoins qui disent rien, les médecins qui trouvent ça normal...), est-ce que c'est vraiment Jacqueline qui a fauté ?
Ou est-ce qu'elle a répondu à une situation inextricable de la SEULE manière possible ?
Je pense que c'était la seule solution possible POUR ELLE. Je ne dis pas que le meurtre est bien, je ne dis pas qu'on devrait tuer les partenaires abusifs. Je dis que dans SA situation, c'était la manière de mettre fin à l'horreur pour elle et ses enfants.
L'abus domestique créer des séquelles psychologiques. Et je trouve ça aberrant que ça n'ai pas été prit en compte comme circonstance atténuante : elle n'était pas dans un état psychologique normal, elle ne peut pas être tenue responsable. Car après environs 50 ans de torture psychologique et physique quotidienne, on ne doit pas s'attendre à ce qu'un être humain puisse peser le pour et le contre d'une situation aussi extrème. N'importe quel site de témoignage de violence domestique vous dira que même quelques mois dans une relation abusive laisse des séquelles à vie. A vie. Et Jacqueline en a eu 47ans. Son cerveau ne fonctionnaire pas comme nous. Il ne fonctionnait pas comme nous, confortablement assit derrière notre PC à pouvoir lire un extrait du code pénal, à débattre joyeusement avant d'éteindre l'ordinateur et d'aller se regarder un petit film en famille...
Elle était dans un contexte
de guerre,
de survie. Et dans ces contextes là, on en vient à ne pas pouvoir penser correctement. Alors oui, la source de cette torture constante pour elle et ses enfants, c'était lui. Alors il faut le supprimer. Dans ce contexte, je comprends le raisonnement.
Je ne cautionne pas le meurtre mais je comprends que c'était la seule solution que ON lui a laissé. Nous tous, on l'a poussé sur cette voie. Elle, affaiblie, entrain d'essayer de survivre, elle l'a tué lui avant qu'il ne la tue elle. Voilà.
Ensuite, on sait bien tous comment ça se serait passé si elle avait été à la police hein... On sait tous et toutes ici que les hommes sont presque jamais condamnés pour violences domestiques, qu'en plus, si les enfants avaient été mineurs, il aurait probablement récupéré la garde, et on sait AUSSI que les victimes de violences sont tellement isolées que se séparer de leur conjoint est un suicide social, financier et professionnel. On le sait, ça fait partie de la stratégie des abuseurs.
Alors oui, la grâce présidentielle me semble une bonne idée en considérant qu'on a tous un peu forcé Jacqueline à recourir à une solution de dernier recourt. Cette condamnation est hypocrite et tous les abuseurs s'en frotent les mains après avoir tabassé leurs compagnes...