Merci pour ce bel article. Je me souviens du soir des attentats de Charlie, je devais aller voir une pièce jouée par des amis pro qui parlait de la guerre et des armes. Je ne les ai pas retrouvé là bas, mais bien à la Place du Ralliement ce soir là. On était là. Ils m'ont parlé de leur pièce. Cette dernière avait tenté de mettre en lumière la dureté et la violence du monde dans lequel nous vivons, et j'ai alors compris qu'aucun art ne pourrait rendre une telle vérité que celle que nous ressentions ce soir là par cette réalité déchainée. On avait l'air cons. Cons car on est comédiens et on joue et d'autres ne jouent pas. Ils ont perdus ça. Et c'est bien triste. Ce soir là, on était cons et tristes. Quelques mois après, c'était différent, on était cons, tristes, et seul. Pas de rassemblement hors mis quelques bougies où les gens passaient et s'arrêtaient. On avait peur, on a appelé les proches, et on a appris qu'on connaissait tous quelqu'un qui était sur Paris, et qui connaissait quelqu'un qui était sortie en ville ce soir là. On était tristes car on a pensé à Paris, on a pensé à Angers, on a pensé à tout ceux qui sont partis prendre un pot en terrasse, tous ceux qui sont sortis voir un concert, tous ceux qui sont parti voir une pièce de boulevard, on a pensé à eux, on a pensé à nous. Et si c'était nous ? Et si là maintenant on était plus libre ? On a réfléchit, on a bu une bière, on a parlé, on a bu une deuxième bière, on a débattus, on a échangé, on a changé. Mais ce soir là, on n'était pas en ville. Ce soir là, on n'était pas en terrasse. Ce soir là, ils ont gagné. Une soirée, rien qu'une soirée, ils ont gagné. Une soirée sur 365 autres. On leur a accordé une soirée. Le lendemain, on était de nouveau dehors, le lendemain, on allait à l'atelier de théâtre, le lendemain, on allait prendre une bière rue Saint Laud après l'atelier, le lendemain, on allait chanter au bar, le lendemain on allait faire des micros-trottoir, le lendemain, on allait improvisés avec d'autres troupes d'impro, le lendemain on partait jouer dans une cave, le lendemain on allait jouer à la Maison d'arrêt, le lendemain on allait voir En attendant Godot au Quai, le lendemain on allait faire une murder party, le lendemain, on allait danser sur le tango de Roxanne, le lendemain, on allait répéter, le lendemain on allait jouer devant ceux qui sortent, ceux qui vivent, ceux qu'on aiment, ceux qui s'aiment, ceux qui rient, ceux qui vivent ! Et putain ce qu'on a joué !