Je suis rassurée de voir que je ne suis pas la seule à tiquer sur la banalisation et la désacralisation du sexe comme réponse à ce type de comportements. On ne parle pas ici d'une femme qui aurait été surprise involontairement en pleins ébats et vue comme une "nympho", "chaudasse" ou je ne sais trop quoi ensuite. On parle d'hommes qui voleraient l'image d'une femme (qu'elle soit célèbre ou non ne change absolument rien au problème) pour faire croire à des faits inventés dans le but de lui nuire. Il s'agit de harcèlement misogyne, de vol d'image et de diffamation. Et même si le but n'est pas de nuire et que le caractère factice de l'image est notifié, l'utilisation de l'image d'autrui sans son consentement demeure.
Quoi qu'on en dise, le sexe peut être quelque chose de banal mais il peut aussi être très intime. Et dans les faits, il est souvent intime. Comme dit plus haut par
@Khyra , une victime de viol sera dans la grande majorité des cas plus traumatisée que quelqu'un à qui on a forcé la main pour manger un gâteau, regarder un film ou faire une partie de baby-foot. On peut concevoir le sexe comme quelque chose d'intime, ou même l'éviter (asexuel-le-s, notamment) et demander à ce qu'on respecte sa conception de la sexualité. Si je n'ai pas envie que des images de moi au milieu d'un bukake circulent sur Internet, c'est mon choix, que ces images soient réelles ou bien le fruit d'un montage, que la situation ait déjà eu lieu ou non, et que j'aime cette pratique ou non, là n'est pas la question. C'est mon image, mon visage, il m'appartient et personne n'a le droit de l'utiliser selon son bon vouloir sans se préoccuper de mon avis. Le parallèle avec le fantasme me parait assez loin du problème lui aussi. Imaginer son voisin tout nu, ça n'est pas la même chose que de prendre des photos de lui à son insu à travers la fenêtre pendant qu'il se déshabille et les poster sur Internet. Il y a l'imagination et la réalité, la sphère privée et la sphère pubique.
De plus, je ne pense pas que dans le cas d'un acte intrusif et potentiellement réalisé dans le but de nuire, la solution soit de se convaincre que ça n'est pas grave. Dans le cas du revenge porn, doit-on conseiller aux victimes d'assumer leur sexualité et de poster des nudes sur Instagram pour se réapproprier leur corps ou condamner la divulgation des images, et les laisser décider sans les influencer si elles veulent poster des nudes par la suite ou non ? Quand on se fait frapper par quelqu'un-e avec une barre de fer, lui demande-t-on d'utiliser une batte en mousse à la place ou bien simplement d'arrêter ? Doit-on rendre l'agression moins douloureuse ou tenter d'y mettre un terme ?
Pour transposer la situation à un autre type de délit, face à une recrudescence de cambriolages (en vue de recel, je ne parle pas de voler pour manger) répondrait-on par la remise en question de la propriété privée ? J'ai beau préférer le collectivisme à la propriété privée, le fait d'enlever un bien à autrui pour son profit personnel reste un acte immoral et condamnable. Le problème de la situation qui est décrite dans l'article n'est pas le fait que l'on soit outré devant les images sexualisées d'une femme, mais que des hommes se permettent de faire ce qu'ils veulent des femmes parce qu'elles sont femmes. Si le tabou de notre société était la pratique du macramé, on créerait des montages de femmes qui font du macramé. Alors à moins de banaliser et de "désacraliser" chaque pan de notre existence jusqu'à un rien à battre absolu, je pense qu'il faudrait trouver une autre solution.