Je trouve que le film Le Diable s'habille en Prada gomme justement l'aspect économique de la mode pour mettre en avant l'aspect esthétique.
La scène où Miranda P explique le cycle de la mode à sa secrétaire-journaliste m'avait dérangé, parce que l'explication était incomplète, et qu'elle finissait sur cette phrase (traduction perso) : "c'est drôle que vous pensiez avoir fait un choix alors que ce pull a été sélectionné pour vous par les gens qui sont dans ce bureau.."
C'est-à-dire que, selon ce passage, ce sont les journalistes mode qui font la mode (les gens qui sont dans le bureaux = les journalistes mode de Vogue, dans le film). De ce que je sais, c'est plutôt les industriels qui mettent en avant une couleur, et les journalistes vont avoir comme job de diffuser cette nouvelle couleur comme THE couleur à avoir, avec des jolies images, des mises en scène...
ex les baskets blanches = quasi impossible d'en trouver des noires à semelles noires y a un ou deux ans. Que des tennis blanches à semelles blanches. Pas parce que les modeux du bureaux ont trouvé ça trop beau, et que tout le monde s'est prosterné devant leur bon goût. Mais parce que c'est plus facile de produire le même type de produits à la chaîne que de faire la révolution toutes les deux minutes dans l'usine : c'est plus rapide, et pour les fabricants de tissus y a moins de risque d'invendus : ils savent qu'en faisant dans le tissu/cuir et autre blancs, toute leur production va être écoulée dans les 2-3 ans.
Peut-être qu'effectivement les journaux de mode ont une petite influence (et encore, je suis pas sûre), mais dire que c'est uniquement eux qui dictent les tendances, comme le fait le film, c'est franchement exagéré. Ils donnent de l'écho à une tendance décidée par les industriels de la mode, ils ne créent pas de tendances.
Et donc, résultat : le film donne l'impression que la mode est avant tout une affaire de goût, de choix esthétiques (certes, imposé par quelques personnes). Alors que c'est avant tout une histoire de rentabilité économique.
D'ailleurs c'est drôle que les actrices choisies pour faire femmes-sandwichs pour les marques (je pense par ex à Vanessa Paradis pour Chanel) soient qualifiées d'égéries (donc que le créateur serait un "artiste"). Alors que le but, c'est de vendre des trucs inutiles. C'est pas parce qu'on accole le vocabulaire artistique à une industrie que par la magie des mots elle devient un musée.
L'aspect "artistique" de la mode, c'est un prétexte "culturel" pour encourager les genTes à consommer, à acheter des vêtements dans un "nouveau modèle", pour vendre des baskets blanches à des consommateurs qui par ailleurs avaient déjà des baskets noires qui remplissaient très bien leur fonction.