Là, je me manifeste ici, car vraiment je n'en peux plus. Je connais l'enfermement quasi total depuis bientôt un an. Le confinement, mais aussi avant ça les grèves des transports, et le fait que je dois vivre chez mes parents parce qu'on a posé une offre d'achat sur une maison, j'attends la réponse depuis six mois. Et on ne sort pas de chez mes parents sans voiture (je n'ai pas le permis).
Il était déjà assez dur de n'être allée nulle part ou quasiment pendant cette année. Mais avoir peur pour moi ou les autres, c'est très difficile à supporter (j'ai été reconnue Asperger). Il y a un mois, tout s'est écroulé: quasi simultanément, j'ai appris que mon département était en zone rouge, le reconfinement, que ma petite sœur était cas contact (son patron étant malade), que des gens que je connaissais (ce qui ne s'était pas produit jusqu'alors) étaient atteints (les moines du couvent où on va entendre la messe, la femme de mon parrain, sa fille, ses petits-enfants, un petit cousin, mais personne n'en est mort). J'en ai eu une courte dépression. Heureusement les tests de ma petite sœur se sont avérés négatifs. J'ai repris un peu espoir avec l'annonce des vaccins, puis de la baisse des cas.
Il y a une semaine j'ai de nouveau eu peur car ma mère avait mal à la gorge (elle a 70 ans et mon père aussi). J'en suis venue à compter le nombre de fois où elle toussait...Mais là, comme ça faisait une semaine sans changement, je m'apprêtais à passer ma première journée avec l'esprit tranquille depuis un bout de temps.
Mais ma sœur aînée et sa famille sont aussi chez mes parents, dans une aile indépendante, n'ayant pas encore de nouveau logement non plus (nous étions dans le même avant, une maison mitoyenne avec deux appartements). Ce matin, j'apprends subitement qu'elle n'est pas allée au travail, étant fatiguée avec mal à la tête. L'aînée de mes nièces est fiévreuse, et pas non plus à l'école. Et mon beau-frère ne se sent pas bien également. Seules, mes deux plus petites nièces paraissent épargnées. Sachant qu'on s'est parlé tout ce week-end sans précaution particulière, la contagion intrafamiliale semble en route.
Je n'en peux plus. Je n'ai ni médicament anti- stress ni thérapeute (puisque je viens d'arriver dans la région et ne peux me déplacer à ma guise). Je ne pourrais pas me plaindre à ma famille, car dans ces cas-là ils se moquent ou me rabrouent ("Oh ça va, c'est dur pour tout le monde"). Un Noël bien pourri pourrait s'ensuivre...La seule chose que je constate pour l'instant, est que mon propre état de santé n'a pas changé. Mais je ne pourrai plus me dire, d'ici à la vaccination : "Au moins, aucune personne que j'aime, ou moi-même, n'a été malade."
J'aimerais pouvoir, je crois, pouvoir penser de nouveau à des choses futiles et superficielles et quitter un peu ce mode "survie" permanent, sans consolation et avec toujours la peur pour les autres et soi au détour du chemin.