Mais MERCI bordel ! Merci Jérémy parce que c'est intéressant d'avoir une base à laquelle répondre (et que ça a dû te prendre du temps), et merci à Clémence pour cette réponse magnifique.
De mon côté, je suis beaucoup plus dure face au harcèlement de rue que beaucoup de filles. Je ne supporte pas qu'on vienne me faire un compliment dans la rue, non, pour plusieurs raisons (pardon, je vais reprendre des trucs de l'article) :
EDIT : C'est une longue réponse que j'ai faite, et je me rends compte qu'il faut rappeler, avant tout, que l'ACCUMULATION est la clé pour comprendre des positions qu'on pourrait qualifier d'intolérantes. Je n'écrirais pas tout ça si le harcèlement ne tapissait pas à ce point chaque sortie dans la rue.
- Je ne suis à la disposition de personne. La rue est pour moi un espace de passage et non de rencontres. Si je peux aider, donner l'heure, une direction, oui, ok (à moins que je sois vraiment horriblement pressée, ce qui m'arrive). Je ne dois absolument rien au mec qui m'aborde, pas même la patience ou l'amabilité, dans la mesure où je n'ai absolument pas sollicité ce contact.
- Je pense aussi qu'on a une très grosse différence culturelle à ce niveau-là : les hommes habitent bien plus l'espace urbain que les femmes. Et du coup, ce n'est pas étonnant qu'ils considèrent davantage que c'est un espace de rencontres potentielles. L'une de mes connaissances (un homme) a déménagé à Oslo il y a quelques temps. En arrivant là-bas, il s'est étonné : "Cette ville est peuplée par les femmes !", le soir plus particulièrement. En fait, non. C'est simplement que la vie à Paris l'avait habitué à voir davantage d'hommes que de femmes dans l'espace public (à de rares exceptions près). Il suffit de regarder autour de soi dans le métro passé 21h30... C'est généralement très éloquent. En fouillant un peu sur le net, il y a pas mal d'articles très intéressants à ce sujet. Celui-ci, notamment, est une véritable perle tant il est clair et bien écrit :
http://next.liberation.fr/sexe/2014/06/03/les-males-sont-en-rues_1032848
- L'idée qu'on se base sur le physique d'une personne pour déterminer si, oui ou non, on a envie de la connaître... Ben ça me hérisse. Rien de plus à détailler là-dessus, c'est juste limpide pour moi.
- Quand bien même on garderait l'histoire que c'est "totalement désintéressé", je ne comprends pas le besoin d'aller valider le physique d'une personne. Je ne reprendrais pas la démonstration de l'article sur le coup de foudre, la femme de sa vie, tout ça, qui est juste parfaite... Mais juste, bonne nouvelle : une fille jolie le sait généralement. Ou du moins, elle accordera plus de poids à la remarque d'un proche que celle d'un inconnu dans la rue. Mais je ne comprends pas ce boost d'ego qui fait qu'on doit absolument venir donner son avis, comme si c'était quelque chose d'important. Ça me dépasse violemment. Le mec qui me dit qu'il me trouve belle dans la rue, en fait je m'en fous, je ne le connais pas, je me tamponne de sa validation et du coup ça ne m'apporte rien. Et ce n'est pas parce qu'il m'a fait un compliment que j'aurais envie de le connaître. L'amitié et l'amour ne fonctionnent pas comme ça.
Je finirais en citant Alfred de Musset (passage découvert grâce à Stop Harcèlement de rue), qui dit tout ça mieux que moi :
(extrait de "Il faut qu'une porte soit ouverte ou fermée")
"LE COMTE.
Vous ne voulez pas qu'on vous fasse la cour ?
LA MARQUISE.
Non. Je suis très bonne personne, mais quant à cela, c'est par trop bête. Dites-moi un peu, vous qui avez le sens commun, qu'est-ce que signifie cette chose-là : faire la cour à une femme ?
LE COMTE.
Cela signifie que cette femme vous plaît, et qu'on est bien aise de le lui dire.
LA MARQUISE.
À la bonne heure ; mais cette femme, cela lui plaît-il, à elle, de vous plaire ? Vous me trouvez jolie, je suppose, et cela vous amuse de m'en faire part. Eh bien, après ? Qu'est-ce que cela prouve? Est-ce une raison pour que je vous aime ? J'imagine que, si quelqu'un me plaît, ce n'est pas parce que je suis jolie. Qu'y gagne-t-il à ces compliments ? La belle manière de se faire aimer que de venir se planter devant une femme avec un lorgnon, de la regarder des pieds à la tête, comme une poupée dans un étalage, et de lui dire bien agréablement: Madame, je vous trouve charmante ! Joignez à cela quelques phrases bien fades, un tour de valse et un bouquet, voilà pourtant ce qu'on appelle faire sa cour. Fi donc ! Comment un homme d'esprit peut-il prendre goût à ces niaiseries-là ? Cela me met en colère, quand j'y pense.
LE COMTE.
Il n'y a pourtant pas de quoi se fâcher.
LA MARQUISE.
Ma foi, si. Il faut supposer à une femme une tête bien vide et un grand fonds de sottise, pour se figurer qu'on la charme avec de pareils ingrédients. Croyez-vous que ce soit bien divertissant de passer sa vie au milieu d'un déluge de fadaises, et d'avoir du matin au soir les oreilles pleines de balivernes ? Il me semble, en vérité, que, si j'étais homme et si je voyais une jolie femme, je me dirais: Voilà une pauvre créature qui doit être bien assommée de compliments. Je l'épargnerais, j'aurais pitié d'elle, et, si je voulais essayer de lui plaire, je lui ferais l'honneur de lui parler d'autre chose que de son malheureux visage. Mais non, toujours : Vous êtes jolie, et puis: Vous êtes jolie, et encore jolie. Eh, mon Dieu! on le sait bien."