Ça me rappelle quand j'étais ado et que j'avais décidé d'assumer mon corps...
C'était un combat du quotidien, bien plus rude vis à vis des filles que des garçons. Ils étaient juste dégueus, juste sales, juste harceleurs. Ils étaient juste des petits cons et ça me faisait bien rire de les voir essayer des approches en se mettant à portée de voix pour me traiter de salope, comme si dire à quelqu'un "t'as une sexualité libérée" était insultant.
Mais les filles, ah... Tout habillée et toute camouflée, elles me reprochaient déjà ce qu'on continue de croire idéal et qui tient en un mot : maigreur. Alors quand j'ai commencé à comprendre que mon corps m'appartenait et que personne n'avait rien à me reprocher, à porter des jupes courtes et des petits hauts légers, c'est devenu pire. Les regards en coin, les murmures, les hauts-cris choqués, les camarades qui venaient me dire "Tu sais que tu fais pute ?".
Je me souviens de cette fille que j'ai croisée dans la rue et que je ne connaissais pas. J'étais en pantalon pourtant, c'était quand même plus discret (bon il était rouge, mais merde quoi). Et j'avais cette sorte de haut moulant qui possède un trou au niveau de la poitrine et montre donc le décolleté tout en cachant le cou. J'étais pas à mon maximum pourtant. Mais elle m'a regardée de haut en bas, et elle a crié "Non mais je rêve !". J'ai cru qu'elle parlait à quelqu'un d'autre. Et puis j'étais trop habituée à ignorer les brimades, alors ça m'a glissé dessus. Mais elle a insisté : "Regarde-toi, on voit tes seins ! Va te rhabiller !". C'était une fille comme une autre qui, visiblement, n'avait pas idée de ce qu'elle disait. Comme toujours, je lui ai sorti ma réplique culte : "Je fais ce que je veux. Si ça te plait pas tu regarde pas." Je l'ai doublée et j'ai continué à marcher comme si de rien n'était. Je crois qu'elle a continué à m'insulter, mais je ne me rappelle plus très bien. Dès le moment où elle avait craché son venin, elle avait été reléguée dans ma tête à "un pitoyable mouton inconscient". Bon, aujourd'hui, je me serais sûrement arrêtée pour lui expliquer. A l'époque j'avais le concept mais pas les arguments. Et je pense que comme ces petites ignorantes du bus, elle n'aurait pas compris...
Il n'y a rien de pire que des filles sexistes. C'est tellement ancré dans leur tête qu'elles s'en rendent encore moins compte que les mecs. Un homme qui te connait un peu, si tu lui dis que tu t'es faite agresser, dans son esprit toujours un peu macho, il va trouver ça affreux, parce que c'est moche, les gros dégueulasses qui s'en prennent aux faibles femmes. Une femme, elle est socialement formatée à voir les autres femmes comme des rivales, et elle n'éprouve pas cette empathie déplacée. Alors la première chose qu'elle va penser (si elle n'est pas une MadmoiZelle éveillée, ça va de soi), c'est : "Non mais elle l'a cherché, t'as vu comment elle s'habille."
J'ai toujours eu plus de maille à partir avec les femmes que les hommes, donc je ne m'étonne pas de ce témoignage. Supporter la haine de mes semblables a longtemps été plus difficile que de supporter l'expression du désir malsain des hommes. Les femmes sexistes haïssent les autres femmes. C'est ça qui les rend si dangereuses et qui me terrifiait.
Heureusement, tout comme Maude, on apprend si bien à se battre contre tout ça qu'au lieu de nous écraser et de nous désespérer, ça nous révolte. Au point qu'on recommencera presque en ce disant "Bon, sur les 50 que ça va choquer, y'en a peut-être au moins une que ça va rassurer et qui va se dire que si toi tu oses, pourquoi pas elle ?"
(En espérant que ce type de témoignage serve à éveiller les consciences et merci pour cet article, on se sent moins seul^^)