Bon, et bien je viens prendre ma "shitstorm" : moi j'ai aimé le morceau.
Je le trouve actuel, nécessaire et bien plus réussi que la plupart des collaborations entre Variété et Rap. Alors non, ce n'est pas le morceau du siècle. Il n'est est pas moins très bien produit et vraiment audacieux.
En ce qui concerne le "personnage" Booba, est-ce que sa misogynie le rend moins talentueux ? Est-ce que l'antisémitisme de Wagner l’empêche d’être reconnu comme un des grands compositeurs du XIX éme siècle ? (oui, je prend des grosses images pour étayer mes propos).
Voici quelques extraits de l'article "Booba et Christine sont sur une merco" paru hier sur le site
www.surlmag.fr qui reflète assez bien mon sentiment sur le morceau et les réactions qu'il suscite :
"[...] Si Le Figaro, jamais en retard pour tirer au bazooka sur des ambulances, file la métaphore et parle de
"naufrage", les fans de la chanteuse, eux, peinent à retrouver leur souffle. "Quoi ? Mais comment, mais c’est pas possible ! Pas ce rappeur vulgaire vendu au capitalisme, macho et homophobe !" Pas besoin de lire toutes les réactions pour comprendre ce qui secoue les mélomanes bien pensants. Deux-trois suffisent. D'ailleurs, elles ne sont pas loin de tout ce qu’on peut lire sur Booba dans le milieu du rap où la guerre n’en finit plus entre défenseurs du "vrai rap" (appellation d’origine contrôlée dans leurs rêves les plus fous) et les progressistes qui voient plus large. Rien de très nouveau finalement, mais l’outrage est amusant.
[...]
Au début, l’on pense dommage que Booba ne se renouvelle pas pour l’occasion. Mais avec les écoutes et le recul, on réalise qu'il a fait ce qu’il fallait faire. Déjà parce que le texte reste bien écrit et plus malin qu’il n’y paraît –
"Quand Dieu a créé la vie, il fumait une clope", what else ? Certes, B2O aligne les punchlines sans grande cohérence entre elles, comme il le fait à son habitude. C’est précisément pour ça qu'il est à sa place ici. Noir seigneur, riche, puissant et indigne. Le nègre en pleine réussite qui ne s’en excuse pas et qui effraie la bourgeoisie ou classe moyenne blanche peu familière des codes du rap. Ce public qui, du coup, ne comprend plus rien et laisse poindre le désarroi.
[...]
Wait, n’y aurait-il pas là un petit peu de racisme social, finalement ? Les fans de Christine qui s'insurgent depuis 48 heures ont, pour certains d'entre-eux, de gentilles petites œillères et suffisamment peu de culture pour n’être toujours pas capable d’appréhender le rap dans l’immensité de son spectre, la variété de ses codes, les méandres de ses subtilités. Les plus chanceux-ses écoutent ce qu'on pourrait nommer "du rap pour les gens qui n’aiment pas le rap". En gros : un truc ultra accessible et balisé, un terrain connu qui leur fait oublier que c’est du rap. Ils-elles parlent de ce fameux "vrai rap" qui se réclame d’origines pseudo nobles que sont le jazz, la soul, la funk. Mais ils oublient que toutes ces fameuses musiques noires sont jalonnées depuis le tréfond de leurs histoires de crack, de coke, d’héroïne, de misère, de sexe, de gros mots, de sales types puants coursant le dollar et les culs suants et de toutes ces choses qui leurs font un peu peur parce qu’elles viennent bousculer confort et certitudes faciles. Et que Christine and the Queens, en artiste complète et penchée sur le monde, se revendique de toutes les contradictions.
[...]
Alors, qu’ils aillent au diable les amateurs de ChriChri choqué(e)s par ce choix car ignorant tout du rap. Tous ces rappeurs qu’ils/elles citent comme de meilleurs prétendants à leur Reine les rassurent dans leur vision élitiste et bien pensante de que devrait être le rap. Une musique qu’ils font semblant d’aimer quand le basané qui le leur sert n’est pas trop méchant, pas trop menaçant, pas trop grossier, surtout. Quand il est tout gentil, tout lisse, tout bien éduqué, qu’il n’étale pas trop son pognon, qu’il ne leur rappelle pas trop la banlieue où ils ont peur d’aller. Quand il la leur rend douce cette banlieue, inoffensive, quand il leur montre finalement avec sa petite poésie sympa qu’il est comme eux, hein quand même, qu’il a réussi à bien s’intégrer lui, et qu’il porte les mêmes Stan Smith et qu’il bouffe bio. Pour le reste, on sait gré à Booba et Christine d'avoir provoqué ce mini tsunami. Et on leur souhaite de continuer à savoir nager en eaux troubles."
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ici.