@AnnaKN Je comprends que tu aies envie de défendre ta profession, mais je trouve que l'esprit de corps est une des problèmes qui empêche justement de reprendre confiance dans certains métiers.
Tu parlais à un moment des généralisations qu'on pourrait faire sur d'autres professions en citant notamment les médecins. Mais justement, je ne sais pas si tu as suivi mais il y a tout un mouvement qui remet en cause certaines pratiques de médecine à la française. Pourtant, moi, j'ai confiance dans les médecins parce qu'il y a de nombreux médecins qui élèvent la voix pour dire qu'ils ne sont pas d'accord avec ces pratiques et mettent un point d'honneur à faire savoir qu'ils travaillent autrement. Je n'ai donc pas confiance dans TOUS les médecins et je reste très méfiante quand je choisis un nouveau médecin pour certains points sensibles (notamment gynécologie), mais je sais qu'il y a de nombreux médecins qui sauront s'occuper de moi correctement et ça me rassure beaucoup quand ils me disent "telle pratique n'est pas acceptable, c'est un problème que des médecins fassent ça" plutôt que "oui mais il y a des bons médecins!"
Par exemple, la première gynéco que j'ai vu de ma vie, j'étais déjà très âgée car j'avais entendu plein d'histoires d'horreur de mes copines sur les gynécos et j'avais peur. Je lui ai expliqué mes craintes et leurs raisons et au lieu de minimiser ou de m'inviter à ne pas généraliser, elle m'a dit "pff mais franchement, ya vraiment des confrères qui nous compliquent la tâche et qui font n'importe quoi, j'entends ce genre d'inquiétudes souvent, et pour les mêmes raisons que vous". Hé bien sa réaction m'a beaucoup rassurée! Je ne me suis pas dit "ah oui, même ma gynéco le dit, donc ce sont tous des pourris!" mais au contraire "elle reconnait qu'il y a un problème et semble prête à remettre en cause sa profession s'il y a un soucis" et ça m'a mise en confiance, non seulement par rapport à elle mais par rapport aux autres médecins car j'ai su que si elle pouvait réagir comme ça, d'autres en étaient capables aussi!
Pour moi, la police est une institution absolument indispensable et dans certains pays occidentaux où j'ai vécu, je lui faisais énormément confiance, elle me rassurait. Je n'ai pas du tout le profil des personnes qu'on cible au faciès, je ne vais pas en manif et j'ai globalement peu d'interactions avec la police. Pourtant, je ne suis pas rassurée par la police française, il faut bien dire les choses comme elles sont.
Les quelques fois où j'ai eu des interactions avec la police française (en contexte sans tension la plupart du temps), je me sentais globalement mal à l'aise ce qui n'a pas été le cas dans d'autres pays occidentaux. Les commentaires que les policiers que j'avais en face de moi faisaient, la manière dont ils parlaient, leurs attitudes ne me mettaient pas en confiance.
Et je veux bien croire que chaque métier est différent. Par exemple, j'ai accompagnée une amie qui s'est fait cambrioler et j'ai vu passer 3 groupes de policiers différents. Je ne me souviens plus trop quels étaient leurs rôles mais il y avait 2 jeunes policiers en uniforme qui apparemment étaient en patrouille (?), un jeune policier pas en uniforme qui venait directement du commissariat à pied et 2 policiers plus âgés de la police scientifique (la seule femme sur les 5 étaient de la police scientifique). Franchement, les jeunes policiers étaient sympas mais je ne me sentais du tout à l'aise. Ils ont fait des commentaires (pas sur nous hein, sur des affaires je crois) dont je ne me souviens plus des détails qui étaient assez limites. Je me souviens que quand ils sont partis (et ils avaient donné l'impression de vouloir plaire à ma pote), j'ai pensé que si je devais porter plainte pour viol, je n'aimerais pas tomber sur eux car j'avais le sentiment qu'ils minimiseraient. Pourtant, je répète qu'ils avaient été sympas, polis et blagueurs mais je ne me sentais pas à l'aise, il y avait un côté trop familier dans leur attitude, et le fait qu'ils se permettent tranquillement certaines discussions devant nous me donnaient l'impression qu'ils ne pensaient même pas que ça pourrait posr problème et que donc c'était une attitude assez banale pour eux (alors que les 2 en uniforme ne connaissaient pas vraiment celui sans mais l'ont croisé dans notre appartement et ont commencé à avoir ces échanges avec ce collègue quasi-inconnu, comme si c'était habituel).
Les 2 policiers de la police scientifiques étaient assez froids et pas particulièrement sympas (ils ont même répondu un peu sèchement à certaines de nos questions) mais ils n'étaient pas hostiles pour autant et ils ne m'ont pas du tout donné cette même impression, peut-être parce qu'ils inspiraient un côté plus "professionnel" dans leur attitude neutre et distante.
Et je précise que les jeunes policiers se sont énormément plaints entre eux de leurs conditions de travail devant nous et je comprenais que ce soit pas cool, je compatissais donc mon malaise face à la police n'enlève rien à l'empathie que je pouvais/peux avoir pour le policier en tant que travailleur.
Les personnes que je connais qui ont porté plainte en n'ayant pas du tout un profil racisé m'ont aussi rapporté des réactions qui ne m'inspirent pas confiance, avec une sorte de victim-blaming systématique ou des jugements péremptoires, même pour un portefeuille volé ou une agression physique dans la rue.
Et globalement, je ressens toujours un malaise quand je croise des policiers dans la rue en lien avec ce qu'ils font ou comment ils se comportent, ou la police des frontières (par exemple, le flic à la frontière qui commençait à commenter le physique de ma pote étrangère en contrôlant son passeport à l'arrivée en France).
Après, je sais que mes proches qui vivent dans le Sud-Ouest par exemple ont un rapport plus détendue à la police donc peut-être que ce n'est pas quelque chose lié à "la police française" mais en tout cas à Paris, la police me met vraiment mal à l'aise alors que je n'ai jamais eu de problème avec elle. Et je pense que ça dénote quand même un souci dans l'image qu'elle renvoie, notamment en criant #NotAllFlics! dès qu'on critique quelque chose dans la profession, et aussi dans certaines affaires qui me paraissent quand même assez significative de l'existence d'un vrai problème dans la gestion de la police en France. Par exemple, quand tu te plonges dans l'histoire du viol de la victime canadienne au quai des Orfèvres, je veux dire, ça révèle vraiment que dans certains groupes de policiers, il y a un souci lié à un sexisme imprégné et un corporatisme qui protège les collègues avant les victimes.
Si les policiers qui aiment leur profession et sont plein de confiance dans leur uniforme mettaient autant d'énergie à exiger haut et fort que leurs collègues soient tenus responsables de leurs actions qu'à dire qu'il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier, je pense que la population aurait déjà un peu plus confiance dans l'institution policière.
Bref, je trouve ça super qu'une MadZ puisse témoigner de son métier de policière et franchement, ça m'intéresserait d'en savoir plus sur ton expérience! Mais je trouve ça dommage de se concentrer autant sur le concept de "non aux généralisations" et de chercher à contrebalancer tout propos négatif par quelque chose de positif alors qu'il y a bien des critiques générales qu'on peut faire à certains métiers parce qu'il y a des problèmes qui existent. L'idée est de travailler à les régler et non de se passer de cette profession!