Très bon article ! Parfois, Sunday Bloody Sunday me fait encore pleurer...
Je ne sais pas si quelqu'un l'a déjà cité, mais en écoutant le dernier album de Fall Out Boy, j'ai tilté que Centuries n'était peut-être pas aussi 'positive' que ça.
Pour ceux qui ne connaissent pas bien Fall Out Boy, c'est un peu l'équivalent musical de la littérature jeunes adultes : ça se marie d'ailleurs très bien avec des livres comme Le Labyrinthe, Divergente, Hunger Games etc. Bref, ça parle souvent d'ados, et des ados de notre époque.
Perso, je suis sur la fin de mon adolescence (quoi, j'ai 26 ans, je suis pas encore adulte... Si ?) et la mienne a été marquée par des événements qui vont peut-être biaiser mon interprétation.
Déjà, la chanson commence par une petite voix qui fait tadada. Ca paraît con, mais j'ai direct pensé à un enfant, ou au moins quelqu'un de jeune. Puis, le refrain. (j'essaie de traduire comme je peux).
"On raconte des légendes,
Où les gens se changent en poussière ou en or,
Mais tu te souviendras de moi,
Tu te souviendras de moi pour des siècles. "
Sur Tumblr, on peut voir ces paroles collées sur des images des héro.ines des livres cités plus haut, ce qui en soi, n'est pas faux. L'interprétation c'est 'tu te souviendras de moi, personnage fictif qui a marqué ta vie, et ce peu importe si je finis roi du monde ou mort à la fin du dernier bouquin'.
Sauf que cet espèce de cri sur le son 'i' me paraissait un peu trop désespéré. Regardons le premier couplet.
"Momifiés, mes rêves d'ado,
Non, il n'y a rien qui cloche chez moi,
Les gamins ne vont pas bien, les histoires sont à côté de la plaque,
Le heavy metal m'a brisé le coeur.
Allez allez, laisse-moi entrer,
Des hématomes sur tes cuisses, mes empreintes digitales,
Ca devrait correspondre
Au mal que tu as ressenti,
Je n'ai jamais voulu que tu te sentes mieux..."
Et hop, refrain encore. Là, plus rien à voir avec nos héro.ines de YA. La première partie du couplet mêle le vrai et le faux : effectivement les ados ne vont pas bien, mais du coup c'est bien qu'il y a quelque chose qui cloche, non ? Ou alors il n'y a rien qui cloche chez eux, alors que la société le voudrait ? Les histoires sont fausses, inexactes : ça veut dire que dès qu'on essaie de parler des ados et de leur malêtre, on tape à côté de la vérité ? Possible. Et on finit par trouver un coupable : le heavy metal.
La deuxième partie semble relater un viol ou au moins une violence (les hématomes, le mal) où le narrateur se place dans la peau de l'agresseur. Peut-être qu'il y était tout à l'heure déjà, mais le 'je' du début est une victime 'le heavy metal m'a brisé le coeur', alors que là 'je n'ai jamais voulu que tu te sentes mieux' : on a quelqu'un qui fait du mal et qui le sait et qui s'en fout. Et on enchaîne sur un refrain où il dit 'souviens-toi de moi'. J'espère que vous voyez où je veux en venir... D'ailleurs j'avais zappé la 2nde partie du refrain :
"Et il suffit d'une seule erreur,
On marquera l'histoire,
Souviens-toi de moi, pour des siècles."
De quelle erreur parle-t-il ? Et je remarque qu'il utilise 'will' et pas 'would' : dans son esprit c'est certain, on va se souvenir de lui. Plus qu'une répétition, à la fin du refrain, c'est un ordre. Alors, victime, ou bourreau ?
Et voilà le 2ème couplet :
"Je ne m'arrêterai pas avant que tout le monde connaisse mon nom,
Car je ne suis né que dans mes rêves.
Jusqu'au moment où tu meurs pour moi,
Tant qu'il y a de la lumière, mon ombre est sur toi,
Car je suis l'opposé de l'amnésie.
Et tu es un bourgeon de cerisier,
Tout prêt à éclore,
Tu es si beau/belle, mais parti.e si tôt..."
Le début de ce deuxième couplet est plutôt clair, mais la question c'est "qu'est-ce qu'il n'arrêtera pas ?" Là, le narrateur est plutôt actif, ce qui le fait directement tomber du côté 'bourreau' mais il enchaîne directement avec quelque chose qui le fait revenir vers la 'victime' : je ne suis né que dans mes rêves. Donc dans la réalité, tu n'existes pas ? Pour l'avoir vécu, c'est une des pires choses à vivre, surtout en étant ado : avoir l'impression de ne pas exister, de n'avoir de réalité que dans ses rêves... Et là, le rêve prend fin avec la mort de quelqu'un. Pas super positif, non. Et à la fin du couplet, on en remet une couche : l'espoir et le renouveau (le bourgeon, les cerisiers, le printemps tout ça) qui prend fin parce que cette personne est déjà morte. On note d'ailleurs que quand le narrateur dit que cette personne est belle, il reste au présent : encore une façon de nier la réalité.
"Nous avons toujours été là, et en voici la preuve glacée.
Je peux crier à jamais. Nous sommes la jeunesse empoisonnée."
La première phrase peut renvoyer au manque d'existence ressenti par le narrateur : 'on a toujours été là', on a toujours existé, et en voici la preuve. Comme ce n'est qu'une chanson, on doit imaginer cette 'preuve'. Vu qu'il enchaîne avec le fait qu'il puisse crier ad vitam eternam et que la jeunesse a été empoisonnée, je doute que cette preuve soit très positive.
Conclusion : on aurait pu penser à une chanson où le narrateur pense au suicide. Toutes les paroles sont traversées de désespoir, d'un sentiment qu'il n'y a pas d'avenir (le printemps est mort, symboliquement) et le narrateur est une victime. Mais, c'est aussi un bourreau, un agresseur. Il fait du mal et il le sait, et d'une certaine manière, il avance le fait qu'il soit une victime pour 'expliquer'. J'extrapole beaucoup, mais cette chanson m'a vraiment fait penser à Eric Harris et Dylan Klebold, les deux tueurs du lycée de Columbine. Et ils ne sont pas seuls, car il y a eu beaucoup de tueries en milieu scolaire pendant les années 2000, soit mes années collège/lycée. Je le précise parce que ça peut aussi guider mon interprétation, d'autant plus que je me suis identifiée à ces tueurs. Même maintenant je pense que 'les histoires sont à côté de la plaque' : on a tout de suite accusé les jeux vidéo, le 'heavy metal qui brise les coeurs', mais tous ceux qui aiment les jv et le heavy metal ne sont pas des tueurs. Ca voudrait aussi dire que les tueries de masse n'existaient pas avant l'apparition de ces deux niches culturelles... Bref, cette chanson m'a marqué un peu plus qu'elle ne l'aurait peut-être dû.
Désolée pour le pavé, au passage.