C'est marrant cette histoire de "c'est plus comme avant"/"c'est moins bien"/"c'est devenu le journal intime de X".
Je suis inscrite sur madmoiZelle depuis le début (bientôt 9 ans donc, hein, ça fait un bout) et j'y ai bossé 5 ans, j'ai fait partie de celles qui ont pris le magazine pour leur "journal intime" et je me suis ramassé quelques pelles de merde dans la gueule (à plus ou moins juste titre, c'est pas tellement à moi d'en juger au final) - du coup, niveau recul et expérience, je pense ne pas être trop trop mal placée.
Ce que je constate, après tout ça, c'est que rien ne change vraiment, si ce n'est notre perception de l'ensemble. J'ai aimé et détesté madmoiZelle à certaines périodes de ma vie, j'ai craché dessus, j'ai pourri la gueule de Fab un nombre incalculable de fois, j'ai médis sur certaines rédactrices quand je ne faisais pas encore partie de la team, et déjà au bout de 2-3 ans d'existence on voyait des "c'était mieux avant"/"vous partez en couille, c'est devenu de la merde" - c'est dire.
Aujourd'hui, je me rends compte (et c'est en partie ce qui a motivé mon départ), que je ne fais plus vraiment partie de la cible madmoiZelle - et oui, certains articles me paraissent vachement "jeunes" maintenant. Moi aussi j'en vois certains passer en me disant "eh ben, c'est plus ce que c'était" avant de me souvenir que mes premiers articles étaient exactement dans la même veine et que ceux des rédactrices d'avant mon ère l'étaient aussi.
Sans compter qu'il y a quelque chose de vraiment plus intense dans le fonctionnement de madmoiZelle (avec le forum, les commentaires, les interactions avec la team/le big boss) qui rend l'expérience quasi-viscérale et passionnelle par moments. Difficile de prendre les choses à froid dans ce contexte, mais c'est aussi ce qui fait la force du magazine.
Donc non, madmoiZelle n'a pas retourné sa veste, n'a pas trahi ses lectrices ni sa ligne édito et encore moins ses revendications du premier jour - et je dis ça en toute objectivité, du fin fond de ma retraite. Et j'ai détesté Fab et ses discours à base du "si t'aimes pas tu lis pas et puis c'est tout" et autres "madmoiZelle ne grandira jamais avec vous, c'est comme ça, vous êtes trop vieilles, barrez-vous", mais j'ai fini par comprendre qu'il n'avait vraiment pas tort, même si la formulation peut faire mal au cul sur le coup, à froid je me rends compte que ce n'est vraiment pas balancé par hasard.
D'autant que madmoiZelle a aussi cette vocation de tremplin, tant pour ses rédactrices que ses lectrices. C'est une école. Les rédactrices y font leurs griffes, testent des trucs, font mûrir leur plume et leurs idées, s'entrainent. Les lectrices, elles, s'ouvrent à certaines choses, certains styles, certaines idées, certains concepts, etc. et une fois l'initiation faite sur madmoiZelle, vont voir ailleurs pour approfondir, continuer leur apprentissage, et lorsqu'elles reviennent sur madmoiZelle et retrouvent ce côté "niveau 1" de l'information se sentent un peu perdues et restent sur leur faim. Il ne me viendrait plus à l'idée de venir m'informer sur le féminisme ici, par exemple, vu que depuis que j'ai commencé à m'y intéresser, j'ai creusé beaucoup plus profond, poussée par ce que j'ai pu lire sur madmoiZelle et sur les forums.
Quant au côté journal intime, encore une fois, ça a toujours fait partie de l'histoire de madmoiZelle et, si j'ai eu une grosse période de doute à l'époque où j'y contribuais, je constate aujourd'hui qu'il y a vraiment un public, une demande, et une réelle appréciation ici pour ce genre de contenu. Pas de la part de tout le monde (et ça tombe bien, madmoiZelle n'a jamais eu l'intention de faire l'unanimité sur quoi que ce soit), mais je l'ai constaté depuis mon départ via les centaines de messages que je continue à recevoir et qui me remercient pour des articles qu'on avait accusés d'être inintéressants, narcissiques et égoïstes, visant uniquement à me "starifier" et me mettre en valeur.
Ce qui ne veut évidemment pas dire que tout le monde doit fermer sa gueule et se prosterner devant toutes les rédactrices de madmoiZelle pour leur courage incroyable et leur sens du partage sans égal, mais qu'il y a une limite entre reconnaitre qu'on est pas dans la cible, que c'est pas du tout notre came et qu'on a peut-être fait le tour du magazine et remettre en question l'existence du bordel et de ses contributrices en parlant du bon vieux temps.
Voilà, c'était mon point de vue de retraitée nombriliste ascendant vieille peau.