Merci pour ce témoignage émouvant, dans lequel je me suis un peu retrouvé.
Il y a quelques années, j'ai fait ce que mon médecin a appelé une dépression nerveuse mais il me semble parfois que c'était le début d'un burn-out.
A l'époque, je venais d'être prise sur liste complémentaire du concours de prof des écoles. Ma mission : être prof pour des CE2 pendant une année complète, sans avoir suivi d'autre formation que la préparation au concours). Si je parvenais à faire cette année complète, à la fin, je serai non pas titularisée mais admise au concours et donc admise à suivre l'année de formation au métier de professeur des écoles.
C'était le métier que je voulais faire depuis le lycée.
J'ai été appelée le vendredi midi pour prendre la classe le lundi matin, dans une ville à une heure de chez mes parents. Alors comme je n'avais pas le permis, j'ai dû démarcher le week-end pour trouver un logement.
Ensuite, le lundi matin, j'ai dû trouver des activités à faire. On était en octobre et les élèves avaient déjà eu une remplaçante pour le début de l'année.
C'était une classe dans une petite ville où les parents suivent avec beaucoup d'attention la scolarité de leurs enfants et sont très investis.
Je suis perfectionniste et travailleuse.
Je me suis donc retrouvée avec :
- ma pression personnelle ("il faut que mon travail soit parfait, que je sois à la hauteur, que je respecte le programme du ministère, le programme que je me suis fixée, que les élèves soient heureux, etc.")
- la pression des parents (après une remplaçante, les élèves avaient pris du retard sur le programme, une nouvelle, toute jeune, c'est effrayant bien sûr)
- la pression du ministère (j'étais bien sûr inspectée comme tous les profs et étant super sensible aux remarques, chaque point noir était signe d'échec pour moi)
La directrice, soucieuse de ne pas fâcher les parents, ne voulaient pas que je leur dise que j'étais recrutée sur LC alors lors de la réunion parents-prof (que j'ai préparé pendant une semaine dans l'angoisse la plus totale), j'ai dû
mentir et dire que je sortais de l'IUFM, certes mais que j'étais titulaire.
Pourtant, malgré toute cette pression, mes collègues me passaient leurs cours pour m'aider (mais il fallait savoir les présenter et gérer mon temps et je ne pouvais pas tout copier non plus), les enfants étaient adorables. Certaines petites, qui avaient senti mes difficultés, s'étaient même autoproclamées assistantes de la maîtresse.
C'était vraiment trop chou...
Mais voilà... Je voulais que tout soit parfait. N'avoir aucun reproche. Que tout soit parfait, sans fausse note. Parce que pour moi, professeur, c'était former la base de la société, c'était le seul métier que je voulais faire et que... eh bien, rien. Je n'envisageais même pas l'idée de faire autre chose. Je n'envisageais même pas l'idée d'échouer, d'abandonner.
Tous les soirs, j'allais sur le net, après les cours, pour essayer de trouver des exercices tout près à donner à mes élèves, des conseils... Puis je rentrais chez moi, je préparais la journée du lendemain jusque 23h. Je m'accordais une heure de loisirs et puis j'allais me coucher. Et le lendemain ça recommençait.
Les jours passaient et je stressais de plus en plus. Ca m'a semblé durer une éternité, des mois et des mois. Mais je suis toujours étonnée de constater qu'au fond, ça n'a duré que 3 semaines.
La réunion parents-profs.
Le passage de l'inspecteur.
Les plaintes des parents parce que je prenais du retard.
Les appels chez mes parents, tous les soirs, parce que je ne les voyais que le week-end. Je pleurais au téléphone une fois sur deux.
L'envie qui montait progressivement de tout plaquer, mais sans oser le dire...l'idée que peut-être, si je me faisais du mal physiquement, quelqu'un le verrait et prendrait à ma place la décision de tout arrêter.
J'étais très tentée d'arrêter mais... quelque chose me retenait. Je ne sais pas trop ce que c'était.
Et puis, il y a eu les vacances de Toussaint.
Je ne faisais que penser à la rentrée et j'en tremblais et j'en pleurais.
Une de mes meilleures amies est venue passer la semaine avec moi chez mes parents et je me suis confiée à elle.
Elle m'a encouragée à arrêter et le simple fait d'avoir quelqu'un qui me soutenait m'a rassuré.
Je suis allée voir le médecin qui m'a donné un arrêt maladie pour dépression nerveuse.
Et puis j'ai présenté ma démission. Je me suis senti le coeur léger dès que j'ai pris ma démission.
Ca y est. C'était enfin fini. J'étais... libre.
J'ai pris le temps quand même pendant mes vacances de corriger les évaluations des élèves. Par souci de bien finir les choses et je suis allée rendre toutes mes affaires à l'école.
Ca m'a un peu brisé le coeur d'entendre les élèves me demander pourquoi je n'étais pas revenue et si j'avais été malade. Et ça m'a gênée aussi de rendre mes clés à l'agence immobilière à la dame qui s'était mobilisée pour m'aider à trouver un logement à louer.
Aujourd'hui, j'ai un nouveau boulot. Un boulot alimentaire, stressant. Pas celui de mes rêves, certes ! Mais dans lequel je me donne à fond (un peu trop sans doute)
Parler de l'expérience que j'ai en tant que prof stagiaire me fait toujours un peu quelque chose mais ça va faire 5 ans environ maintenant et ça va beaucoup mieux qu'avant. Quand j'en parle à voix haute, c'est toujours précipitamment, mais je ne tremble plus, je ne suis plus au bord des larmes ou à peine.
'fin voilà, quoi... ^^
Si j'ai un truc à dire aux filles qui souffrent dans leur travail, c'est qu'il ne faut surtout pas laisser les choses couler toutes seules. A force de dédramatiser, ça peut parfois prendre plus d'ampleur que ce que l'on croit.
C'est important de faire le point de temps à autre. Et quand ça commence à chauffer, essayer de trouver un plan B. J'aimerais m'étendre là-dessus davantage mais je veux pas faire un plus gros pavé que celui-là ! ^^°