Culture du viol, consentement et « zone grise »

[KrissdeValnor]

@Lilydou Il m'est arrivé un peu la même chose que dans ta deuxième histoire, la première partie du moins. Lui aussi a changé d'orifice sans me demander mon avis. J'ai eu tellement mal et cela m'a tellement surpris, instantanément je suis sentie sale. Je ne savais pas quoi faire, c'était mon premier copain sérieux, il avait toujours été si gentil et à mon écoute avant cela. Il s'est endormie et moi non, je tournais ça en boule dans ma tête, je savais pas quoi faire. Au matin, il a vu qu'un truc n'allais pas et je lui ais parlé de mon ressenti, qu'il aurait dut me demander si j'en avais envie.
Il s'est excusé, a compris que j'avais vraiment été blessée et il a toujours fait attention a mes envies par la suite.

En fait, le truc c'est qu' au lit on devrait toujours demander l'avis de l'autre avant de faire quoi que se soit, ça éviterais justement ces zones grises. Enfin c'est mon avis.

 

[Suricate suricatta]

Je trouve cet article hyper intéressant parce que cette question de "zone grise" pose vraiment des interrogations sur "quand peut-on dire qu'on a été victime d'un viol ou pas?" et sur la notion de culpabilité qu'une fille peut ressentir si elle ne veut pas faire l'amour. Personnellement, je n'ai jamais été violée mais je me suis déjà retrouvée dans la situation suivante au tout début de ma vie sexuelle: le mec a envie, moi pas plus que ça mais bon, insidieusement, comme j'ai assimilé le vieux poncif "une fille doit faire plaisir à son homme", je cède. Dans l'inconscient - ou le conscient, pour certains - la femme doit satisfaire les envies de son mec, être un bon coup, ne pas faire "sa frigide"... ce qui, pernicieusement, nous pourrit l'esprit et nous fait nous sentir coupable quand on n'a pas envie alors que merde, c'est notre corps!
C'est le message que j'aimerais que les filles qui sont au début de leur vie sexuelle assimile vraiment, si votre copain veut et que vous ne voulez pas, soit il respecte votre refus, soit il part!
Ensuite, comme dit dans l'article, ne jamais hésiter à communiquer, à dire "ça j'aime", "ça je ne veux pas" etc... Le sexe se vit à deux et il faut que les deux partenaires soient sur la même longueur d'onde.
Voilà, je n'apporte pas grand chose au débat mais j'avais envie de donner mon avis

 

[Clemence Bodoc]

j'ai du mal à comprendre pourquoi il est si difficile d'admettre qu'il puisse exister une zone grise. Un rapport sexuel est avant tout un rapport social, et comme dans tous rapports sociaux, il peut y avoir des mal-entendus.

Mais on ne conteste pas du tout qu'il puisse y avoir une zone grise, bien sûr qu'elle existe ! Bien sûr qu'on ne signe pas un formulaire de consentement type intervention chirurgicale avant chaque rapport sexuel (... ce serait... intéressant )

Le problème, c'est que la « zone grise » tend quand même TRÈS souvent à aller dans le même sens, je veux dire qu'on retrouve TRÈS souvent la même situation (pas exclusivement, n'est-ce pas).
La fille qui ne dit rien, mais n'est pas d'accord
Le mec qui ne demande rien, mais par du principe qu'elle est d'accord.

Ce n'est pas anodin ! le fait que cette configuration soit perçue comme "par défaut", ce n'est pas un hasard, c'est le produit de la culture du viol (c'est à dire le produit de l'environnement social et médiatique dans lequel on baigne tou•te•s depuis tout petit, qui nous renvoie les mêmes messages.)

Exemple concret : la relation entre Bella et Edward dans Twilight. Trop romantique, n'est-ce pas ?! Elle a fait rêver des millions d'adolescent•e•s ! En réalité, c'est une relation abusive.

Les exemples ne manquent pas. Et ces schémas sont intériorisés, les filles trouvent "normal" de ne pas avoir le contrôle de la situation, les garçons "normal" de l'exercer quasi-exclusivement.

Est-ce que tu vois ce que je veux dire ?

 

[Sill]

Merci pour cet article, je l'ai trouvé vraiment très bien expliqué. Effectivement la "culture du viol" a peu de sens si elle signifiait l'acceptation de celui-ci. Bien que, je vous l'assure, il y a encore des gens qui pensent qu'une fille qui dit non mais qui porte une jupe "le méritait bien". Mais passons, la culture du viol en tant que norme qui veut que la femme soit forcément d'accord et que l'homme n'ait pas à demander le consentement (puisque c'est la configuration la plus courante), ça a beaucoup plus de sens.
Par ailleurs je suis assez d'accord avec ce que d'autres ont dit : comment peut-on se permettre de qualifier un viol de faux? Une personne ivre ou droguée n'est pas en état de refuser, ni même en état de réaliser ce qui se passe, parfois incapable de s'en souvenir. (Dans Veronica Mars, par exemple, elle doit mener l'enquête pour déterminer si oui ou non elle a été violée.) Même si la personne ne s'en rend pas compte sur le moment, du moment qu'elle n'était pas d'accord et qu'elle n'a pas dit "Oui", ça reste un viol.

 

[Morrigan]

Mais si la personne n'a pas estimée sur le coup qu'il s'agissait d'un viol, qui sont ces autres pour penser à sa place ?

Je vais te répondre. J'ai été violée. Et j'ai mis un an à mettre des mots là dessus. Il m'a baisée alors que je lui avais dis "Non", "Non, je me sens pas prête" puis "Non, vraiment, j'ai pas envie". (Avant d'abandonner, puisque personne ne m'avait appris à dire non, et que ce non devait être respecté. Personne ne m'avait appris que le sexe n'était pas un dû. Personne ne m'avait apprit que si la femme ne voulait pas, l'homme ne devait pas faire. L'école apprend à se protéger des maladies, pas à se protéger du viol. Et moi, en bonne petite étudiante que j'étais, la seule chose que j'ai su lui dire en abandonnant fut "Protège toi, au moins.". )
Alors oui, j'ai été violé, oui je lui ai demandé de mettre une capote (ce qu'il a fait, Dieu merci), oui, j'ai mis un an à réaliser que c'était un viol, mais oui, c'était quand même un viol.


Est-ce que ça répond un peu à ta question?

(Ne pas citer, merci)

 

[A Kane]

En effet, si je comprends qu'on puisse ne pas être consentante sans réussir à exprimer ou faire comprendre son refus, j'ai du mal à comprendre comment, si on ne s'est pas sentie violée sur le coup (parce que quand quelqu'un me fait quelque chose dont je n'ai pas envie, je le sais) et réaliser après, quand d'autres personnes nous le signalent, qu'il peut s'agir d'un viol. Mais si la personne n'a pas estimée sur le coup qu'il s'agissait d'un viol, qui sont ces autres pour penser à sa place ?

Je pense que je peux répondre à ce point spécifique de ton message, basée sur mon expérience et celle d'autres filles avec qui j'ai discuté de cette question précisément

Il est possible de ne pas montrer qu'on est pas consentante (que ce soit parce qu'on est pas en état, parce qu'on ose pas pour une raison x ou y, parce qu'on sait que ça ne sert à rien etc.), qu'un rapport sexuel aie lieu, qu'on se sente violée.. mais qu'on ne sache pas décrire la sensation de cette manière, tout simplement. On sait qu'on se sent mal, que quelque chose ne va pas, ce malaise peut prendre des proportions incroyables et avoir des conséquences importantes sur sa vie.. sans qu'on parvienne à comprendre la source du malaise.

Et je pense que la raison pour laquelle on ne fait pas le lien entre le fait qu'on a eu une relation sexuelle, qu'on ne voulait pas, qu'on se sent mal et le viol, c'est que la culture du viol a créé un contexte dans lequel cette équation ne semble pas logique. Quand tout autour de soi transmet le message implicite que pour que ce soit un viol il faut avoir dit non et s'être débattu, le mot "viol" ne vient tout simplement pas en tête quand on repense à l'expérience qu'on a eue.
Quand on est jeune (et même quand on est pas jeune), surtout quand on a pas été éduqué à la problématique, tous les mythes autour du viol on les connaît implicitement et ils empêchent de considérer immédiatement son expérience, aussi perturbante soit elle, comme un viol.

Si tu ajoutes à ça le fait que ça paraît parfois plus simple d'essayer de nier ce qui est arrivé, de minimiser l'évènement et d'essayer d'éviter d'y penser pour ne pas avoir à faire face aux conséquences potentiellement abyssales (c'est pas facile de se dire qu'on a été violé, qu'on est une victime, que quelqu'un a littéralement ignoré notre volonté, notre personne pour faire ce qu'il voulait à notre corps), je pense que c'est compréhensible que la réalisation que ça rentre dans la catégorie "viol" puisse être tardive, voire nécessite la confirmation d'un tiers..

 

[Loulalilou]

Merci pour cet article... je pense que c'est très important de parler de cette fameuse zone grise, parce qu'on n'a pas conscience de ce qu'il peut s'y passer avant d'y être.

Spoiler: ne pas citer, merci

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Je raconte tout ça pour que, si vous vous retrouvez dans une situation où vous ressentez un malaise, vous n'hésitiez pas une seconde à réagir fermement et à vous protéger...

 

[Crimson_Pando]

J'ai personnellement subit une tentative de viol et un viol. Pour la tentative de viol, aucune ambiguïté, c'était mon premier copain qui a voulu me forcer alors que je n'étais pas d'accord du tout.
Pour le viol, c'est un peu compliqué, pendant longtemps, je ne l'ai même pas considéré comme un viol (et même maintenant j'ai encore du mal). C'était à une soirée plutôt bien arrosée, j'en avais envie au début mais j'ai changé d'avis après quelques minutes, j'ai dit non 3 ou 4 fois, mais lui n'arrêtait pas d'insister. J'étais fatiguée de dire non, donc j'ai cédé en me disant que ça se finirait plus vite comme ça. Il se trouve aussi que c'était ma première fois, donc je me suis dit qu'au moins j'allais être "débarrassée". Après le mec en question m'a demandé 2-3 jours plus tard si ça allait parce qu'il a réalisé que j'avais pas vraiment dit oui. Je ne me sentais pas mal ni rien, et on a eu d'autres relations sexuelles par la suite. J'en garde pas de mauvais souvenir ni rien, mais du coup, si une amie me racontait qu'il lui était arrivé la même chose, je lui dirai qu'elle a été abusée, mais je n'arrive pas à être objective avec moi-même je crois. J'ai l'impression qu'en qualifiant l’expérience de viol, j'insulte le mec en question (c'est un de mes amis maintenant), vu que ça n'a pas été une expérience négative/traumatisante. C'était pas une expérience positive non plus bien sûr, mais je vois ça plus comme une expérience neutre en fait. En tout cas, c'est vraiment à des lieues de ce que j'ai pu ressentir lors de la tentative de viol, où là j'étais vraiment terrorisée.
Enfin, tout ça pour dire j'ai des sentiments partagés, non pas sur la définition du viol, là-dessus je suis tout-à-fait d'accord, mais sur le ressenti qu'on peut avoir dessus.

 

[Lilydou]

Si on admet qu'il y a plusieurs catégories de violeurs, notamment ceux qui perpétuent inconsciemment cette culture du viol, alors je me demande si on doit tous les traiter de la même manière.

 

[Morrigan]

Je reviens sur ce que j'ai dis quelques messages au dessus, et je suis peut-être même en HS total (si c'est le cas, n'hésitez pas à me le signaler! )

Mais je trouve ça aberrant que dans les collèges, lors des cours d'éducation sexuelle, on ne parle pas de cette culture du viol. C'est bien beau de dire que le corps de la madame c'est foutu comme ça, le fonctionnement des règles, le corps du monsieur, les capotes/pilules, etc. Mais bordel, on nous explique rien de rien. On nous parle grossièrement du sexe, mais vraiment grossièrement. On nous explique en rien les relations sexuelles (sans pour autant rentrer dans le détail). Mais si on parle des maladies, pourquoi de pas parler de la culture du viol? Si on estime un gosse apte de comprendre des maladies mortelles à cause du sexe, on ne l'estime pas apte à comprendre le viol? C'est trop cruel?
Non, non et non.
On sait trop peu de choses là dessus. Je suis pour se forger de nos mauvaises expériences, mais j'ai mes limites. Je ne vois pas pourquoi j'ai eu à forger mon mental et ma vie sexuelle à partir d'un viol?
Je sais pas. Je comprends pas ce refus de la société d'en parler à des enfants mineurs.

 

[Meynna]

Complètement d'accord avec @Morrigan ça devrait être enseigné. Vraiment.
@Lilydou BU de soutien. Les filles ont tout dit, je suis d'accord avec elles, pour moi c'est un viol.

(hiiiiii une vidéo que je relaye à madmoizelle via twitter fait l'objet d'un article !!!!! )

 

[Morrigan]

@Euki Surtout dès le collège, avant je pense pas qu'on soit en âge de comprendre. Pourquoi pas en parler rapidement, mais pas autant en profondeur, pas utiliser le terme de "viol".
Mais on est d'accord, oui

(J'en suis venue à regretter, non pas que ma première fois fut un viol, mais que personne ne m'a appris à dire "non" et à comprendre ce qu'il se passait. J'aurais pu éviter ce moment là, peut-être, j'ose l'espérer en tout cas.)