5 ans après la bataille, pardon les Madz.
C'est un peu tard.
Je suppose que des points de vue ont changé entre temps sur ce doux sujet, je sais pas.
Au cours de ma vie intime de femme hétéro (chanceuse que je suiiiiis) j'ai rencontré de tout : des hommes qui adorent lécher, des hommes qui le font par politesse, des hommes qui le font après négociation en amont (mais pour qui se faire sucer est une évidence), et deux qui ont refusé d'en pratiquer.
Face à des hommes rebutés par la pratique, je suis passée par plein d'étapes, au fur et à mesure de ma prise de conscience féministe, de mon expérience et de mon affirmation (1. Être une bonne meuf qui sait garder son mec et ne se fait pas tromper, c'est savoir sucer, même si un mec qui lèche pas alors qu'il est en demande c'est pas très normal et c'est immature, mais je m'en fous l'essentiel c'est d'être une bonne meuf ; 2. T'es un coup d'un soir, tu lèches pas je suce pas, point. Mais si t'es mon mec je veux te garder et je te désire donc je le fais, bien que toi tu ne répondes pas beaucoup aux attentes que j'exprime (tristesse et insécurité); 3. Mais attends je lis des trucs sur Madz, dans Causette et sur des sites féministes, des trucs qui expriment clairement la violence sous-jacente que j'ai vécu et que je n'ai pas pu exprimer auparavant. Je me serais pas fait mettre bien profond, pour le coup ? 4. Même si t'es l'homme de ma vie, si tu fais pas je fais pas, c'est donnant-donnant mon amour).
Parce qu'il y a d'autres choses qui viennent s'ajouter au contexte, quand même.
Et que le donnant-donnant, c'est pas de trop quand on voit à quel point les femmes ont accepté et acceptent encore des choses injustes.
En soi, donner du sexe oral à une personne dans le cadre de l'amour, du désir, du respect, c'est beau et épanouissant pour tout le monde. En soi, aucune pratique n'est dégradante. En soi, on peut bien refuser ce qu'on aime pas sans pour autant être taxé de mec cissexiste.
Si on vivait dans un monde de bisounours égalitaires, j'entends.
Mais voilà, quoi. Weinstein, PPDA, Hulot, Georges Tron, Pascal OP. Fellations forcées. Porno avec fellations violentes incontournables. Plaisir féminin auculté partout. Parole masculine majoritaire mais presque jamais entendue sur les questions intimes ( charge mentale, plaisir féminin, règles, fausses couches, IVG, contraception).
Sexe pénétratif encore incontournable dans l'imaginaire collectif et dans les chambres à coucher (ça éviterait pourtant bon nombre de rapports douloureux, et éventuellement des grossesses non désirées).
Femmes entendues essentiellement lorsqu'elles parlent de la sphère familiale (pour gueuler dans les stades au moment où pas un seul homme n'est présent à des km à la ronde, pour témoigner sur France 2 mais France 2 ne parle pas des vraies raisons du burn out maternel...).
Aujourd'hui je me pose encore la question de savoir si mon sexe est dégoûtant ou non (alors qu'objectivement il ne l'est pas du tout). Aujourd'hui, mes vieilles insécurités me reviennent en pleine gueule. C'est lié à la sphère intime, bien sûr. Mais aussi à la sphère politique et à toute cette m**de qui émerge de partout (incestes, etc. etc ). Au fait qu'un bon pourcentage de Français sont prêts à voter Zemmour.
Et puis, elle avait raison, la Madz en colère qui mettait pas les formes : féminicides, viols, salaires inégaux, invisibilisation de tout ce qui n'est pas homme blanc cis.
Alors, désolée les gars, mais la pepi ce sera sans moi désormais, que vous léchiez ou non. J'aurais adoré faire l'amour dans le partage et la valorisation du corps de l'autre, dans un monde ou fellation ne serait pas connoté soumission et cunnilingus ne serait pas connoté saleté.
Mais non.
Vous avez bien niqué la sexualité. Les anti-sexe, c'est vous. Grâce à vous, je me dégoûte et vous me degoutez, alors même que mon corps, mon visage et mon sexe sont beaux. Alors même que les vôtres aussi, en soi, pourraient être considérés comme beaux .
Vous avez fait d'une pratique amoureuse un instrument de honte, de soumission et d'humiliation. Et de son homologue une faveur, un simple préliminaire alors qu'elle aurait pu être du sexe à part entière.
Même si, ok, y'en a parmi vous qui. Y'en a parmi vous qui comprennent que. Y'en a qui ont déconstruit leurs.
C'est pas suffisant.
Je fais désormais partie de celles qui pensent que maintenant, va falloir compenser toutes ces années perdues, ou vous en aller et rester entre vous.