Je t'aime, Jack Parker.
(Voilà, ça, c'est fait).
Je suis émétophobe depuis environ douze ans. Ce truc a dû se faire progressivement, mais je ne souviens pas vraiment de ses débuts, juste une légère appréhension en voyant quelqu'un vomir, en primaire, et puis... Mon souvenir d'après date du moment où dès qu'un livre mentionnait le mot "vomi", aaaah, quelle horreur, je le refermais la peur au ventre. Je me souviens du moment où c'en était rendu à un tel point que je ne pouvais plus dormir dans la même pièce que quelqu'un, je m'emmurais dans mes boules Quiès et si JAMAIS malgré tout j'entendais quelqu'un se lever, tousser, ce que vous voulez, l'angoisse montait comme un raz-de-marée. Vive la vie.
Bon, depuis, ça s'est un peu calmé. Je n'ai jamais eu de problème avec l'alimentaire, je peux lire n'importe quel bouquin, dormir avec les autres... Oui, mais. J'ai dix-huit ans, je suis étudiante, et on sait ce qu'il advient des étudiants qui ne vont pas aux soirées. Qu'importe la raison, soit, si tu ne dis rien, tu passes pour une grosse coincée et tu es fichée pour deux ans, si ce n'est plus, soit tu avoues et tu as le droit aux regards moqueurs, aux éclats de rire et aux "Mais QUI a peur de ça ? Tu es bizarre." Et là, "bizarre" n'est pas un compliment.
J'exagère peut-être un peu. Il y a des gens compréhensifs, des gens qui ne jugent pas, qui se foutent que tu aies une phobie parce que ce n'est pas ce que tu es, juste un boulet que tu traînes, ou, mieux, qui t'aident. Mais ça me pourrit quand même la vie au quotidien, à me poser toujours les mêmes questions stupides à chaque fois qu'on fait un voyage un peu long avec des gens que je ne connais pas, les rares fois où je vais en soirée (je n'y vais que chez des personnes en qui j'ai totalement confiance, et même la je flippe), les fois où quelqu'un est malade, quand je vais au cinéma, etc etc.
Je me suis dit "ça suffit. Faut que ça s'arrête." le jour où j'ai raté la soirée d'intégration dont tout le monde parlait le lendemain matin. Marre de louper tous les bons moments qui rapprochent, qui intègrent, parce que je suis morte de trouille. Marre des moqueries, des deux ou trois imbéciles qui font semblant de vomir dans mon dos, des personnes qui me qualifient de bizarre. Marre de ma putain de phobie. J'ai commencé une thérapie. Et je veux qu'elle marche. Du fond du coeur, je veux qu'elle marche. Sinon... Je ne sais pas comment je vais m'en sortir.