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Sinon, outre mon précédent message, je venais extérioriser mon étrange sentiment après la dure après-midi que j'ai passé aujourd'hui.
J'étais en remplacement dans un établissement que je ne connaissais pas du tout aujourd'hui, établissement dans lequel je vais travailler tout cet été (l'emploi que j'ai décroché hier et qui me rendait toute fière et heureuse en fait).
Eeeeeet... ben je suis grave déçue, en colère, écoeurée, triste. C'était pas du tout ce à quoi je m'attendais, je pensais qu'on traitait bien les gens et qu'on s'intéressait à eux, à ce qu'ils avaient vécu, et rien de tout ça! On m'a balancée là-dedans en me disant juste "ah non, le week-end on ne fait pas de petit résumé de la situation de chacun". Ceci signifie que la petite remplacante que j'étais à passer la journée à s'occuper de personnes qu'elle ne connaissait pas, dont elle ne connaissait pas l'âge ni même leur état de santé ni même s'ils étaient invalides. Donc après 4h de service, je comprenais que certains étaient des centenaires invalides, que d'autres avaient de bactéries contagieuses, que certains ne pouvaient pas se nourrir seuls. J'ai découvert aussi le manque de personnel même s'il n'est pas qualifié de tel, mais à mes yeux, quand il s'agit de donner les médicaments + le dîner à 3 ou 4 personnes de 90 ans ou invalides dans leur lit et à la petite cuillère en moins d'une heure, c'est un manque de personnel.
Je suis incapable de dire à ces personnes-là de manger plus vite quand elles ont déjà des difficultés à dégluttir, je suis incapable de ne pas leur donner la fin de leur précieux dessert parce que sinon je n'aurai pas le temps de finir mon service après avoir nourri la voisine à la petite cuillère elle-aussi. Enfin je ne sais pas m'occuper des gens en 5 min top chrono, pas quand j'ai l'impression que tout leur être appelle à rester des personnes humaines, qu'ils ont besoin qu'on prenne le temps de leur parler, de leur dire que la gourmandise est un vilain défaut mais tellement agréable aussi et que moi j'ai bien envie de leur voler leur dessert et de leur garder pour moi seule, que du coup ça les fait rire, qu'ils sont des petits coquins, qu'ils se débrouillent comme des chefs. Moi j'ai besoin de les complimenter, de leur poser des questions et de voir s'ils ont encore l'envie ou la capacité de me répondre, j'ai besoin de les voir sourire à mes bêtises pour oublier qu'ils ne sont pas seulement là à attendre la mort, mais qu'ils profitent aussi du contact humain, que le contact humain les stimule encore.
... Mais on me dit que je n'ai pas le temps pour tout ça, qu'il y a plus urgent, et que du coup je dois privilégier le reste. Et bien moi je ne sais pas faire le reste sans apporter de la vie, je ne sais pas faire le reste sans savoir qui sont ces gens dont je dois m'occuper, je ne sais pas les dénuder et leur nettoyer les fesses sans leur dire qui je suis et combien de temps je suis là.
Et du coup j'angoisse d'y retourner demain, de sacrifier ma pause parce que de toute manière je n'aurai pas le temps de tout faire sinon, et de savoir que même en la sacrifiant ça ne suffira pas plus qu'aujourd'hui. Et j'angoisse de faire ça tout le mois de juillet aussi, de faire un boulot d'une manière qui ne me correspond pas vraiment...
Du coup je parlais de maturité dans mon message précédent, d'évolution, ben ce mois de juillet me servira énormément à cet égard je pense, à me conforter dans ces valeurs que je défends et cette humanité que je tiens à garder, mais il n'empêche que aujourd'hui, je regrette un peu d'avoir dit oui à ce remplacement de week-end, et que j'ai peur que le mois de juillet ne se passe mal finalement...
Je suis franchement déçue, à bien des égards cet après-midi j'ai trouvé qu'on était pas loin des erreurs professionnelles avec tous ces non-dits, des fautes graves, et ça me chagrine & me choque beaucoup.