Je pense aussi qu'il faut vraiment trouver d'autres solutions que de faire interférer les adultes, et ne surtout pas faire "sanctionner" les harceleurs par des adultes en croyant que ça va tout régler. Je pense que d'une manière générale diaboliser et punir des personnes (et surtout des enfants) c'est contre productif et ça n'aide pas à faire comprendre quoi que ce soit à qui que ce soit.
Je me suis faite harceler pendant toutes mes années de collège (à l'époque le terme de "harcèlement scolaire" n'existait pas du tout, si tu te faisais emmerder c'est parce que tu étais trop faible ou que tu ne savais pas te défendre, donc c'était de ta faute. J'ai l'impression que la responsabilité pesait plutôt sur la personne qui subissait le truc et que c'était assez honteux que de l'avouer. Mais c'est peut-être seulement moi qui percevait ça de cette manière là. En fait je sais pas trop, mais sur le moment j'étais tellement dedans que je n'avais aucune capacité de recul pour analyser la situation)
C'était un mec de ma classe qui en était à l'origine, et comme il était assez populaire au final j'avais tout le collège sur le dos et je pouvais pas passer une récré dans la cour sans qu'on jette mon sac dans les toilettes ou qu'on me demande si j'ai sucé une bite ce matin, sachant que je savais pas ce que ça voulait dire c'était bien parti, bref. Du coup je me cachais dans les couloirs ou dans la salle d'étude pour que personne ne me voit. Je me suis sentie super nulle, surtout qu'à cet âge là quand t'as pas de copains t'as l'impression de passer à côté de ta vie; je pensais que si personne ne m'aimait c'était parce que j'étais pas intéressante, et pas belle, et tout ça. Et comme à chaque fois que des profs me félicitaient pour mes notes on me faisait la misère à la fin des cours, j'ai commencé à faire exprès de rater mes contrôles dès la 5e. ça m'a valu un million d'embrouilles avec mes parents qui passaient leur vie à me dire que je ne bossais pas assez et que j'étais une branleuse qui me contentait de la moyenne, mais je m'en foutais parce que je préférais avoir des problèmes avec mes parents qu'avoir des problèmes au collège. Je me suis enfermée dans une bulle d'une manière générale, je ne parlais à personne et j'écoutais nirvana en boucle en me noyant dans ma morve en pensant à la mort toutes les nuits, joli programme. Avec du recul je pense que je faisais une dépression sans m'en rendre compte, donc c'était pas la période la plus fun de ma vie.
Mais le truc le plus important que je voulais raconter, c'est que le jour où AZF a explosé j'étais en 5e, on était en cours d'arts plastiques et c'était l'anarchie parce que des vitres ont pété, qu'on pensait que le nuage était toxique, et le prof ne savait pas quoi faire du tout, il ne nous calculait plus et il n'arrêtait pas de faire des allers retours à l'administration en nous laissant seul/es. Et quand on nous a dit que c'était l'usine qui a explosé je suis allée au fond de la salle parce que je n'avais pas envie qu'on me voit et je me suis mise à pleurer toute la morve de mon corps parce que mon frère bossait juste à côté, et le mec qui me "harcelait" est venu me voir alors que personne d'autre ne m'avait calculé, et il est resté avec moi toute la matinée sans me demander pourquoi je pleurais et en me faisant des blagues pour essayer de me remonter le moral. Et on est restés pratiquement les derniers au collège quand la plupart des autres étaient partis parce que nos parents ne sont pas venus nous chercher.
C'était mon ennemi numéro 1 à la base et je le détestais à fond à cause de tout ce qu'il m'avait mis dans la gueule, comme je pense que lui me détestait aussi, mais il ne m'a plus jamais emmerdée après ce jour là. ça n'a pas suffit à faire tout cesser à l'échelle du collège mais en tout cas lui a arrêté et il s'est même interposé une fois pour me défendre dans un conflit que j'ai eu avec d'autres.
A l'époque je ne m'en rendais pas compte, mais avec du recul je réalise qu'on était des enfants et que pour faire à ce point un blocage sur moi, à mon avis il ne devait pas être hyper bien dans sa vie perso non plus. Il me disait tout le temps que j'étais habillée comme une bourge (ce qui était vrai, mais c'était ma mère qui choisissait mes vêtements et elle voulait que j'ai l'air bien habillée pour cacher le fait qu'on était des prolos en vrai), il me faisait la misère à chaque fois que j'avais de bonnes notes; et je pense que ce n'est pas un hasard, sachant que lui galérait beaucoup en cours et qu'il était toujours classifié cancre gros lourd / dernier de la classe, il vivait avec sa mère qui avait pas mal d'autres problèmes et qui était aussi prolo que la mienne, sauf que sur lui ça se voyait.
Donc en fait en voyant tous les jours ma gueule de pseudo bourgeoise première de la classe, avec tous les profs qui me félicitaient juste avant de lui dire qu'il était une merde en d'autres termes, je comprends son malaise et je comprends qu'il ait pu me détester pour ce que j'incarnais à ce moment là.
Ce que je veux dire c'est que parfois ce n'est pas les harcelé/e/s qui sont le plus en détresse au fond (même si on y arrive par la suite), c'est les harceleurs qui galèrent et qui le font payer au monde entier, ou plutôt à la cible la plus facile et la plus évidente à leurs yeux. C'est pas forcément toujours des personnes horribles, c'est surtout qu'ils extériorisent leurs propres problèmes de façon nulle. Je pense qu'il faut bien voir que les personnes qui ont le plus besoin d'aide d'une manière générale c'est plutôt celles qui se comportent comme de la merde.
D'ailleurs c'est pas pour prouver mon raisonnement, mais actuellement ce mec est en prison, il a arrêté ses études en seconde, et moi je suis pépouz entrain de faire un bac +10000. Ce n'était pas tout à fait moi qui avait besoin d'aide dans l'histoire, et si on voulait vraiment m'aider il fallait juste faire en sorte que la vie ne soit pas un océan de désespoir pour certaines personnes jusqu'à ce que ça en vienne à ce que je prenne un retour de vague dans la gueule.
Mais quand je dis ça je parle bien du fait d'essayer de comprendre les gros harceleurs qui s'acharnent ET qui ont de vrais soucis par ailleurs, pas les personnes qui sont autour et qui font vivre le truc en se fendant de temps en temps de la méchanceté gratuite. Je trouve que les gens qui rigolent juste "de temps en temps parce que tout le monde le fait parce qu'on rigole", c'est vraiment le pire. C'est ce que je condamne le plus parce que c'est se positionner gratuitement du côté de l’oppresseur/e. Et je suis d'accord avec
@Princessechat , qui est sûrement un peu radicale, mais qui a le droit de dire que c'est tout pété de se moquer des gens et de les harceler, et que non, tout le monde ne le fait pas. Je ne comprends pas pourquoi tout à coup tout le monde fait une crise de fragilité, s'en offense et réclame qu'on reconnaisse la pureté de leur âme. Je trouve que c'est pas le propos.