Il n'y a nulle opposition entre l'arithmétique et la géométrie (sauf dans la mathématique élémentaire, sous l'impression de laquelle sans doute la plupart des philosophes depuis Schopenhauer traitent ces questions). Comme l'a montré suffisamment le premier chapitre de ce livre, chaque espèce de nombre, grandeur euclidienne ou fonction analytique, ressortit entièrement à l'étendu et au devenu. Et laquelle donc des deux sciences comprendrait les fonctions cyclométriques, le principe du binôme, les surfaces de Riemann et la théorie des groupes ? Le schéma de Kant était déjà réfuté par Euler et d'Alembert avant d'avoir été mis sur pied, et seule leur ignorance de la mathématique de leur temps - en opposition radicale avec Descartes, Pascal, Leibniz, qui avaient tiré des profondeurs même de leur philosophie la mathématique de leur temps - pouvait conduire des philosophes postkantiens à admettre à peu près sans critique la croyance laïque à un rapport de temps et de l'arithmétique. Mais il n'existe aucun contact entre le devenir et un domaine quelconque de la mathématique. Même la conviction profondément fondée de Newton, en qui se cachait un excellent philosophe, selon laquelle il tiendrait en mains immédiatement dans le principe du calcul différentiel (des fluxions) le problème du devenir, donc du temps, - d'ailleurs de façon beaucoup plus subtile que Kant - même cette conviction était impossible à maintenir, malgré le nombre de ses adeptes encore aujourd'hui. Dans la genèse des fluxions newtonniennes, le problème métaphysique du mouvement avait joué un grand rôle. Mais depuis que Weierstrasse a montré l'existence de fonctions constantes qui ne peuvent être différenciées qu'en partie ou pas du tout, cette entreprise, une des plus profonde qui aient jamais été tentées pour résoudre le problème du temps par la mathématique, est tombée en ruine.