Insatiable : une nouvelle série Netflix et un déferlement de colère

[Daydream]

Je suis curieuse de voir cette série et c'est flippant qu'on lui tire dessus avant même de savoir ce qu'il y a dedans. OK, peut-être que ce sera une énième série grossophobe gnan-gnan et à ce moment-là, il sera bien temps de la critiquer. Mais ce que dit le pitch, c'est "une fille autrefois grosse, rentre dans les normes de beauté, se retrouve avec le monde à ses pieds et décide de se venger". Autrement dit, ça décrit des faits, de manière très cynique, mais qui sont profondément (et tristement) réalistes. Pour moi, ce pitch décrit très précisément le privilège mince. C'est à la série complète d'en faire ensuite l'analyse et la critique. Et rien ne dit que le personnage ne montrera pas qu'elle est la même personne que la fille grosse dont les gens se moquaient et combien leur obsession des apparences et leur versatilité sont nazes.

Tout ça me rappelle les propos de Karim Debache dans Chroma sur la limite très floue entre propos descriptif et prescriptif au cinéma (ou comme ici, dans les séries) : pour parler de grossophobie, il faut bien la montrer (et les images filmées ne peuvent pas modérer le discours aussi facilement qu'un texte). Et tenir un propos sur la grossophobie, ce n'est pas du tout pareil que d'encourager à taper sur les gros.ses.

Après, le pitch a aussi l'air de montrer ça avec un côté très pop et humoristique qui peut flanquer en l'air le propos progressiste. Je ne défendrai pas la série bec et ongles avant de l'avoir vue. Mais la censurer avant même qu'elle existe ? Stupide et contre-productif. Visiblement, les gens derrière cette pétition n'ont jamais entendu parler de l'effet Streisand.

 

[EleanorRigby]

Moi ça me glace le sang cette histoire de pétition. Est-ce que cette personne ne réalise pas que la censure d'oeuvres a été un procédé utilisé durant les heures les plus sombres de notre histoire à des fins de manipulation, de contrôle, de désinformation, voire de terreur ? Est-ce qu'on a vraiment envie de s'associer à ce genre d'idéologies dans notre envie de rendre le monde meilleur ? Franchement je vais être méchante, mais faut vraiment être totalement à côté de la plaque pour se dire que c'est ne serait-ce que le début d'une bonne idée. Ça m'énerve tellement de constater que même parmi nos "alliées", il faudra se confronter à des gens complètement abrutis.

 

[Valentina-]

Et puis, au pire.. C'est mal de montrer un personnage content d'avoir maigri? Plus épanoui? C'est mal de montrer que la perte de poids peut avoir des conséquences positives sur une personne grosse? C'est quoi le problème avec ça, vu que c'est aussi la réalité de beaucoup de personnes après une forte perte de poids? Et le fait qu'elle soit plus à la mode après, ça vous surprend vraiment, honnêtement? Les vêtements grande taille sont rarement très jolis et très a la mode, encore moins sexy, où alors ils coûtent assez cher, c'est pas du tout surprenant que l'héroïne soit mieux fringuée en étant mince. Bref, moi, je demande à voir ( et je suis en surpoids! Et pas du tout vexée ni choquée par le scénario de la série. )

En fait le souci c'est que la minceur est clairement une injonction de la société. Ce n'est pas parce que les conséquences paraissent positives que le processus en lui-même l'est.
Par exemple si une personne se blanchit la peau dans le désir d'avoir une apparence "caucasienne", peut-être qu'elle se sentira super bien ensuite, et ce sera sincère, c'est pas pour autant qu'on ne peut pas remettre en question l'injonction/la pression sous-jacente qu'il y a derrière sa motivation.
Je ne dis pas qu'il ne faut pas mincir, simplement qu'il ne faut pas toujours s'arrêter à "si la personne est contente au final tout va bien dans ce monde".

 

[skippy01]

@EleanorRigby Ne tombons pas non plus dans le point godwin. La censure n'a pas que des mauvais côtés, par exemple quand elle est utilisée contre des idées oppressives, même si je suis d'accord pour dire qu'elle n'a pas lieu d'être pour une œuvre dont on connaît peu car pas encore sortie.

 

[RedSPINE]

Je comprends pas, à chaque fois c'est la même chose, quand une œuvre d'art parle d'un sujet polémique on en fait tout un flan. Mais l’œuvre ne fait que parler du sujet, pas montrer qu'elle est d'accord ou inciter à la grossophobie je pense. Tant mieux si on parle de grossophobie et de harcèlement, c'est en exposant les problèmes qu'on peut les régler. Sinon il faudrait bannir beaucoup d’œuvres historiques, et ça serait pas forcément très intelligent. Et puis plus personne ne sait ce que c'est que la Catharsis au théâtre ? L'idée de montrer un mauvais aspect de quelque chose pour en faire comprendre l'immoralité au spectateur est millénaire...

 

[schizophrenia]

Je trouve tellement le côté "une ex grosse se venge une fois qu'elle devient super bonne" vu et revu, que ça me donne la nausée. Enfin honnêtement, je vois plusieurs problématiques dans cet énoncé :
- une personne qui maigrit est forcément plus jolie qu'une personne en surpoids (a qui on fait des cheveux gras et on met des survêtements). Quelqu'un ici a dit "on m'a dit que j'étais plus jolie avec des pantalons moulants", good for you. Toujours est-il qu'il y a autant de forme de beauté que de cultures et de morphologies. Ca a l'air bateau dit comme ça, mais on voit tellement les choses de manière autocentrées.
- une grosse maigrit quand elle arrête de manger - cf, l'opération de la machoire. L'obésité c'est multifactoriel. Les problèmes de thyroides ou tout simplement un mauvais patrimoine génétique peuvent être des facteurs.
- L'apologie de la vengeance. Plutôt que d'essayer de tirer du positif des choses, se venger c'est génial. On rentre quand même dans des logiques classistes. J'étais le cliché de la meuf harcelée au collège, parce que mon physique n'était pas dans les standards, ma façon d'être non plus. Spoiler alert, mes harceleurs n'avaient peut-être pas les moyens de voir ce qu'ils faisaient, de comprendre les dynamiques de harcèlement et de prendre du recul sur les injonctions de la société. Ils m'arrivent de les croiser, ils sont tous en galère : parents célibataires, en réinsertion, aux prises avec des addictions. S'interroger sur ce qu'ils véhiculaient a douze ans est la dernière de leurs préoccupations et je vois pas en quoi ce serait bénéfique que je les fasse souffrir à mon tour en me vengeant. J'ai pas envie de leur dire "bah tu vois j'ai réussi ma vie alors que tu es au RSA". J'ai retenu un truc de ces années, la bienveillance c'est sympa.

Donc je sais pas si je serai pour censure cette "oeuvre", mais se dire qu'a priori c'est une bonne grosse bouse, ça me dérange pas.

@RedSPINE : Enfin là, on est plus dans une série pour adolescents à la Lolita malgré moi que dans une oeuvre de Nabokov ou du Roth censée mettre en place des personnages tiraillés pour comprendre leur fonctionnement.

 

[MelleJuju]

@Flowercream- petite précision : même Mein Kampf n'est pas un livre censuré, tu peux tout à fait l'acheter, puisque les éditions Fayard en on fait une réédition en 2016, accompagnée d'analyses pour en démonter les arguments racistes.

 

[EleanorRigby]

@skippy01 Je faisais pas référence à une période en particulier, je parlais de la censure en générale telle qu'elle a été utilisé à travers l'histoire et ça a rarement été le cas pour de bonnes raisons. Parce que clairement censurer ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'un individus ou un groupe A, décide que tel message n'a pas le droit d'être diffusé car il porterait préjudice à un individu ou groupe B. Mais à quel moment quelqu'un peut s'octroyer la légitimité et la responsabilité de priver les autres, de ce à quoi lui a eu accès ? Personnellement j'ai pas envie qu'on pense à ma place. Et puis d'un point de vue cognitif, quand on censure un message le cerveau va entrer dans un état de resistance face à la censure. Alors que quand on laisse un message exister en critiquant clairement quels points sont problématiques et pourquoi, c'est là qu'on va réussir à le mettre à défaut.

Je veux bien censurer des contenus pour certains publics, tels que les enfants par exemple qui n'ont pas les outils nécessaires pour appréhender certains concepts. Mais entre personnes adultes capables de raisonnement, est-ce qu'on ne peut pas ignorer le contenus et le laisser mourir de lui même ou comme le dit l'article, simplement critiquer les propos problématiques ?

 

[skippy01]

comment savoir quelles sont les idées "oppressives" et celles qui sont "bonnes"?

Ça m'étonne que tu poses cette question puisque toutes les réponses sont dans la charte du forum (et accessoirement dans plein d'articles de Mad).

Et puis, si tu voyais une publication sur interret visant à te nuire, tu seraus bien contente qu'on la censure. D'ailleurs, la haine sur les réseaux sociaux grandit justement parce qu'ils ne censurent pas assez.

 

[Nedjma]

Spoiler: Exemples personnels - ne pas citer :)

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Est-ce que pour autant je fais l'apologie de la censure ? Non évidemment.
Mais je suis moins relativiste que certains.es quant à ce qui peut/ne peut pas être mis en scène dans un film.

 

[skippy01]

@château fort Eh bien allons-y, dépénalisons carrément les propos sexistes, racistes et homophobes, tant qu'on y est. C'est vraiment ça que tu veux ?

Si on ne censure pas les idées oppressives, elles finissent par devenir acceptables auprès de l'opinion publique, c'est précisément ce qui est en train de se passer vu la vaste impunité en la matière.

 

[Patriarcaca]

Si on pouvait arrêter de culpabiliser les enfants harcelés quand ils sont en colère ce serait génial, merci !