L'auteure du post n'a pas l'air pour autant de baigner dans le bonheur. Peut-être que sa phobie du travail (du monde des adultes) est la conséquence d'un gros décrochage scolaire qui n'a pas été pris en compte par les profs ni par sa famille:et ça c'est une grosse faute de son lycée et de ses parents. Malheureusement, dans les établissements scolaires, on a tendance à se focaliser sur les élèves qui sont agités en classe. Les discrets en décrochage ne sont pas toujours aidés car quand ils sont en classe, il n'em.....dent personne, et que les prof et les CPE ont un nombre important d'élèves agités à calmer. Là je me mets à la place de l'auteure et je pense que ça doit être déprimant de sentir qu'on perd pied et que tout le monde s'en contrefiche.
D'autre part, le harcèlement à l'école peut rester un traumatisme, l'apparente indifférence des profs et des parents a du déboucher sur une sacrée perte de confiance en soi. Ceci expliquant peut-être le dégoût du monde du travail (des adultes), en qui on ne peut pas faire confiance.
M'enfin, bon, là, je suppose qu'elle a perdu confiance en elle, et je n'en suis pas sûre.
D'autre part, je comprends que passer par la case job alimentaires ne soit pas folichon: mais sauf pour les enfants de nantis, on y passe tous. Ce qui aide à les supporter, c'est de savoir qu'on fait des études qui déboucheront sur quelque chose de bien plus intéressant. Mais le dégoût de l'école empêche cette demoiselle de voir les jobs alimentaires de cette façon...
Alors après...j'aimerais lui faire passer un message: oui, on peut travailler et aimer son job; c'est ma situation en tout cas. Certes, j'ai des horaires, des contraintes, et beaucoup de taff en dehors de mon lieu de travail, mais il me plait. Après, il y a peu de monotonie dans mon travail (je suis prof dans un coin très difficile), je ne travaille pas assise à un bureau (sauf quand je fais mes cours et que je corrige les copies évidemment). A part l'inspecteur qui vient fourrer son nez dans mes cours de temps en temps, on me fait confiance donc je suis libre. Mais c'est parce que j'en ai ch...é, parce que j'ai fait mes preuves et que je me suis aguerrie en exerçant ce métier difficile. Les faux sourires existent pour préserver l'harmonie, et parfois aussi les coups de gueule aussi (bah, je suis comme ça), mais beaucoup de mes collègues font un peu partie de ma seconde famille car on se sert les coudes, vu qu'on a un travail qui n'est pas de tout repos. Je me sens utile et...Attention, même si je ne suis pas dans les "hautes sphères artistiques", je crée aussi.
La création n'est pas réservée aux "artistes". Il n'y a pas des moutons vides et sans originalité d'un côté et des artistes créateurs de l'autre. L'artiste n'est qu'une composante essentielle de la société comme une autre. Il ne faut pas hiérarchiser, à mon sens. Créer, c'est produire quelque chose de tangible dans un premier temps. A ce compte, un ouvrier est créateur aussi. Et sans eux, comme le disait un grand artiste (Rudolf Noureev), on en serait encore à chier dans un trou dans le noir (ode aux plombiers).
Si tu entends par créer faire quelque chose de nouveau, et bien, on est un certain nombre à le faire aussi au boulot. Par exemple, quand on fait un cours, on essaie de créer une solution innovante pour intéresser les élèves (on ne photocopie pas des manuels scolaires) et en cela, on innove, on essaie de trouver d'autres solutions et ça demande vraiment de se retourner le cerveau et d'être créatif pour intéresser des gens, qui, disons-le dans mon cas, n'en ont strictement rien à faire de l'Histoire géographie
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Si tu parles de la création artistique qui amène quelque chose de nouveau, et bien, je dirais tout de même qu'il faut un peu avoir de modestie. Beaucoup de gens qui se disent artistes sont dans la répétition de choses qui ont été déjà faites. Des artisans de l'art, en somme.
Autre chose, les "gens qui vivent de leur art" sont parfois plus de bons commerciaux que des artistes dans le sens où ils n'amènent pas forcément quelque chose de nouveau, mais quelque chose qui plait, qui répond à une demande, et là, c'est encore un peu plus de l'artisanat, du coup. A mon sens, il faut vraiment être modeste, car les artistes qui font des productions qui transcendent notre essence humaine, celle du monde, il y en a peu.
Dire, "moi je crée" , ça se discute du coup.
Autre chose, se confronter à la vie, à sa rudesse, aux petits job n'empêche pas de devenir créateur et artiste: y a toute une série d'écrivains qui se sont frottés à la vie et aux petits boulots et qui sont devenus de grands artistes. Je pense même que cet aspect de leur vie a enrichi leur oeuvre: Jim Harrison, S. King... Ces gens ont bien galéré avant de se faire connaître et son aussi passés par la phase job alimentaire pour survivre (qu'ils aient été ouvriers, pigistes, assistants, profs). Je pense que c'est ce qui a rendu leur oeuvre intéressante et ouverte sur le monde avec la galerie de personnages vraisemblables de toutes conditions qu'ils sont capables de dépeindre.
Une dernière chose. Tu ne vis pas en marge: tu n'es pas à la rue, tu bénéficies du système de solidarité (RSA sécu et compagnie). Tu n'es même pas en marge de la consommation vu que tu commandes sur internet pour que ce soit moins cher, pour les "bons plans" (et vive les Amazone et compagnie dont on sait comment ils exploitent leurs ouvriers...). Là, tu ne consommes même pas autrement. En vivant en ville, comme tu sembles le faire, c'est un peu difficile, à mon sens. Alors l'appel à la révolte consumériste sonne un peu faux et creux. Je suis un peu comme toi: j'achète le minimum en matière de vêtement, on m'en donne beaucoup, j'aime pas dilapider du fric pour boire un coup dans le dernier bar à la mode, mais je ne suis pas en marge, je suis dans ce système, salariée par l'Etat. Toi, l'Etat te donne un RSA, tu en dépends aussi. Je connais quelques personnes qui vivent en marge réellement: un squatte une maison d'artiste, les autres vivent à la campagne...Eux ne dépendent en rien de l'Etat et sont de vrais marginaux qui s'assument, s'en sortent et que je respecte. Et ce chemin n'est vraiment pas facile.
Tu n'es pas libre, car tu vis dans la peur de perdre tes aides, comme tu le reconnais, tu n'es pas indépendante. L'Etat s'est substitué aux parents qui donnaient de l'argent de poche pour le shopping et le mac do. Etre libre, dans ce monde et depuis toujours, pour la plupart d'entre nous c'est un combat quotidien. C'est ce combat, avec ses échecs, ses triomphes qui nous rend libres. Parce qu'il nous forme à faire face aux imprévus et à rebondir. En effet, beaucoup d'entre nous sommes les esclaves consentants d'un système dont toutes les mécaniques ne sont pas acceptables. Alors, oui, il faut changer les choses, mais ce n'est pas en restant dans sa bulle qu'on le fera.