Je me reconnais dans cette article. j'ai porté un corset pendant 12 ans jour et nuit 24h/24h je l'ai gardé jusqu'à mes 18 ans quand ma croissance s'est stabilisé.
Les seules fois où j'avais le droit de l'enlever c'était pour la douche et le sport.
J'avais 6 ans je souhaitai travailler dans un cirque. On m'a détecté une scoliose qui avait atteint 42° Les premières nuits avec le corset avaient été terrible je ne comprenais pas pourquoi on m'infligeait ça.
Une semaine après, lorsque ton corps prend la forme du corset on est retourné chez le prothésiste pour mettre des mousses. Naïvement j'avais pensé que c'était pour le rendre plus confortable. Que nenni ! Les mousses sont des rajouts qui servent à corriger la scoliose. Elles sont placés aux niveaux des courbures de la colonne et vont appuyer dessus pour la mettre droite.
Résultat la peau est brulée et la biafine est obligatoire tout les soirs. L'été les mousses viraient jaunâtre à cause de la transpiration et puaient abominablement. C'était génial. Une fois à 15ans ma peau était tellement blessée à cause des mousses que le médecin a autorisé une nuit sans corset. C'était la 1er fois que j'ai senti le moelleux du matelas, le rêve de se rouler en boule sous la couette et de dormir sur le côté.
Et je confirme pour les boutiques. C'était une torture. Mes parents m'achetaient des t-shirt de garçon amples, dont le col était au ras du cou, ils finissaient tous troué.
J'ai vécu la période du collège comme si j'étais en apnée. Ma mère avait demandé au médecin spécialiste de la scoliose si plus tard je pourrai faire n'importe quel métier sans que ça me handicape le médecin avait dit "oui sauf dans un cirque elle aura trop de douleur au dos" (je me souviens plus des termes exactes) ça m'avait anéanti moi qui participait aux ateliers d'initiation aux arts du cirque. J'ai tout arrêté désespérée. J'ai jeté plusieurs fois mon corset contre un mur et criant que je ne le mettrai plus. Cela faisait pleurer mes parents mais ils n'ont pas craqué et je devais toujours le remettre une fois la crise passée. Tous les 6 mois c'était la même routine. On allait faire une radio avec et sans corset. Puis on allait voir le spécialiste de la scoliose qui examinait. Puis il me mesurait, demandait si j'étais réglé et concluait par "continue à bien porter le corset".
Ensuite on allait à l'orthopédiste qui changeait les mousses ou voir refaisait un nouveau corset. On me connaissait bien là-bas. J'allais dans l'arrière boutique et je les regardai faire fondre le polyéthylène qui servirait à faire les futurs corset. Avant on me faisait un moulage en plâtre puis ensuite c'est devenu numérique le corps est modelé en 3D. Je me souviens qu'ils avaient demandé à ma mère si je pouvais être leur "modèle" (se faire prendre en photo en débardeur les bras levés devant la machine qui numérise ton corps très glamour
) pour leur site Internet. Mais ce système numérique n'était pas encore très performant et les corsets sont devenu moins performants. rien de très grave cependant. Une fois alors que j'attendais mon tour, j'avais 13ans, j'ai vu sortir un enfant de 4ans hurlant de toute ses forces. le prothésiste, lorsque c'était mon tour, dit à ma mère que ce pauvre gosse de 4 ans allait devoir également porter un corset jour et nuit car il avait une scoliose a 50°. Cette épisode m'a choqué et j'ai décidé que j'étais forte que je pouvais surmonter cette épreuve, que ça valait le coup que plus tard je serai grande et droite. Ma mère me répétait souvent "ce qui ne tue pas rend plus fort". Certes c'est discutable mais à l'époque je m'y accrochai et c'était ma raison de vivre.
Vers 16 ans, je n'ai porté le corset que la nuit. Je revivais. Je découvrais des sensations nouvelles. Sentir les vêtements flottés sur la peau, la sensation de la brise qui traverse un débardeur, sentir le dossier de sa chaise, de la voiture, d'un mur, de l'herbe. La sensation des bras qui vous entoure.
Quand on m'a touché le dos pour la première fois j'ai bondi ! Le corps semble se réveiller et c'était un plaisir d'aller dans un magasin et de s'acheter des vêtements. Les premières fois ça me choquait de me voir avec de la peau nu. Je trouvais ça bizarre ça me gêné presque. Avoir une encolure large ou voir mes épaules me semblait terriblement audacieux et sexy sur les autres ça ne me faisait rien mais sur moi même c'était spécial. Je ne sais pas vraiment comment retranscrire ce sentiment je n'avais jamais vraiment pris conscience de mon corps, je l'avais complètement nié. Lorsque je n'avais plus de corset le jour il est tout d'un coup devenu présent. Alors qu'avant mes vêtement servaient à le cacher maintenant je m'en servais pour le mettre (et me mettre) en valeur. Il a fallu s'habituer, se réapproprier ce corps complètement oublié.
6 mois plus tard, la radio m'a trahi. Le fait de porter le corset que la nuit a fait que ma scoliose a augmenté brutalement. La sentence est tombée. je devais renouveau le porter jour et nuit. Le médecin a ajouté qu'il faudra peut être envisagé l'opération. Je me souviens quand je suis rentrée, j'étais monté dans ma chambre et j'ai pris chaque vêtement acheté avec amour les mois précédents et les ai balancé dans un sac poubelle. Je pensai qu'il n'arrivera jamais rien de bien dans ma vie. J'ai eu de la chance d'avoir des parents qui m'ont épaulé, m'ont soutenu. J'ai reporté mon corset jour et nuit sans broncher.
Et puis finalement le jour tant attendu est arrivée. La dernière radio, le médecin annonçant que ça ne servait plus à rien de porter le corset la prochaine visite sera dans 5 ans, que je ne me ferai pas opérer. Il a dit concrètement que ma scoliose était toujours forte 42° mais qu'on pouvait plus rien faire pour moi. Et surtout il a dit de faire du sport de la natation par exemple et des cours de kiné pour assouplir mon dos car du coup le corset et le fait que j'avais arrêté la gym et les acrobaties a fait que je suis devenu raide comme un piquet (mon kiné en me demandant de me pencher s'est exclamé "tu ferais une parfaite table à repasser"
)
Lorsque je suis rentrée chez moi je voulais bruler mon corset dans le jardin afin d'expier toute la souffrance endurée, cette enfance et adolescence gâchée, mais finalement craignant que je meurs intoxiqué, on s'est contenté de le mettre dans le garage.
bref c'était le plus beau jour de ma vie.
Et.. oh mon dieu ce pavé ! bien je vais arrêter de raconter ma vie je parle trop