Bonjour les grandes
Comparées à vous, je suis une vieille personne, j'ai presque 35 ans de granditude derrière moi ;-)
Je mesure 1m84. Je pèse entre 80 et 85kg, j'ai de bonnes cuisses, de bonnes hanches, j'ai de grands tibias
et un torse assez menu. Je chausse du 42/43.
Pour moi, être grande, c'est normal, je n'y pense absolument pas (je me vois souvent plus petite que je ne le suis !) jusqu'à ce que quelqu'un me fasse remarquer ma taille, de façon anodine.
En fait, je suis grande depuis que je suis toute petite. Dans mon cercle familial, du coté de ma mère, c'est quelque chose de banal. Tous mes cousins et cousines mesurent plus d'1m80. Mes tantes sont élancées mais pas particulièrement géantes, mes oncles ont des tailles standart pour des hommes, il faudrait peut être chercher dans les gènes des ancètres germaniques qui ont brassé la région.
J'ai donc eu la chance de pousser haut au milieu de gens qui me ressemblaient et qui ne m'ont jamais fait la moindre remarque négative. Tout au plus ma mère et mes tantes échangaient-elles des adresses pour nous habiller, se refilaient les fringues entre elles, ou se téléphonaient pour se tenir au courant des poussées de croissance :
"Elle a prit 10cm en 4 mois, c'est normal ?" "Oui oui, Alice c'était pareil au même âge, ne t'inquiète pas". Sous le porche de ma grand-mère, ily a nos marques de mesures. En 1998, fin de ma croissance, j'étais déjà distancée par mes cousins d'un an plus jeune. Je ne les rattraperai plus, ils sont bien trop haut maintenant :]
Bref, une jolie enfance d'enfants géants et de concours de centimètres. Sauf pour mon frère, qui encore aujourd'hui culmine avec aigreur à 1m60. L'exception qui confirme la règle.
C'est à mon entrée au lycée que les choses se sont corsées. En section littéraire, les filles se jaugent et se gaussent, et sortie de mon état d'enchantement enfantin, j'ai commencé à comprendre que, non, à leurs yeux, les dépasser de deux-têtes, et même dépasser les garçons n'était pas normal. Avoir des pantalons trop courts non plus. Porter les fringues démilitarisées de son père gendarme autant par goût que par confort, non plus (quoi, vous ne les aimez pas mes rangers ? Qu'est ce qu'elles ont de si différent de vos Doc marten's ?).
Heureusement, j'ai toujours eu un coté lunaire qui aide les remarques méprisantes à glisser sur moi, et même si j'étais triste de ne pas être intégrée dans leur groupe, j'avais une meilleure amie qui était aussi grande que moi. N'empêche que c'està ce moment là que j'ai commencé à regarder les filles, leur corps, comment elles bougeaient, s'habillaient, parlaient, et que j'ai compris qu'il me faudrait apprendre certains trucs. J'ai commencé par intégrer la section théâtre, pour savoir me placer, bouger, m'imposer dans l'espace. Au lieu de rechigner dès que mon père me le proposait, j'ai accepté de faire du sport, de l'escalade, pour me muscler, soutenir mon dos, mes genoux, et mes articulations (je commençais à ressembler au géant de la famille Addams).
Côté look, j'ai mis deux décennies à trouver des habits dans lesquels je me sente vraiment parfaitement à l'aise. J'ai eu une période heureuse en t-shirt moulant-pull V homme-doc martens-kickers-levis 525 (la coupe mixte en longueur 34) jusqu'à ce que je devienne subitement trop épaisse pour rentrer dedans, ou que la coupe disparaisse de leur catalogue, je ne sais plus. Je suis passée par les sarouels et autres pantalons thaï informes mais bien pratiques avec leur coupes universelles. J'ai passé plus de trois ans uniquement en mini jupes (c'est à dire des jupes au genou achetées en magasin traditionnel), collants et boots. Globalement, je ne me suis jamais dis
"s'habiller et être si grande est un fléau". J'ai eu des dizaines de paires de chaussures, pillées chez New Look. Depuis deux ans, j'achète moins de vêtements, mais je commande presque tout chez
Long Tall Sally : en plus de proposer des longueurs et un choix de coupe ahurissants, presque tous leurs pantalons sont taille haute, ce qui est très flatteur pour la silhouette. Je casse le côté un peu classique et vieillot de certaines de leurs pièces avec des tops colorés, ou des chemises d'hommes, et quand je me regarde dans la glace, je me plais la plupart du temps. J'ai cassé ma tirelire et je me suis aussi offert un manteau et un blouson de leur boutique, pour ne plus jamais avoir froid aux poignets. Tant pis si je n'ai pas plusieurs vestes différentes.
Etre grande m'impose une certaine sobriété dans ma consommation qui est plutôt en accord avec mes valeurs.
J'ai longtemps pensé que je devais me trouver un.e partenaire qui ferait au moins la même taille que moi. Quand j'allais sur des sites de rencontre, je spécifiais dans les menus déroulants <180cm. Et finalement, les gens que j'ai fréquenté étaient souvent plus petits que moi. Ceux qui complexaient sur ma taille (j'utilise cette formule à dessein :
j'ai appris à ne plus m'excuser d'être grande) ne restaient pas très longtemps. J'ai porté des talons à mon mariage, et le principal interessé était ravi (même si avec le recul, les photos ne sont pas très ... esthétiques, mais c'est parce que j'avais mal choisi ma robe. Elle était vraiment très très moche :O).
La dernière remarque vraiment désagréable sur ma taille m'a été rapportée par la mère d'une copine. Nous avions assisté à son mariage, et il parait qu'elle a dit de nous : "Ils sont beaux, mais tellement mal assortis."
Je ne comprends pas comment de telles choses peuvent passer par la tête de quelqu'un, dont sur le coup, bien qu'attristée, j'ai passé outre.
Je sais bien que, dans l'esprit des gens, mon mari, si menu, si mignon, devrait être avec une fille menue et mignonne. Mais il se trouve qu'il a préféré épouser Brienne de Torth.
Et j'adore Brienne de Torth.