[Attention spoilers]
@Annesol J'ai perçu le film complètement différemment, je ne dis pas du tout ça pour dire que tu as tort mais simplement pour donner un écho différent, pour montrer une autre interprétation du film.
J'avais peur que ce soit encore un film de mecs virils qui défendent leur honneur et que la femme ne soit qu'une pauvre petite chose fragile, mais je trouve que la construction du film renverse complètement ce schéma. En fait j'ai rarement vu un film abordant la question du viol avec tant de sérieux et de justesse. Je trouve que l'alternance des trois points de vue permet justement de remettre en cause le male gaze. Selon les deux points de vue masculins, la femme est une simple chose à protéger ou à conquérir, tour à tour fragile ou séductrice. Dans sa première version, du point de vue du violeur, le viol est bien déjà un viol (il n'y a pas de doute et je trouve ça important), mais Marguerite est présentée comme hésitante et tentatrice. La réalisation ne montre quasi pas la réaction de la victime, elle est complètement effacée, niée. Elle n'est là que pour assouvir le désir de l'homme, elle ne peut qu'y céder. Alors que dans la deuxième version, du point de vue de Marguerite, il n'y a aucun désir de sa part, elle ne tente pas ni ne cède, elle est effrayée puis sidérée. Comme beaucoup de femmes je pense, je supporte mal les scènes de viol dans les films. J'ai trouvé difficile de voir cette scène, encore plus de la voir deux fois (et je ne conseille pas à tout le monde de voir ce film pour cette raison, il faut être prêt.e), mais je pense que montrer le viol ici était nécessaire et que pour une fois, c'était bien traité. Il n'y a aucune ambiguïté sur le fait que le viol était un viol (et ce même dans la première version donc), et je trouve que le fait qu'il soit montré deux fois souligne et dénonce le male gaze. La première version correspond, je trouve, à la manière dont est généralement représenté le viol à l'écran. La deuxième version renverse ces représentations-là et fait de la victime un vrai sujet doué de volonté, d'intelligence, de sentiments.
Je ne trouve pas que le film met les trois points de vue à égalité : le sous-titre "La vérité selon Marguerite" se transforme pour quelques secondes en "La vérité", je trouve qu'il n'y a donc pas de doute possible. Le film ne remet pas en cause la parole de la victime, en revanche il dénonce les hommes (et aussi certaines femmes) qui ne la croient pas et l'accusent d'être une séductrice, d'avoir pris du plaisir, de mentir. Elle doit se justifier. Même son mari, qui se croit être un mari parfait et attentionné, comme le montre son propre point de vue sur l'histoire, est en réalité brutal avec elle, et tout en affirmant risquer sa propre vie pour venger sa femme, risque en réalité la vie de sa femme pour défendre son propre honneur. Je trouve que le film montre bien tout ce que la victime risque à dénoncer le viol, au point que la plupart des victimes (dont la belle-mère) se tairont.
Il y a aussi quelques plans montrant l'expression de la reine, notamment lors du procès, qui se détache de l'assemblée masculine et semble savoir ce qu'éprouve la victime, et être la seule à la croire et compatir avec elle, tout en ayant pour rôle de se taire.
Bref, j'ai trouvé ce film réussi.