Pour la question de savoir si les conseils donnés dans l'article sont de bons / mauvais / pires conseils : la gynécologue américaine Jen Gunter, qui s'est fait pour spécialité le fait de démystifier les modes et injonctions concernant le corps féminin, a rédigé un article (en anglais) pour parler de l'article de Teen Vogue dont est inspiré celui de QueenCamille (ici :
https://drjengunter.wordpress.com/2018/05/31/teen-vogues-problematic-summer-vagina).
Pour les Madmoizelles qui lisent l'anglais, je vous encourage à le lire, il est intéressant, il fait réfléchir, et puis il est écrit par une professionnelle de santé à l'esprit critique très actif. A noter que pas mal de remarques ne s'appliquent pas à l'article de Madmoizelle (par exemple les remarques sur la confusion vagin / vulve).
Morceaux choisis (traduits) :
- "L'article promeut une vigilance à outrance. (...) Les femmes, et en particulier les adolescentes, n'ont pas besoin de s'entendre dire que leur vagin est capricieux ou bizarre, et que pendant l'été des tas de gros problèmes peuvent survenir. La négligence vaginale n'existe pas. Le vagin fonctionne très bien en toutes saisons. Pour de vrai. Je dirige une clinique spécialisée et nous n'avons pas plus de patientes lorsqu'il fait chaud.
Le seul problème que peuvent rencontrer les femmes avec leur vulve pendant l'été concerne l'épilation, en cas de choix d'une nouvelle méthode ou de fréquence accrue. Cela peut causer des poils incarnés, des plaies, et augmenter le risque de contracter une MST."
- "
La chaleur estivale ne cause pas de sécheresse vaginale.(...) La sécheresse vaginale, ou la sensation de sécheresse vaginale (ce sont deux choses différentes) peuvent être provoquées par une une faible concentration d'oestrogène dans le sang ou par une mycose vaginale, ou être l'effet secondaire d'une prise de médicament. Toutefois, la température ambiante et un maillot de bain mouillé n'auront aucun impact sur la flore vaginale."
(à noter que l'article de QueenCamille ne parle pas de sécheresse du vagin, mais "des parties", donc de la vulve j'imagine ? C'est intéressant de voir la différence de sens induite par la traduction de l'emploi erroné de "vagina" en anglais.)
-
"Un maillot mouillé ne peut pas modifier le pH du vagin. (citation du Dr. Sherry Ross reprise par l'article) Le vagin est normalement chaud et humide. Si la chaleur et l'humidité causaient des infections, ce serait signe d'un problème de conception. En cas de frottements, les plis de la peau peuvent favoriser le développement des bactéries et des organismes qui causent les mycoses, mais cela concerne l'entrejambe, voire parfois les grandes lèvres."
-> "Le pH du vagin est régulé par l'oestrogène, les lactobacilles (de gentilles bactéries) et le glycogène (un type de sucre qui provient des cellules de surface du vagin). Aucun de ces facteurs n'est affecté par un maillot de bain mouillé. (...) Le vagin peut s'accommoder sans problème du sperme (au pH de 7.2-7.8 ) et du sang menstruel (un pH de 7.4, et ce pendant plusieurs jours), et en quelques heures le pH est rétabli (3.5-4.5)."
-> "Les maillots mouillés ne peuvent pas causer de déséquilibre du pH ou de mycoses. Si vous portez des vêtements serrés et mouillés, vous pouvez développer une irritation de la vulve qui pourrait être confondue avec une mycose, mais les mycoses vaginales ne concernent presqu'exclusivement le vagin. Les mycoses externes sur la vulve sont beaucoup moins courantes, et ne sont pas causées par le port d'un maillot de bain mouillé."
- "Les bactéries localisées sur la peau de la vulve ne sont pas la cause des mycoses vaginales. Une plaie causée par le rasage ou par l'épilation pourraient certes provoquer une infection de la peau, mais il ne semble pas que ce soit ce qu'aient voulu dire les rédacteurs de Teen Vogue."
En ce qui concerne les lingettes : "Les lingettes sont une cause avérée de dermatite de contact de la vulve et elles ne sont absolument pas nécessaires. Encore une fois, le fait qu'une gynécologue recommande l'utilisation de lingettes renforce l'idée à la fois destructrice et erronée que la vulve et le vagin sont sales."
- "Je dirige une clinique spécialisée dans les problèmes de la vulve depuis 25 ans et les seules piqûres ou morsures d'insectes que j'ai pu constater sur la vulve sont le fait du pou du pubis (le morpion). Est-ce possible de se faire mordre ou piquer sur la vulve ? Oui. Est-ce un gros problème ? Probablement pas."
- "Je ne vaporiserais pas d'anti-moustique sur mes sous-vêtements. S'ils y a tant de moustiques que ça, on peut envisager porter un bas de pyjama ou dormir sous une moustiquaire."
- "J'ai déjà constaté du sable dans le vagin de très jeunes patientes, mais les enfants s'enterrent souvent dans le sable. Passé l'âge de 5 ou 6 ans, la plupart des gens savent qu'il faut secouer ses vêtements pour se débarrasser du sable. Heureusement, le Dr. Millheiser donne des conseils sensés. Si jamais du sable se retrouve dans votre vagin, il sera évacué naturellement, et il est suffisant de se rincer rapidement dans le bain ou sous la douche."
C'étaient tous les points évoqués de près ou de loin dans l'article de QueenCamille et sur lesquels Jen Gunter, pourfendeuse de contre-vérités et d'approximations problématiques, s'est exprimée dans son article de réponse à celui de Teen Vogue.
Je comprends bien d'où vient l'inspiration pour cet article, qui ne contient pas que du mauvais. C'est l'été, et faire un article "conseils pour les vacances" orienté santé, et en particulier santé gynécologique, ça part d'une bonne idée.
J'ai l'impression que le problème principal aura été les sources et leur traitement -> et le fait que donner des explications et conseils d'ordre médical demande plus de précautions que d'habitude, quand on est pas spécialiste.
Merci à QueenCamille d'avoir écouté et pris en compte les inquiétudes des lectrices qui ont réagi sur ce fil, et d'avoir modifié son article en conséquence
La succession de commentaires horrifiés ou juste négatifs (surtout si lus en bloc) peut effrayer, mais je pense que du côté des lectrices, il y avait surtout la volonté de vérifier les faits et informer.