Au sujet du féminisme intersectionnel (puisque le mot est lâché) et de la position de MadmoiZelle comme porte d’entrée au féminisme, je voudrais donner mon point de vue ici malgré tout puisque je ne suis pas de région parisienne. (Encore et toujours cette maudite discrimination anti-province, pour un forum qui se veut inclusif…


)
Mais j’ajoute un petit avant-propos parce que je comprends bien que ça vous fait un truc à gérer en plus du reste, et je peux comprendre aussi ta lassitude
@Fab puisque ça peut donner l’impression qu’une partie des membres s’acharne à vous prendre en faute au moindre couac, mais vraiment : je pense que personne ici n’insiste par amour de la polémique ou dans le but de vous critiquer pour le plaisir. Sincèrement, je sais que moi qui ne prends pas souvent part aux débats, je suis venue donner mon opinion parce que j’étais concernée et que cet article m’aurait choquée sur n’importe quel autre média, mais aussi parce que vous vous efforcez quand même de rendre des discussions possibles (même si c’est parfois compliqué de se faire comprendre d’un côté comme de l’autre). Je pense qu’il y a des membres qui ont des raisons valables de vous faire des reproches au vu de certains antécédents, que je ne mentionnerai pas parce que ce n’est pas le sujet, mais ça va vraiment au-delà de querelles individuelles.
Personnellement, je comprends bien votre position et je trouve qu’elle se défend parfaitement. Un magazine généraliste, non militant, qui se propose d’initier aux bases du féminisme et de donner certaines clés de réflexion à un lectorat majoritairement composé de jeunes filles d’une vingtaine d’années, voire moins, c’est cohérent. Et c’est ce que vous faites en abordant des questions comme le harcèlement de rue, la sexualité, etc. et globalement moi je trouve que vous faites souvent du bon boulot là-dessus (perso j’aime beaucoup les strips de cul de Cy par exemple, je les trouve en général inclusifs, déculpabilisants, et souvent drôles). C’est ce que tu dis souvent, mais si ça peut permettre au moins d’aider des gens à identifier un problème (comme le HDR par exemple) et à entamer une réflexion là-dessus, c’est clairement positif et personne ne va s’en plaindre. Donc que vous défendiez cette position, d’autant plus que vous avez une vision globale de l’impact de votre taf qui semble confirmer que ça marche bien pour diffuser certains messages auprès du plus grand nombre, à mon sens c’est légitime. D’autant que je suis #teampédagogie aussi (des fois je parle même d’homosexualité avec des mecs cis hétéro et même pas je les tape, c’est vous dire

), dans la mesure du possible (et ça ne l’est pas toujours), donc est-ce qu’on a besoin de rendre certains concepts accessibles et facilement compréhensibles pour avancer ? Bien sûr, et je crois que ça n’a rien de nouveau.
Cela étant posé, quand je vois que tu écris : « […] vous pensez qu'on ne connaît pas toutes les nuances du féminisme intersectionnel […] C'est juste qu'
on décide de les occulter sur madmoiZelle pour les raisons évoquées plus haut, en partant du principe que d'autres le feront mieux que nous pour un public plus averti. » je me dis que le problème vient sans doute de là. Tu insistes plusieurs fois sur le fait qu’on vous reprocherait de ne pas faire « assez bien » ou de ne pas aller « assez loin » dans vos articles qui traitent de problématiques féministes, mais à mon sens ce n’est pas forcément le souci. De mon point de vue, le féminisme intersectionnel (et je refais une parenthèse pour dire que le courant intersectionnel étant lui-même en proie à de nombreuses divergences, plus largement je pense qu’on parle du fait d’éviter de reproduire des schémas oppressifs au sein d’une lutte, donc par exemple éviter de propager des idées cissexistes sous prétexte que ça sert certaines revendications féministes) ne devrait pas être réservé à un public averti, et surtout, si c’est bien un concept auquel vous adhérez et vers lequel vous souhaitez encourager les gens à se tourner une fois qu’iels ont fait leur premières armes sur MadZ, ne devrait pas être « occulté »
à quelque moment que ce soit.
C’est-à-dire que, sans avoir recours à du charabia universitaire ou à des notions ultra complexes et spécifiques, on devrait pouvoir initier au féminisme sans faire l’impasse sur certains points par facilité, et surtout sans en passer par utiliser des moyens rhétoriques excluants ou oppressifs. Je pense que c’est le meilleur moyen pour poser des bases de compréhension saines pour quiconque commence à s’intéresser au féminisme. Il ne s’agit même pas de promouvoir UN courant bien précis sans laisser l’option aux autres d’exister ou d’être défendus, seulement l’intérêt de ce concept c’est qu’il permet de prendre conscience du caractère mouvant et de la multiplicité des types de dominations et d’oppressions qui coexistent et s’articulent dans nos sociétés, et de fait d’être beaucoup mieux à même d’éviter de les reproduire soi-même, et surtout d’être à l’écoute des gens qui vivent des oppressions qu’on ne vit pas. J’entends bien que beaucoup de gens (ça a été mon cas) commencent à comprendre le féminisme en acquiesçant à des idées très simplificatrices, mais malgré tout je ne suis pas d’avis qu’il est nécessaire d’en passer par des étapes qui renforcent l’idée que tant qu’on est féministe, on peut être raciste, homophobe ou transphobe, puisque ce n’est pas lié ou que ce sont des questions plus « pointues. » Si on peut éviter, vraiment, pourquoi ne pas intégrer le plus tôt possible des notions d’antiracisme, etc. quand on pose les bases du féminisme ? C’est même ce que beaucoup de personnes à l’origine du mouvement intersectionnel aux Etats-Unis ont reproché aux courants qui les précédaient : de partir du principe qu’il y avait des priorités qui demandaient qu’on occulte les problématiques qui touchaient des « minorités dans la minorité, » et ce qui a mené à compliquer encore les choses quand ces problématiques ont commencé à être abordées dans la sphère publique (accusations de communautarisme, ce genre de joyeusetés).
Et je suis persuadée que souvent ça passe par des choses simples, telles que remplacer certaines tournures (arrêter de mentionner des caractéristiques biologiques qui ne sont pas l’apanage des femmes comme si c’était équivalent, ne plus dire « c’est pas parce que les femmes ont un vagin que… » quand on sait que toutes les femmes n’ont pas un vagin, et que le sexisme et la misogynie sont loin d’épargner celles qui n’en ont pas un), ou tout simplement s’abstenir d’aborder certains sujets quand on prend le risque de promouvoir des choses fausses ou blessantes.
Faire du féminisme 101 n’excuse pas, et surtout ne nécessite pas d’avoir recours à des discours oppressifs. En aucun cas. C’est même le moment idéal pour éviter ça et ne pas risquer d’encourager les gens à rester avec l’idée que le féminisme ne concerne que les femmes blanches, cisgenres, et hétérosexuelles. Puisque ce n’est pas la vision que vous en avez, pourquoi prendre ce risque ? Tu dis,
@Fab, que tu préfères que ton lectorat approfondisse certaines notions ailleurs que sur MadmoiZelle, ce qui est bien sûr nécessaire et souhaitable, mais je sais d’expérience que tout le monde n’entame pas cette démarche. J’ai autour de moi des gens sensibilisés au féminisme qui peuvent tenir des propos extrêmement oppressifs sans s’en rendre compte, parce que leurs bases sont construites sur des postulats racistes ou transphobes notamment. Et c’est parfois encore plus dur de déloger ces idées de la tête de quelqu’un qui est déjà convaincu d’avoir de bonnes connaissances sur le sujet.
En résumé, je pense que vous pouvez complètement continuer de servir de porte d’entrée au féminisme, et le faire bien, et que personne ne vous en demande plus. Seulement ça n’implique pas d’occulter des problématiques plus complexes par opportunisme (au sens strict du terme, en faisant passer l’opportunité de produire des messages efficaces à destination du plus grand nombre avant le risque de laisser sur le carreau toute une partie des personnes concernées par le sexisme), mais justement de voir comment les inclure de façon accessible sans compromettre votre position de média non militant, accessible et divertissant. Ou du moins, et peut-être surtout, de voir comment éviter de légitimer certains schémas féministes classiques qui nuisent à une approche plus inclusive du mouvement, puisque vous reconnaissez que c’est dans l’intérêt de tout le monde, et que vous êtes vous-mêmes sensibilisé.e.s à ces questions.
(En fait je crois que tout ça a été dit de façon plus concise précédemment, et je répète que ce n'est pas de l'acharnement gratuit vu que je participe très rarement aux discussions sur le contenu du magazine.

Et il ne s'agit que de mon point de vue personnel. D'autre part, je précise que ce n'est pas une façon de dire que vous seriez responsables à vous seul.e.s de la propagation d'idées racistes, homophobes ou transphobes, ni que c'est à vous de combattre toutes les formes de discriminations existant, je reste bien sur cette idée d'initier des gens au féminisme et j'espère que c'est clair dans mon message.)