Ma relation avec mon père est très très complexe. Quand j'étais petite, jusqu'à mes 10 ans, il était très proche de moi. C'est lui qui m'accompagnait à l'école, lui qui me faisait manger le mercredi, lui qui me lisait l'histoire du soir, lui qui me faisait des câlins... Ma mère est d'origine asiatique, donc les câlins tout ça elle ne savait pas faire. Elle m'aimait, c'est sûr, mais elle ne savait pas comment s'y prendre. Je suis sa fille unique, alors que du côté de mon père je suis la benjamine de quatre enfants, dont le plus jeune a douze ans de plus que moi et désormais une petite fille de 18 mois, donc il savait être père.
Et puis à partir de mes 11 ans ça a été plus compliqué. Il trompait ma mère avec des filles très jeunes sur internet et il me racontait ses relations. Ma confiance en lui a commencé à diminuer jusqu'à atteindre un point mort le 8 avril 2013. J'avais 12 ans et il a abusé de moi durant la nuit. Il n'y a heureusement pas eu viol, mais ça a été le coup de massue. Après six mois de déni, j'ai développé un syndrome de stress post-traumatique, avec de grosses crises d'angoisses et des hallucinations ainsi que des flash back. J'avais peur de mon père, tandis qu'il se montrait de plus en plus tactile, qu'il faisait des remarques immondes sur mes seins qui poussaient, qu'en les dévoilant plus je devrais plaire aux garçons... Bref, il me sexualisait beaucoup, jusqu'à m'offrir un tshirt avec un décolleté jusqu'au nombril, toujours importable cinq ans après. À 13 ans, mal dans ma peau, c'était très difficile à vivre. J'ai fait plusieurs tentatives de suicide, je me suis fait insulter et frapper par mon père, et j'ai fini hospitalisée en pédiatrie puis en pédopsychiatrie à 14 ans. J'ai perdu beaucoup de poids, jusqu'à atteindre une IMC de 14. Une enquête a été ouverte mais qui a fini par un classement sans suites. En septembre suivant, pour ma rentrée en seconde, mon père est brusquement parti avec sa nouvelle copine, une philippine de l'âge de ma soeur. Je me suis retrouvée seule avec ma mère, qui a du supporter mes rechutes dues au harcèlement que je vivais au lycée. Je n'ai pas revu mon père depuis décembre 2015, où il avait passé un mois chez nous pour essayer d'arranger les choses. J'ai essayé de faire un recours pour la plainte, mais la brigadiere a jugé que ce n'était qu'un accident. Je n'ai plus eu de contact avec mon père depuis, sauf quelques fois dont une où alors que j'étais à nouveau hospitalisée en psy avec une anxiété généralisée et un stress post-traumatique très présent, il m'avait demander d'arrêter mes conneries en disant que c'était de ma faute si ma mère allait mal et que la psy qui me suivait dans ce service, une femme formidable, était incompétente et que je n'avais besoin que d'un coup de pied aux fesses. Cela me rappelle également qu'entre ma première hospitalisation et son départ, il m'avait forcé à arrêter mon traitements pour les hallucinations.
Désormais, à 18 ans, je n'ai eu de message de mon père qu'aujourd'hui, pour mon anniversaire. Il continue de m'envoyer des cadeaux pour Noël et pour mes anniversaires, mais je n'y touche jamais.