Merci au magasine de s'efforcer de parler à toutes les femmes.
Si j'avais eu des articles de Madmoizelle sous les yeux entre mes 16 et 23 ans, je me serais affirmée plus tôt dans ma sexualité hétéro, et j'aurais été décomplexée sur beaucoup de sujets.
Par contre, il me semble que Madmoizelle, s'il aborde une large palette de sujets féministes d'actualité, accorde plus de temps et d'articles à des pratiques centrées sur le plaisir masculin que sur le plaisir féminin lorsque l'on parle de relations hétéros. Beaucoup d'articles sur la fellation, moins sur le cunni, surtout ces derniers mois. Alors, certes, on parle beaucoup de masturbation féminine, mais plutôt en solo j'ai l'impression, et bien peu de pratiques visant à démocratiser et distiller le plaisir féminin prodigué par des hommes. Et c'est un peu les enjeux de notre société actuelle : au sein des couples hétéros, il faut que la femme prenne la place qui lui est dûe, et cela passe par la sexualité et par la pédagogie envers les messieurs.
Anouk Perry le faisait, de même que Queen Camille. Mais aujourd'hui, à part ré-editer d'anciens articles sur le sexe oral à destination des femmes (oui je suis un peu obsédée de cette pratique, pas de ma faute si elle est géniale), rien de nouveau.
Alors, oui les femmes ont le droit d'aimer sucer, d'aimer branler, d'aimer le porno non-feministe et de vouloir être TDS ou Cam Girl. On a le droit d'aimer la sodomie. Mais on a aussi le droit de ne plus vouloir de tout cela et de considérer que ces pratiques et professions ont été utilisées pour humilier les femmes plus que pour les émanciper.
Les enjeux du féminisme se situent-ils là: "j'ai le droit d'aimer sucer" ? Je pense que précisément pas. Sucer, ça a longtemps été une injonction pour les femmes hétéro, quitte à les culpabiliser, quitte à les inciter à accepter des gorges profondes allant jusqu'à vomir (article récent du magasine: "j'ai vomi sur la teub de mon mec").
Savoir branler, pratiquer la sodomie, on est nombreuses à avoir eu ces injonctions avec nos mecs, nos plans cul, nos exs. Pas besoin de nous faire dire "on a le droit de faire ça !" quand on rêverait plutôt de dire "on a le droit de faire autre chose !". Je ne dis pas que ces actes ne peuvent pas être kiffants; encore faut-il qu'ils soient réalisés dans un cadre égalitaire. Notre société est-elle égalitaire ?
Au contraire, se réapproprier son corps et ses désirs et apprendre à les imposer au sein des relations hétéros ainsi que dans la culture mainstream, c'est ça l'enjeu du féminisme. C'est ça la vraie sexualité positive.
D'ailleurs, ce concept de "sex-po" me semble être une arnaque. On dirait que derrière, c'est des mecs qui tirent les ficelles et qui nous la font à l'envers. Comme s'il existait une sexualité négative, un féminisme qui veut opprimer la sexualité des femmes.
Le terme branler une bite ne me choque pas, pas plus qu'un tuto pour savoir comment faire. Ce qui me choque un peu plus, c'est qu'on me parle de branlette et de sodomie là où j'aimerais qu'on parle branlette de chatte et léchage de clito, position andromaque et plans à trois hhf (une femme qui est reine au milieu de deux hommes, ça me fait plus rêver que la combinaison inverse).
Parmi les lectrices, certaines peut-être, dont moi, aimeraient voir la domination féminine comme un trip sexuel plus visible. Je suis peut-être seule dans mon délire, mais je suis un peu sur ma faim.
Le face-sitting, le squirting, les pratiques BDSM où les femmes dominent... Ça m'intéresse et je le vois très peu ici. * Comment espérer que les femmes s'empouvoirent si même les magasines féministes les présentent toujours dans des postures de dominées et à disposition du plaisir masculin, et RAREMENT L'INVERSE ?
De même, je voudrais voir des placements de produit pour couples explicitement destinés au plaisir féminin, type huile de massage et sexe oral (c'est compatible avec les muqueuses ? Est-ce que les rédactrices qui "testent à deux" les produits pourraient donner une vision vulvo- centrée de la chose ?)...
Bref. Il ne peut y avoir de sexualité positive si le plaisir masculin ecclypse le plaisir féminin, ou si le nombre d'articles est déséquilibré.
*Alors que récemment on a eu droit à un article sur le kink "se faire cracher dessus" qui mettait en évidence des commentaires de femmes voulant se faire cracher dessus par Oscar Isaac (à partir d'une simple photo sur laquelle il crache de l'eau...).