Je trouve ce tweet super révélateur d'une certaine ambiance militante Internet. Une MadZ a dit sur ce topic (je ne sais plus qui) que c'est pareil dans le militantisme physique mais je pense qu'il y a quand même une différence, c'est plus dur de dire "je vais te brûler" à quelqu'un qu'on a en face de soi sans réaliser "qu'on se comporte comme les oppresseurs". Alors que sur Internet, le harcèlement semble si "facile", "sans effet grave", "légitime" même.
Je ne considère pas ce tweet comme une vraie menace, et je pense que c'était une parole en l'air (j'ai tapé "brûler" dans la barre de recherche du forum pour retrouver ce topic et j'ai vu que plusieurs MadZ proposaient candidement de brûler des journalistes ou des gens, notamment sur l'ECM Féministe, on voit bien que c'est une expression pour "se défouler"), mais ça n'empêche pas qu'il révèle une dérive anormale de certains mouvements militants.
Je sais que c'est malvenu de dire "je ne considère pas" alors que je ne suis pas la cible, et je comprends parfaitement que ce tweet bouleverse mais je dis ça parce que du coup, je vois très bien le mécanisme de déni en face "pff les chochottes, on parle de manière un peu véhémente et ça y est, elles se croient menacées de mort pour de vrai alors que c'est juste pour nous défouler de la violence que leur attitude reproduit".
Honnêtement, je ne sais pas comment les rédactrices de MadmoiZelle et les jeunes femmes journalistes en général font pour continuer à traiter de sujets délicats tout en ayant un compte officiel sur les réseaux sociaux, vu le nombre d'insultes et de menaces qu'elles reçoivent de tous les côtés, féministes ou masculinistes. Ce serait aussi intéressant comme article...
Pendant l'affaire "Badmoizelle" (un compte Twitter accusait MadmoiZelle de mauvaises conditions de travail et de harcèlement au travail avec des témoignages anonymes), j'ai dit sur le topic du médiateur que je doutais quand même de la crédibilité de ce compte et que je faisais plutôt confiance à la rédac de MadmoiZelle. Bien mal m'en a pris, car la Twittosphère militante avait décidé que MadmoiZelle était l'ennemi à abattre (et accessoirement que les MadZ étaient "connes"), donc j'avais pris le mauvais parti.
Une personne a posté sur Twitter un screen de mon message en disant que je la décevais et en critiquant de manière très agressive mes propos. Elle ne m'a pas mentionné dans son tweet, ce qui fait que j'ai découvert par hasard qu'on disait du mal de moi dans mon dos, en public, alors que j'avais posté dans le cadre du forum sans penser que mes propos seraient extraits de la discussion en cours et détachés de mon historique de messages sur MadmoiZelle.
Je m'en suis plainte sur le topic du médiateur, la rédac est intervenu en disant que c'était pas cool et la personne n'a pas apprécié, elle m'a encore plus critiquée avec ses copines Twitter en disant que je me faisais passer pour une victime alors qu'elle avait anonymisé mon post, que c'était indécent etc. Et il a fallu qu'une MadZ la contacte spontanément sur Twitter pour lui demander gentiment d'effacer mon message parce que je ne souhaitais pas que mes propos soient diffusés là pour qu'ils soient effacés.
Cette personne qui m'a balancée sur Twitter était auto-décrite comme "militante intersectionnelle". Hé bien figurez-vous que c'était une MadZ qui me suivait sur Twitter et qui EN PLUS participait au topic en big-uppant ou écrivant des messages juste après les miens, comme si de rien n'était, avec un pseudo du forum différent de celui de Twitter. Elle savait parfaitement que je ne voulais pas que mon message aille sur Twitter puisque je l'avais dit sur le forum et qu'elle avait posté juste après, et elle pouvait parfaitement venir me parler ici en MP ou en public sur le topic mais non, elle a choisi volontairement de copier mes propos qu'elle jugeait "problématiques" pour les exposer en public sans prendre la peine de me parler, jamais. C'était vraiment l'idée qu'on a le droit d'exposer, de "shame" une personne si elle le "mérite". Quand j'ai découvert de quelle MadZ il s'agissait, j'étais stupéfaite de voir qu'elle continuait à poster comme si de rien n'était sur le forum, comme si on se connaissait pas, que mes propos la laissait indifférente, tout en persiflant sur moi sur Twitter.
Et j'ai reçu d'autres messages pas franchement agréable (sur les commentaires de mon blog notamment).
C'était vraiment bizarre de voir qu'une personne qui m'appréciait (elle me suivait sur Twitter, a été "déçue" de moi car elle m'imaginait autrement) m'a fait passer dans le camp des "traitres" en 2 lignes parce que je "remettais en cause la parole des victimes", comme s'il y avait des principes sacrés que le bon militant devrait respecter sans oser discuter, même en argumentant sur des pages et en prenant en compte l'avis des autres (moi j'estimais qu'un compte twitter inconnu et anonyme n'est pas "une victime" qu'on doit croire sur parole).
Et pendant cette affaire Badmoizelle, après ces quelques messages, je me suis sentie si mal que je n'osais plus rien dire sur le forum, à part sur des topics comme "La bible du soutien-gorge" où on ne risquait pas de m'épingler pour mes opinions, j'effaçais le moindre message qui suscitait un désaccord sur des sujets sensibles, j'ai supprimé temporairement le lien vers mon compte Twitter et mon blog de ma signature MadmoiZelle, tant j'avais peur d'être mal étiquetée pour avoir exprimé mon opinion, ou pire que quelqu'un finisse par me prendre comme bouc-émissaire et vouloir aller plus loin que des screens anonymes.
Et pourtant, ce n'était pas grand-chose, 4-5 messages sur Twitter où on ne donnait pas mon nom, quelques commentaires anonymes sur mon blog... mais c'était pesant quand même, ça me rappelait le collège où tu entendais les murmures réprobateurs des filles populaires quand tu passais devant elles dans les couloirs et où tu devenais une paria parce que tu avais mangé une fois à la cantine avec "la rejetée" de la classe. Alors si moi pour 4-5 messages où on ne me nommait pas vraiment, je me suis sentie inquiète comme ça, j'imagine même pas ce que doivent vivre les rédactrices avec ce genre de tweet...
Il y a un peu cette injonction au message parfait dans cette forme de militantisme, où on ne peut pas dévier d'une sorte de ligne éditoriale du militantisme officiel, même avec des arguments, qu'au moindre mot divergent, volontaire ou non, on est classé "oppresseur" ou "problématique". On s'inspire de concepts des sciences sociales et humaines mais on ne suit pas du tout le principe scientifique qui est de pouvoir discuter, remettre en cause et débattre à tout instant. Non, ces principes sont tordus pour devenir des dogmes.
Par exemple, on n'a pas le droit de parler des hommes victimes de violence, sauf dans certains contextes très restreints, alors que libérer la parole sur ce sujet me parait essentiel pour les femmes parce qu'on ne peut pas régler la culture du viol en se concentrant seulement sur un pan du problème. A une époque, on n'avait pas le droit de remettre en cause la pilule, de dire qu'on n'est pas forcément traumatisée après un viol ou qu'être mère au foyer c'est sympa... Heureusement que certaines ont ouvert leurs bouches pour dire "moi j'ai pas cette opinion", et heureusement que le militantisme online est aussi capable de faire preuve d'une ouverture d'esprit assez remarquable comparé au monde réel mais le problème, c'est que c'est vraiment une roulette russe : on sait jamais si on va être vu comme précurseur ou oppresseur.
Et il y a un phénomène qui me fait un peu penser aux cours d'école où il faut absolument se faire bien voir du reste du groupe en disant du mal, un peu comme une surenchère, des personnes identifiées comme ennemies par "le groupe" et surtout par les "influents".
Je me souviens encore de cette page Facebook "militante intersectionnelle" opposée à MadmoiZelle où des utilisatrices clairement blanches sur leurs photos critiquaient très agressivement les MadZ de la Veille Permanente Racisme (dont beaucoup étaient racisées) pour leurs propos pas assez anti-racistes à leur goût. C'était hyper violent et choquant de voir ces nanas qui se permettaient de donner des leçons sur comment gérer le racisme à des filles qui le vivaient, en pensant qu'elles étaient les VRAIES militantes, et qu'en traquant la parole déviante sur le sujet, elles allaient ainsi s'attirer la grâce de leurs copines militantes racisées.
Le côté "course au retweet et aux followers" sur Twitter, ça veut dire qu'on doit plaire à un certain public, et parfois ça pousse à radicaliser le message, à le polariser pour rentrer dans tel ou tel cercle d'audience.
Pour qu'un message soit vu comme novateur, il faut qu'une figure online populaire lui donne du crédit, comme dans une cour d'école, sinon, l'auteur peut se faire défoncer par les militants en ligne "de base". Et les mêmes figures online populaires peuvent tomber de leur piédestal en quelques secondes...
C'est limite intéressant tant ça reproduit les phénomènes de foule un peu basique parfois...
Bref
@Clemence Bodoc je pense qu'effectivement ton article sur "comment j'ai provoqué du cyberharcèlement" risque d'être mal reçu par certains vu l'image de MadmoiZelle mais je trouve que ça serait très intéressant et que ça pourrait faire réfléchir...
(j'hésite limite à mettre sous spoiler, je sais pas si ce message est lu de l'extérieur parce que j'ai pas envie de voir des screens de mes propos circuler à nouveau
)