@anima : je comprends ce que tu veux dire sur le fait que la condamnation d'Orelsan ne risque que de conforter chacun dans ses convictions.
Néanmoins, je voudrais préciser quelques petites choses :
1. Tu tentes de démontrer que cette condamnation est inefficace voir nocive, puisqu'elle ne fera changer personne d'opinion, et que le féminisme risque même d'avoir mauvaise presse. Or le fait de condamner ou pas Orelsan n'a pas pour but de "convaincre" l'opinion publique de quoi que ce soit. Quand quelqu'un est accusé d'avoir enfreint une loi, la question à se poser n'est pas "quel impact cela va-t-il avoir sur l'opinion ?" mais "l'accusé est-il coupable, et si oui, quelle sera sa sentence ?"
2. Je suppose qu'en fait, tu penses que le problème n'est pas tant la condamnation que le procès lui-même. Que ce sont les associations féministes qui ont mal calculé leur coup. Mais le but de ces associations n'était pas non plus de "convaincre" qui que ce soit, mais bien de rappeler que les lois existent et qu'elles doivent être appliquées. Ces associations n'ont pas pour but d'avoir une image consensuelle et de se faire apprécier de tout le monde, mais bien de défendre les droits des femmes.
3. Tu pointes les conséquences négatives de la condamnation, mais personnellement, j'en vois une positive : les prochaines personnes qui souhaiteront diffuser un contenu pouvant être interprété comme une incitation à la haine ou à la violence contre les femmes, si elles ont entendu parler de ce procès, seront peut-être un peu plus précautionneuses.
Je ne dis pas que le monde va être subitement purgé de tous les sexistes et misogynes du monde entier, ni que tous vont s’autocensurer en tremblant. Je ne suis pas naïve.
Mais le message qui est envoyé ici est que le second degré ou la mise à distance doivent être suffisamment explicites pour qu'un contenu ne soit pas interprété comme de l'incitation à la haine. On ne demande pas une grosse banderole "ATTENTION, SARCASME", mais simplement, un petit élément signifiant la mise à distance. Il suffit parfois de vraiment pas grand chose. Et si quelques artistes peuvent garder ça en tête quand ils écrivent leurs chansons, leurs sketches, leurs scénarios, etc, ce serait déjà une grande avancée.
4 : Tu dis à propos de la chanson "Sale pute" qu'"il n’interprétait jamais cette chanson en concert parce que justement il était conscient que cette dernière pouvait choquer et qu’elle ne figure sur aucun de ses albums" - ça méritait d'être souligné, et c'est tout à son honneur. Cependant, j'ai lu ici que la condamnation portait sur un concert de 2009. Il se rendait donc compte que les paroles de "Sale pute" étaient problématiques et pouvaient avoir un impact négatif, mais pas des paroles comme "les meufs c'est des putes" ou "mais ferme ta gueule ou tu vas t'faire marie-trintigner" ? Ou alors c'est moi qui ai mal compris ?
Voilà pour ma réponse à tes arguments.
Je sais que ce sujet n'a pas fini de faire polémiquer, car la distance entre le message de l'artiste et le contenu de l’œuvre est quelque chose de très délicat, et pas toujours facile à déterminer - que ce soit pour une personne lambda ou pour la justice.
___________________________________
Encore deux remarques plus générales.
1. Dans ce genre de débat sur la liberté d'expression, l'argument "quand on connaît le personnage et la totalité de son œuvre..." m'a toujours semblé douteux. On peut tout à fait ne pas être fondamentalement sexiste mais tenir des propos sexistes. On peut tout à fait ne pas être fondamentalement raciste mais discriminer une personne sur des préjugés racistes. Le discours de "je ne suis pas X-iste donc ce que j'ai dit sur X n'est pas problématique" n'a aucun sens.
Il faut apprendre à dissocier les différents aspects d'une œuvre, et à dissocier l'artiste et l’œuvre. Je trouve le film Cendrillon magnifique, mais je sais reconnaître qu'il contient bon nombre de messages problématiques. Je trouve que Klaus Kinski est un acteur d'un talent incroyable, mais ça n'empêche pas qu'humainement, c'était une pourriture. J'adore le film Transamerica, et je trouve qu'il aborde un personnage trans* de façon subtile et intelligente, tout en reconnaissant que choisir une actrice cisgenre était problématique. Et je ne connais pas Orelsan, donc je ne me permettrai de juger ni son œuvre dans sa globalié, ni sa personnalité, ni ses idées. Mais ce qui est jugé ici, c'est bien le contenu d'une chanson. Je sais que quand on apprécie quelqu'un, il est difficile de ne pas avoir de réaction épidermique face à toute attaque de cette personne... mais on en ressort grandi si on passe outre cette réaction et qu'on essaye d'accepter que tout n'est pas soit blanc soit noir, et que quelqu'un d'intelligent et progressiste peut dire ou faire des conneries. Même nous, d'ailleurs.
2. Quand on fait ou dit quelque chose sur la place publique et que c'est interprété comme une incitation à la haine, comme un propos raciste, sexiste, homophobe, tout ce qu'on veut, la bonne réaction n'est pas "ce n'est pas ce que je voulais dire, vous m'avez mal compris" (bref, je ne suis pas responsable, c'est la faute de l'autre qui n'a pas assez bien analysé mes propos - et surtout, je ne vais rien changer à ma façon de faire) mais bien : "je suis désolé, ce que j'ai dit est problématique, je m'excuse auprès des personnes qui ont été blessées et je serai plus attentif à ce sujet à l'avenir" (bref, montrer qu'on a entendu la critique, qu'on a réfléchi au problème, qu'on sait que notre "gentillesse" n'est pas un bouclier qui nous empêche de dire des choses de façon maladroite ou dangereuse, et qu'on va utiliser cette critique de façon positive).
Néanmoins, je voudrais préciser quelques petites choses :
1. Tu tentes de démontrer que cette condamnation est inefficace voir nocive, puisqu'elle ne fera changer personne d'opinion, et que le féminisme risque même d'avoir mauvaise presse. Or le fait de condamner ou pas Orelsan n'a pas pour but de "convaincre" l'opinion publique de quoi que ce soit. Quand quelqu'un est accusé d'avoir enfreint une loi, la question à se poser n'est pas "quel impact cela va-t-il avoir sur l'opinion ?" mais "l'accusé est-il coupable, et si oui, quelle sera sa sentence ?"
2. Je suppose qu'en fait, tu penses que le problème n'est pas tant la condamnation que le procès lui-même. Que ce sont les associations féministes qui ont mal calculé leur coup. Mais le but de ces associations n'était pas non plus de "convaincre" qui que ce soit, mais bien de rappeler que les lois existent et qu'elles doivent être appliquées. Ces associations n'ont pas pour but d'avoir une image consensuelle et de se faire apprécier de tout le monde, mais bien de défendre les droits des femmes.
3. Tu pointes les conséquences négatives de la condamnation, mais personnellement, j'en vois une positive : les prochaines personnes qui souhaiteront diffuser un contenu pouvant être interprété comme une incitation à la haine ou à la violence contre les femmes, si elles ont entendu parler de ce procès, seront peut-être un peu plus précautionneuses.
Je ne dis pas que le monde va être subitement purgé de tous les sexistes et misogynes du monde entier, ni que tous vont s’autocensurer en tremblant. Je ne suis pas naïve.
Mais le message qui est envoyé ici est que le second degré ou la mise à distance doivent être suffisamment explicites pour qu'un contenu ne soit pas interprété comme de l'incitation à la haine. On ne demande pas une grosse banderole "ATTENTION, SARCASME", mais simplement, un petit élément signifiant la mise à distance. Il suffit parfois de vraiment pas grand chose. Et si quelques artistes peuvent garder ça en tête quand ils écrivent leurs chansons, leurs sketches, leurs scénarios, etc, ce serait déjà une grande avancée.
4 : Tu dis à propos de la chanson "Sale pute" qu'"il n’interprétait jamais cette chanson en concert parce que justement il était conscient que cette dernière pouvait choquer et qu’elle ne figure sur aucun de ses albums" - ça méritait d'être souligné, et c'est tout à son honneur. Cependant, j'ai lu ici que la condamnation portait sur un concert de 2009. Il se rendait donc compte que les paroles de "Sale pute" étaient problématiques et pouvaient avoir un impact négatif, mais pas des paroles comme "les meufs c'est des putes" ou "mais ferme ta gueule ou tu vas t'faire marie-trintigner" ? Ou alors c'est moi qui ai mal compris ?
Voilà pour ma réponse à tes arguments.
Je sais que ce sujet n'a pas fini de faire polémiquer, car la distance entre le message de l'artiste et le contenu de l’œuvre est quelque chose de très délicat, et pas toujours facile à déterminer - que ce soit pour une personne lambda ou pour la justice.
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Encore deux remarques plus générales.
1. Dans ce genre de débat sur la liberté d'expression, l'argument "quand on connaît le personnage et la totalité de son œuvre..." m'a toujours semblé douteux. On peut tout à fait ne pas être fondamentalement sexiste mais tenir des propos sexistes. On peut tout à fait ne pas être fondamentalement raciste mais discriminer une personne sur des préjugés racistes. Le discours de "je ne suis pas X-iste donc ce que j'ai dit sur X n'est pas problématique" n'a aucun sens.
Il faut apprendre à dissocier les différents aspects d'une œuvre, et à dissocier l'artiste et l’œuvre. Je trouve le film Cendrillon magnifique, mais je sais reconnaître qu'il contient bon nombre de messages problématiques. Je trouve que Klaus Kinski est un acteur d'un talent incroyable, mais ça n'empêche pas qu'humainement, c'était une pourriture. J'adore le film Transamerica, et je trouve qu'il aborde un personnage trans* de façon subtile et intelligente, tout en reconnaissant que choisir une actrice cisgenre était problématique. Et je ne connais pas Orelsan, donc je ne me permettrai de juger ni son œuvre dans sa globalié, ni sa personnalité, ni ses idées. Mais ce qui est jugé ici, c'est bien le contenu d'une chanson. Je sais que quand on apprécie quelqu'un, il est difficile de ne pas avoir de réaction épidermique face à toute attaque de cette personne... mais on en ressort grandi si on passe outre cette réaction et qu'on essaye d'accepter que tout n'est pas soit blanc soit noir, et que quelqu'un d'intelligent et progressiste peut dire ou faire des conneries. Même nous, d'ailleurs.
2. Quand on fait ou dit quelque chose sur la place publique et que c'est interprété comme une incitation à la haine, comme un propos raciste, sexiste, homophobe, tout ce qu'on veut, la bonne réaction n'est pas "ce n'est pas ce que je voulais dire, vous m'avez mal compris" (bref, je ne suis pas responsable, c'est la faute de l'autre qui n'a pas assez bien analysé mes propos - et surtout, je ne vais rien changer à ma façon de faire) mais bien : "je suis désolé, ce que j'ai dit est problématique, je m'excuse auprès des personnes qui ont été blessées et je serai plus attentif à ce sujet à l'avenir" (bref, montrer qu'on a entendu la critique, qu'on a réfléchi au problème, qu'on sait que notre "gentillesse" n'est pas un bouclier qui nous empêche de dire des choses de façon maladroite ou dangereuse, et qu'on va utiliser cette critique de façon positive).
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