@AngeWinnie
Sauf que le fait que les organes génitaux, par leur présence même et surtout leur vision, portent un discours qui est "sexe", c'est une construction, et l'un des buts que pourrait avoir cette artiste serait de déconstruire le lien entre l'organe biologique et la signification qu'on lui fait porter...
En plus je trouve tout ce discours autour du consentement complètement à double vitesse : quand je vais dans les musées d'art ancien, les statues mâles ont des organes bien visibles et oui, ça me met mal à l'aise même si c'est de la pierre. Mais on trouve ça acceptable parce que c'est de l'art, alors qu'on est pas forcément prévenu d'une part (en fait, ça semble tellement normal à tout le monde qu'on s'y attend), et que d'autre part, on ne peut pas forcément y échapper. De même, des pénis je suis désolé mais on en voit représentés tout le temps et partout (des tables d'écoliers à l'étude de textes littéraires qui fait voir des métaphores phalliques dans la moindre description d'arbre). Et il y a des gens que ça gêne, comme moi, et pourtant personne n'en parle.
Perso je trouve ça très intéressant ce qu'elle fait, d'une part elle fait de sa propre chair une oeuvre d'art, pour montrer qu'il faut dissocier son vrai corps (réalité) et l'oeuvre qu'elle construit à partir de cette matière (de même que les statues ne sont pas de la pierre, mais des représentations d'êtres divers...). C'est juste le principe d'une performance en fait, c'est à dire que son corps devient une matière à partir de laquelle elle fabrique l'oeuvre. Mais le fait que la matière "corps marqué comme féminin" ne soit pas lu comme pouvant être façonnée en oeuvre par l'exhibition, et à l'inverse que certaines chose comme "un sexe marqué comme féminin" soient du domaine de l'irreprésentable, ça en dit long sur notre rapport à l'art, et sur ce qu'on associe : quel matériau, pour représenter quoi, et est-ce qu'il y a des associations entre matériau et figure qui sont impossibles, et pourquoi ? Justement elle joue sur l'impression première qu'on est face à un corps réel de femme, pour ensuite par le cadre (musée) et la présence d'autres oeuvres montrer qu'en fait il s'agit d'un corps de femme représenté avec un corps de femme (association figure/matériau assez inédite). C'est complètement tautologique mais en même temps ça a un effet dissociatif que je trouve génial. Peu importe son intention, ce qui compte c'est l'effet que ça a. Je trouve qu'elle provoque des effets très intéressants, y compris dans les remarques que je peux lire ici, particulièrement dans le fait qu'elle choque, et pourquoi. Elle choque parce que la première chose qu'on voit chez elle, c'est la nudité dans le réel (comme la nudité d'exhibitionnistes ou dans des vestiaires) et pas la nudité représentée dans une oeuvre d'art, parce qu'on ne s'attend pas à voir une oeuvre d'art là-dedans, et pourquoi, parce qu'en art, bin les vulves elles sont toutes lisses, et surtout, elle ne sont pas en chair. Même si elle n'avait pas cette intention, je trouve qu'elle introduit beaucoup de choses très complexes et qui font énormément penser.