Au risque d'être redondante vis-à-vis de certains autres posts... "Excellent", l'article de Claude Askolovitch sur Slate, vraiment
?
Je vois pas comment un article qui comporte la phrase
"Chacun peut choisir ses apparences. Les larmes de Sandrine Rousseau en sont une." peut être qualifié d'excellent. Faut vraiment ne rien comprendre et/ou être complètement dénué d'empathie pour décréter comme ça que les larmes de Rousseau sont une apparence choisie. C'est d'une violence inouïe. Il me paraît plus qu'évident que Rousseau n'a pas
choisi de pleurer sur le plateau - à la limite, choisi d'écrire (et encore ça me paraît discutable). Tout comme Angot, avec sa souffrance manifeste, n'a pas
choisi de se murer dans sa dureté, dans son livre
L'Inceste, dans sa solitude. Visiblement, pour chacune, la position adoptée était évidente, nécessaire, la
seule possible en fait (c'est d'ailleur à cause de cette évidence que l'affrontement est si violent) : on ne peut absolument pas parler de choix, ni pour l'une ni pour l'autre.
Je pense qu'il est crucial de se distancier des postures comme celle d'Askolovitch, qui s'amuse à comparer les souffrances des deux femmes. Justement, ici, elles n'ont par définition pas le même statut : Angot a peut-être vécu """""plus grave""""" dans le sens ou c'est condamné plus gravement par la loi (mais quel intérêt de mettre tout ça en balance dans l'article de Slate ?), mais dans l'émission, elle est
chroniqueuse, pas invitée, elle n'est pas là pour témoigner, mais pour réagir au livre de Rousseau. Clairement, quand elle dit qu'elle a arrêté de lire à la p. 46, elle refuse
de facto d'accueillir Rousseau comme l'invitée qu'elle est, et comme l'écrivaine qu'elle est (alors que la question de l'écrivain semble si importante pour elle). C'est pourquoi moi, je ne peux pas nier la violence d'Angot face à Sandrine Rousseau. Et c'est aussi pourquoi l'article de Slate me débecte ; Askolovitch se pose en arbitre : "Deux femmes ne sont pas d'accord ? Je vais y mettre mon grain de sel" (au nom de quoi ? on ne sait pas). On va me taxer de misandre mais pour le coup là c'est bien un mec qui parle,
et pas comme il devrait. Le seul de ses pairs (par là je veux dire : le seul homme) qu'il évoque, c'est Denis Beaupin, pour rappeler que ce dernier conteste les accusations. Sérieux ? Pour le coup, faire l'éloge de cet article contrevient complètement à ton propos
@Mymy qui consiste à dire que les hommes doivent parler de leur responsabilité en tant que groupe social.
D'autant qu'Askolovitch passe un bon tiers de l'article à rappeler le statut de victime qu'Angot rejette précisément - alors que c'est LE point où elle est légitime. C'est SON histoire, SON passé, elle se définit comme elle le veut (et surtout, encore une fois, comme elle le peut). Je précise d'ailleurs que j'ai trouvé Angot véritablement intéressante au moment où elle a arrêté de déverser sa rage sur la mauvaise personne et où elle a enfin expliqué ce qui la gênait dans la mise en scène des paroles de victimes : la laideur. Là pour le coup on sentait qu'elle parlait en tant qu'écrivain et on comprenait enfin ("enfin" à l'échelle de la séquence hein, j'imagine que quand on lit ses livres on le comprend !) pourquoi justement son statut d'écrivain était indissociable de son refus du statut victimaire : parce qu'elle refuse cette laideur, elle ne s'y reconnait pas.