Sur l'affaire du privilège binaire : pour moi, le privilège binaire n'existe pas, ou alors c'est vraiment que dalle par rapport aux oppressions subies par toutes les personnes trans, aussi ça me semble pas utile de se concentrer dessus. Les vrais privilèges, ce sont les cis qui les ont, et notre véritable ennemi, c'est le cishétéropatriarcat et celleux qui le font fonctionner.
Si à titre personnel certaines personnes trans "binaires" (j'ai déjà du mal avec le concept mais soites) ont des privilèges (passing, parcours qui correspond à ce qui est demandé au niveau médical), ce sont des privilèges par rapport à une oppression, car ielles correspondent à ce qu'on attend d'elleux comme personnes trans, une sorte de conformité. Et ça ne fait pas bénéficier l'ensemble du groupe "trans binaires" d'un privilège.
Les transmédicalistes n'ont pas non plus un privilège (comme les femmes sexistes) mais leur transmédicalisme est une conséquence de l'oppression. Ielles s'oppriment eux mêmes avec cela, par ailleurs.
Après ça ne veut pas dire qu'il y a des oppressions spécifiques non-binaires. Une personne AFAB demi-girl ne partage pas du tout le même vécu et les mêmes oppressions qu'une personne AMAB demi-girl par exemple. Il y a les groupes en termes d'enjeux de pouvoir (cishommes, cisfemmes, femmes, personnes LGBT, personnes trans... et d'autres) et les identités. Non-binaire est une identité, mais ce n'est pas un groupe homogène en terme d'enjeu de pouvoir.
Je vais copier-coller la réponse que j'ai mise sur facebook à ce sujet quand j'ai vu passer ce truc :
- on peut être trans/non binaire et ne pas vouloir transitionner sans pour autant que ça fasse de nous des cis en fait. En fait c'est super compliqué de faire des eux vs nous et ça marche dans les deux sens.
- à mes yeux il y a une nuance entre multiplier les étiquettes (ce qui peut être utile à titre individuel) et envoyer bouler des gens pour des manques de vocabulaire. On peut aussi être d'accord avec cet usage du vocabulaire sans pour autant lui accorder plus d'importance qu'il n'en a et exclure des personnes qui ne l'utilisent pas/en utilisent un autre.
-le fait d'être bien dans sa tête et de pouvoir concevoir son genre et son identité est une forme de privilège. Sur ce point les personnes trans, non binaires et autres sont rarement pas confrontées au problème (en fait même beaucoup de cis peuvent y faire face) c'est plutôt un continuum donc il n'y a pas de privilège binaire. Mais ce n'est pas pour autant qu'il faut évacuer à mon sens le besoin de se dire qui passe pour les personnes non binaires (trans ou pas) par du vocabulaire spécifique, en faire quelque chose de futile et de nuisible. L'usage de ce vocabulaire pour exclure des personnes trans ou nier leur vécu est nuisible, mais la création en elle-même de vocabulaire ne l'est pas.
- en fait le mouvement transgenre est déjà une sorte de politisation de la non binarité puisque de base on déclare qu'il n'y a pas que deux groupes d'humains. Le mouvement non binaire politique c'est à mes yeux une déclinaison de cette lutte contre la cisheteronormativité. On peut être d'accord ou pas sur l'efficacité de la démarche mais pas sur le fait que ça fasse partie du mouvement de destruction du patriarcat.
PS: je reviendrais pas sur certaines généralisations problématiques faites sous le coup le la colère. Toutes les personnes nb ne sont pas d'accord et ça ne veut pas dire la même chose pour tout le monde que d'être nb. Seules les oppressions sont à mon sens ce qu'on peut discuter et que ça aie un sens. Je trouve ça parfaitement inutile de dire qu'il y a des identités plus valables, plus réelles que d'autres. On peut discuter sur l'usage de ces identités (notamment pour se revendiquer opprimé alors qu'on ne l'est pas) mais pas sur ces identités elles-mêmes.