J'attends cet article depuis la diffusion de ce reportage, j'étais sûre que madmoizelle en parlerait. Comme toujours, ce cybermagazine ne me déçoit pas. La toute récente médiatisation de ce phénomène me déstabilise énormément, remue méchamment mon passé. Je suis en train de prendre conscience de beaucoup de choses. Et là, je suis tombée sur le reportage d'infrarouge sur France 2, comme ça, juste après Secret d'Histoire, seule émission pour laquelle je prends la peine d'allumer mon poste de télévision. J'ai été profondément choquée, les souvenirs me sont remontés au bord des lèvres. Je n'étais pas seule dans la pièce alors j'ai prétexté 10 min plus tard un mal de tête pour aller à mon appart'. J'ai pleuré toutes les larmes de mon corps. Depuis que c'était arrivé, je n'avais jamais parlé, ni même sous-entendu cette période, je m'étais même interdite d'en pleurer. Cette histoire n'a jamais existé. Je l'ai effacée. On ne m'y reprendra plus.
J'ai donc été harcelée moi aussi, mais à l'école primaire et non au collège et au lycée. Ca a duré un peu plus de 3 ans. Tout simplement parce que j'étais timide, boulotte et lisait dans la cour au lieu de courir. Ca a commencé par une amitié toxique (genre Sarah dans Respire pour ceux qui l'ont vu) puis ça s'est poursuivi par des agressions physiques et morales systématiques de la part de toute la classe. Je n'étais jamais seule, aux récrées, j'étais le jouet favori, je ne me rappelle pas d'une seule récréation où la paix m'ait été laissée. Je ne suis pas là pour raconter mon histoire, je suis sur que c'est la même pour tout le monde, mais je suis là pour
réagir au reportage et vos commentaire que j'ai lus avec beaucoup d'intérêt..
J'ai toujours eu honte de cette période, j'ai toujours tout fait pour l'étouffer, j'ai toujours tout fait pour que personne n'en doute, j'ai étouffé le couteau dans l'oeuf dès mon arrivée au collège. J'ai contrôlé mes paroles et gestes durant le restant de mes années scolaires. J'ai balisé le périmètre, rejeté toute personne susceptible de renverser ma réputation. Je n'ai jamais harcelé mais j'étais devenue le clone des potentielles harceleuses. Je n'en jamais parlé, pas même à une personne se confiant sur le sujet. Je suis en train de me rendre compte que je suis encore dans la bataille à l'heure qu'il est. Je vis dans la peur qu'on le découvre. Pour moi, l'aveu serait comme ouvrir la porte ouverte à une nouvelle période de harcèlement. Mais en écoutant le discours de ces jeunes à la télévision, j'ai ressenti l'envie de le dire, le besoin d'en parler. Presque le besoin de me revendiquer. Voir cette émission m'a fait craquer, m'a fait réaliser que je n'étais pas seule, j'ai soufflé pour la première fois depuis. Vraiment j'ai soufflé. On était écouté, on était défendus. Je suis restée baba, moi qui ai toujours pensé que j'avais mérité tout ça, que je n'avais qu'à avoir été comme les autres, que les enfants comme moi ne causaient que des problèmes à l'établissement.
Si je n'avais pas changé de ville avant le passage au collège, j'y serai restée, c'est certain. Ce qui vous protège lorsque vous êtes enfant, c'est votre innocence. Le suicide était une pensée trop précoce, trop mature pour une enfant de 10 ans. Mais je suis passée par mes déboires. J'ai fait de l'anorexie au collège, de la phobie scolaire en 1ère et Tale. Je suis allée voir une psy du lycée pour comprendre d'où venait cette soudaine paresse de me lever pour aller au lycée, moi qui ait toujours adoré les cours et les bons résultats. Elle a réussi à trouver la solution dans mon passé: Cette paresse n'en était pas, c'était de la phobie. Je n'ai jamais subis aucune brimade au lycée, j'étais très bien entourée, mais j'avais une angoisse inconsciente en moi. Une angoisse qui me paralysait quand il s'agissait d'aller en cours, j'arrivais devant l'établissement avec le coeur battant à la chamade. Je ne comprenais pas, mes amis non plus. J'ai mis ça sur le compte de l'adolescence, de la liberté du lycée… Mais ce genre d'attitude ne me ressemblait pas. J'ai donc vécu des périodes être deux extrêmes, avec moi c'était tout ou rien. Je vis depuis toujours avec un grand manque de confiance en moi, je vais avec la boule au ventre à tout partiel, tout entretien, tout bain de foule, tout après-midi d'animation en centre de loisirs.
Aussi longtemps que ça puisse remonter, nous avons vécu un traumatisme avec lequel il va falloir vivre. Je sais qu'il y a des choses tellement plus graves, mais l'école vous construit, vous apprend à vivre dans une société, vous apprend la vie, d'une manière ou d'une autre. Les enfants harcelés n'y comprennent qu'une absence d'humanité.
Apprendre aux enfants comment se défendre … Je ne sais pas si c'est une excellente idée, je penche plutôt pour l'idée de leur faire comprendre qu'ils ont des DROITS. Le harcèlement scolaire doit être explicitement INTERDIT DANS LE REGLEMENT INTERIEUR SOUS PEINE DE RENVOI. A l'école, j'avais une manière très maladroite de me défendre, mais je me souviens m'être défendue une fois de manière très intelligente et très vraie… J'ai été ruée de coup sur le chemin du retour à la maison, mes cheveux ont été coupés, mes affaires déchirées, mes lèvres explosées et mon visage dégoulinant de crachats. Et ils ont demandé à ma copine de me brutaliser la cheville, ce qu'elle a dû faire. C'est aux ADULTES DE REAGIR, LE MANQUE DE REACTION AU HARCELEMENT SCOLAIRE DOIT ASSOCIE A L'ARTICLE 223-6 DU CODE PENAL, LA NON-ASSISTANCE A PERSONNE EN DANGER ! Aussi longtemps que je serai en fac de droit, je me battrai pour que le harcèlement scolaire soit préjudiciable ! Je vais rejoindre une association et en parler !