Suzelle;3395396 a dit :Premièrement, parce que le sexe ne représente pas la même chose pour tout le monde, et que c'est bien là l'une de nos libertés les plus primordiale : décider de comment on voit le sexe et de comment on vie sa sexualité. Si une fille/une femme décide que pour elle, le sexe est indissociable des sentiments, c'est son droit, société ou pas société.
Ah mais ça on est bien d'accord, on devrait pouvoir être libre de considérer notre sexe comme bon nous semble! Saut qu'en l'état actuel des choses, on ne nous laisse pas tellement le choix : combien de fois j'ai vu "vagin" être désigné par "intimité"? Et ça n'est qu'un exemple parmi tant d'autres (au passage, je pense qu'on gagnerait à être un peu moins pudibond avec ce mot, histoire de le rendre un peu moins tabou).
Par contre je ne comprends pas trop le rapport avec l'association sexe/sentiment... On peut très bien associer sexe et sentiments sans pour autant estimer que le vagin représente l'intimité...
Là encore, on est d'accord, le viol représente une négation non seulement du consentement, mais aussi du statut de personne de la victime. Cela étant, on peut estimer qu'il en va de même pour d'autres types d'agressions non-sexuelles... Alors comment expliquer que la honte, le sentiment d'être sale, souillée, soient intrinsèques au viol et pas au fait de se faire rouer de coups par exemple?Ensuite, parce que même sans la dimension que je viens d'évoquer, j'ai l'impression qu'il y a un truc auquel on ne pense pas : comment ne pas se sentir "sale", "souillée", quand un être tierce, sans droit de décision sur nous, nous utilise comme un objet sexuel pour satisfaire son plaisir ? Comment ne pas se sentir blessée dans son honneur et dans son amour propre quand on vient de se faire littéralement utiliser, et ainsi, mis face à pas mal d'horreur ? Non, ce n'est pas normal, personne ne devrait avoir a se sentir honteuse et blessée d'avoir été violée, tout simplement parce que c'est l’agresseur qui est tombé plus bas que terre. Mais c'est compréhensible, et on ne peut pas toujours tout remettre sur le dos de la société qui nous influence, parce que desfois, ça va plus loin que ça.
J'irais même plus loin : par quoi est inspirée la honte de façon générale? Par le regard des autres, qu'il soit extérieur ou qu'on se le soit approprié via l'intériorisation de normes et codes sociaux. La honte ça n'est pas un sentiment "inné", il est nécessairement induit par la vie en société et par la transgression de ses règles. La honte est aussi intimement liée à la culture, d'un pays à l'autre on n'aura pas honte des mêmes choses.
Pour prendre un exemple tout con : se curer le nez dans l'absolu, ça n'a rien de honteux! Mais si tu le fais, tu auras un sentiment de gène parce que tu sais que c'est communément perçu comme sale et malpoli. Et tu n'a pas besoin qu'une tierce personne t'en fasse la remarque, tu as intériorisé le fait que c'est une attitude socialement réprouvée et tu deviens ton propre juge (j'ai pris l'exemple du curage de nez, mais s'il ne te convainc pas, tu peux en insérer un autre à la place).
Si j'applique ce raisonnement au viol, une pénétration forcée inspire de la honte à la victime parce qu'elle a intériorisé une certaine conception de son propre corps et de la sexualité instillée par l'éducation, par son environnement et par la société dans son ensemble.
Un viol peut inspirer de la colère, un sentiment d'injustice, de la tristesse,... mais un sentiment de honte alors qu'on est victime? Ca interroge, quand même! Non, on ne peut pas reprocher aux victimes d'éprouver cette honte, par contre on peut s'indigner contre une société qui, par le regard qu'elle porte sur la sexualité et le corps féminins, contribue à inspirer, voire cautionne ce sentiment de honte.
Pour finir, je préfère croire que la société a sa part de responsabilité dans tout ça, plutôt que de devoir m'incliner devant le fait qu'une pénétration forcée entraine "naturellement" un sentiment de honte. Parce que les représentations sociales et culturelles, elles peuvent être déconstruites et évoluer.