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What would Madonna do
Je ne conteste absolument pas ton droit à considérer que ton vagin représente ton intimité. Le problème, c'est qu'on ne nous laisse pas tellement de choix à ce niveau là.
Pourquoi est-ce-que c'est dérangeant qu'à l'échelle de la société, on situe l'intimité dans le vagin?
Parce qu'on a tendance à considérer qu'on ne fait pas n'importe quoi de son intimité, on ne l'ouvre pas à n'importe qui, et si on le fait, ça veut dire que finalement elle a bien peu de prix, (et souvent on juge la personne à la façon dont elle gère son intimité, d'où le slut-bashing par exemple). Ça a aussi longtemps conduit à penser qu'une intimité intacte était un gage de fiabilité, d'intégrité morale et de pureté, et c'est peut-être bien pour ça qu'on nous a longtemps fait ch*** avec ces histoires de virginité. Et puis c'est peut-être bien ça l'enjeu d'un viol : les femmes ne sont pas les seules à avoir intériorisé la sacralisation culturelle de leur sexe, les agresseurs évoluent dans la même société et intègrent aussi cette idée, et c'est sans doute pour ça que, plus que quelques minutes de plaisir, un viol représente aussi la possibilité pour les violeurs de déshumaniser une personne en la dépossédant de l'ultime sanctuaire de son "intimité". C'est pour cette raison que je disais qu'on ne pouvait pas voler s'il n'y avait rien à voler.
Au passage, j'ai remarqué que vagin et intimité étaient souvent des termes interchangeables, en revanche je n'ai jamais constaté la même chose pour le pénis qu'on assimilera plutôt à la virilité. A mon avis, ce qui joue, c'est le fait que le vagin soit souvent caractérisé en premier lieu par le fait qu'il soit une cavité, qu'il soit "intérieur", "dissimulé" qualités assimilées à ... l'intimité.
Les gens devraient pouvoir choisir où ils veulent situer leur intimité et s'ils la perçoivent entre leurs cuisses, grand bien leur fasse, en soi, je n'ai rien contre ça. Mais quand la culture/la société induisent massivement cette idée à travers la religion, l'éducation, la psychanalyse et autres, ça devient stigmatisant pour ceux qui dévient de la norme, et
potentiellement liberticide pour tout le monde. Pour être plus claire, ce qui est dérangeant ça n'est pas le principe en lui-même, c'est le fait qu'il nous soit imposée de façon très pernicieuse et que sa transgression soit condamnée de façon tout aussi pernicieuse.
Ensuite, c'est beaucoup plus personnel et subjectif, mais je ne vois absolument pas pourquoi percevoir le vagin comme un organe neutre sur le plan symbolique, empêche de prendre son pied avec ou de partager du plaisir, de la complicité et de l'amour avec son partenaire. J'ai eu des rapports sans pénétration beaucoup plus chaleureux que certains rapports avec (et je ne fais même pas allusion au viol). Cette désacralisation de mon sexe ne m'empêche pas de pouvoir tisser un lien avec quelqu'un en le prenant en moi, parce qu'à mes yeux, ce qui détermine le degré d'intimité d'un rapport sexuel ça n'est pas la pénétration de mon vagin, c'est la relation que j'entretiens avec mon partenaire, et ce que ce rapport signifie pour nous. J'ajouterais que je "n'offre" pas mon vagin. Quand il prend un pénis, il reste mien, je l'utilise pour éprouver du plaisir et en procurer, point à la ligne.
En outre, tenir la main de quelqu'un peut me procurer autant voire plus d'exaltation et de plaisir que d'être pénétrée, la partie du corps avec laquelle je prend le plus mon pied en dehors du clito, c'est… mon dos, et je ne laisse pas n'importe qui y accéder. Pour prendre un autre exemple, dans le film Intouchables, F. Cluzet interprète un paraplégique privé de l'usage de son pénis, et qui pour compenser, développe une sensualité très particulière au niveau des lobes d'oreilles! Ca montre bien qu'un organe à priori strictement utilitaire et dénué de toute symbolique peut devenir le siège de la jouissance (donc on ne devrait peut-être pas déconsidérer aussi hâtivement les mains et les pieds...). Personnellement, je préfère croire que l'intimité est dans ma tête plutôt qu'intrinsèquement liée à mon seul vagin : d'une part parce que le corps est trop fragile pour que je rattache ce sentiment d'intimité à une partie dont je pourrais être privée un jour, d'autre part, ça me permet d'établir une intimité au moyen de n'importe quel organe ou membre si besoin est. Et enfin je me sens infiniment plus humiliée quand mes pensées les plus secrètes sont révélées, que quand je suis amenée à pisser en compagnie d'autres meufs et que ma vulve est exposée à la vue de toutes.
Tout ça pour dire que mon vagin n'est pas sacré et je ne veux pas qu'il le soit de façon désolidarisée du reste. Cette désacralisation ne veut pas dire que je fais l'amour comme je passe l'aspirateur, c'est juste que dans ma vision des choses le vagin n'est pas central, il n'est qu'un organe de plaisir et de complicité parmi tant d'autres. L'intimité sexuelle pour moi, elle est dans le plaisir qu'on partage à deux, peut importe les organes impliqués dans cette quête de la jouissance.
En dehors de ces circonstances, mon vagin représente le conduit qui permet l'évacuation de mon sang menstruel, et peut-être qu'un jour il me servira à donner naissance à un bébé.
Si tu souhaites sacraliser le tien, libre à toi, mais admet que tout le monde ne partage pas ta vision des choses, quand bien même elle serait historiquement et culturellement dominante.